Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie
 

Dossier no 030622

M. M...
Séance du 7 janvier 2005

Décision lue en séance publique le 21 septembre 2005

    Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, présentés le 25 avril 2003 et le 11 juin 2003, par le président du conseil général de la Dordogne ; le président du conseil général de la Dordogne demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 6 mars 2003 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne a annulé la décision du 12 septembre 2002 par laquelle la commission d’admission à l’aide sociale de Monpazier a autorisé la récupération des sommes avancées au titre des prestations ménagères d’aide sociale dont a bénéficié M. Roger M..., à l’encontre de ses quatre enfants, bénéficiaires d’un contrat d’assurance vie souscrit par M. Roger M... ;
    Il soutient que, M. Roger M... ayant souscrit le contrat d’assurance vie en cause dans sa 79e année et pour une durée de 10 ans, l’intention libérale du souscripteur est établie ; que contrairement à ce que soutiennent les enfants de M. Roger M..., les bénéficiaires du contrat étaient désignés ; que ce placement, qui est intervenu dans les mois qui ont suivi l’admission à l’aide sociale de M. Roger M..., ne saurait être regardé comme une opération d’épargne ou de prévoyance ; que le contrat souscrit par M. Roger M... constitue une donation indirecte, sur laquelle la créance d’aide sociale détenue par le département de la Dordogne peut être récupérée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2003 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présenté par les consorts M..., qui concluent au rejet de la requête ; ils soutiennent que l’intention libérale n’est pas établie, faute pour le contrat d’assurance vie en cause de désigner nommément les enfants de M. Roger M... comme bénéficiaires de ce contrat ; que le contrat souscrit par M. Roger M... poursuivait un but d’épargne et de prévoyance ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu les lettres en date du 7 novembre 2003 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 7 janvier 2005, Mlle Cortot, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’en vertu des dispositions du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Monpazier, une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale (...) » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil, dès lors que le souscripteur ne se dépouille pas irrémédiablement de ses biens et eu égard au caractère de ce type de contrat aussi longtemps que le souscripteur n’est pas décédé ;
    Considérant que si l’administration de l’aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, si le même pouvoir appartient aux juridictions de l’aide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire et si à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation lorsque les circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit révèlent, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation, l’intention libérale ne peut être regardée comme établie que lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Roger M... a bénéficié de prestations d’aide ménagère au titre de l’aide sociale aux personnes âgées pour la période courant du 1er mai 1992 au 30 avril 1994 ; que les sommes exposées par le département de la Dordogne à ce titre se sont élevées à 2 144,96 euros ; que M. M... a souscrit, le 10 mars 1992, alors qu’il était âgé de 79 ans, un contrat d’assurance vie d’une durée de 10 ans, pour un montant de 6 860,21 euros dont les bénéficiaires étaient le co-contractant lui-même et, en cas de décès, ses ayants droit ; que la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne après avoir estimé, par sa décision du 6 mars 2003 que, le contrat d’assurance-vie souscrit par M. Roger M... ne pouvait être qualifié de donation indirecte, a estimé que le département de la Dordogne n’était pas autorisé à récupérer sa créance d’aide sociale sur les sommes souscrites par M. Roger M... dans le cadre de ce contrat ;
    Considérant que l’âge de M. Roger M... à la souscription du contrat en cause, rapproché de la durée de ce contrat, ne permet pas d’établir l’intention libérale du donateur ; que la circonstance que le contrat d’assurance-vie en cause stipulait que, si M. Roger M... venait à décéder avant le terme du contrat, les sommes seraient versées à ses ayants droit, sans que ceux-ci soient nommément désignés, exclut que le contrat en cause puisse être regardé comme une donation indirecte ; que, par suite, le département de la Dordogne n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 6 mars 2003 par laquelle la commission départementale d’aide sociale a dénié au département de la Dordogne le droit de récupérer sa créance d’aide sociale, d’une valeur de 2 144,96 euros, sur les sommes données par M. Roger M... à ses quatre enfants dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du président du conseil général de la Dordogne est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 janvier 2005 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, Mlle Cortot, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 21 septembre 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer