Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Recours en récupération - Donation - Assurance vie
 

Dossier no 042266

Mme F...
Séance du 28 octobre 2005

Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005

    Vu enregistrée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Garonne le 27 novembre 2003, la requête présentée par M. Claude F... et par M. Alain F..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 22 septembre 2003, rejetant leurs demandes dirigées contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse-I du 17 juin 2002, décidant à leur encontre d’une récupération de 24 328,68 euros à raison de la souscription d’un contrat d’assurance vie décès par Mme Yvette F... par les moyens qu’il n’a pas été répondu à leur argumentaire développer devant la commission d’admission à l’aide sociale à laquelle ils se réfèrent intégralement en le reprenant textuellement dans la présente requête d’appel ; que tout au contraire la commission départementale d’aide sociale tente de s’abriter derrière une décision du Conseil d’Etat du 18 mai 1998, et une décision de la Cour de cassation du 18 juillet 2000, alors et surtout que l’arrêt de la Cour de cassation s’appuie sur l’existence d’un contrat d’assurance viager qui ne saurait leur être opposable puisqu’ils sont bien bénéficiaires d’un contrat d’assurance vie ce qui est totalement différent et qu’aucun amalgame ne saurait être fait même et surtout pour les besoins de la cause ;
    Vu enregistré le 14 septembre 2004, le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne tendant au rejet de la requête par les motifs que l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles constitue la base légale de l’action de l’administration mais que la jurisprudence du droit social est à intégrer au même titre que la loi au droit positif applicable en la matière et qu’il ressort de la combinaison de la loi et de la jurisprudence de l’aide sociale la faculté pour l’administration de rétablir la nature exacte du contrat d’assurance vie quelle que soit la qualification donnée par les parties audit contrat, la jurisprudence procédant par le biais du faisceau d’indices afin de déterminer l’existence des éléments d’une donation indirecte ; qu’en l’espèce l’aléa est annihilé par l’âge avancé de Mme Yvette F... de 77 ans au jour de la signature du contrat alors qu’elle était placée dans un établissement pour personnes dépendantes et avait peu de chances d’utiliser pour son bénéfice propre le capital libéré par le contrat souscrit ; qu’il ressort de l’examen de la déclaration de succession que les capitaux placés ont pour origine le produit issu de la vente de la résidence principale en date du 8 octobre 1997, soit plus de 95 % du patrimoine de l’assistée ; que les recours diligentés par l’administration ne sont nullement tenus de respecter en priorité le code des assurances ; que les jurisprudences citées par la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne ne suffisent nullement à fixer de manière péremptoire l’état du droit, seuls le cumul de la loi, des jurisprudences et de la méthode du faisceau d’indices (permettant de légitimer en droit l’action de l’administration et que l’intérêt majeur de la jurisprudence Leroux réside en son dernier attendu qui mentionne clairement que les dispositions des articles L. 132-12 et 13 ne s’appliquent pas au contrat de capitalisation ; qu’en tout état de cause la commission départementale d’aide sociale a motivé sa décision tant sur des considérations de droit que par une juste appréciation des faits de l’espèce ; que les appelants ont bénéficié du capital libéré par le contrat d’assurance vie largement supérieur à la créance du conseil général et que de ce fait le règlement de cette créance ne saurait grever leur budget de charges exorbitantes ;
    Vu enregistré le 13 juillet 2005, le mémoire en réplique de MM. Claude et Alain F... persistant dans les conclusions de leur requête par les mêmes moyens et les moyens que le mémoire du président du conseil général de la Haute-Garonne est irrecevable comme ils l’ont établi dans leurs mémoires du 30 juillet 2002, du 25 novembre 2003 et du 22 juin 2004 ; que l’article L. 245-7 du code de l’action sociale et des familles « paru au Journal officiel du 12 juin 2005 » confirme que la prestation de compensation n’est pas récupérable qu’il se situe sur le livre II titre IV du code de l’action sociale et des familles et concerne bien les prestations versées aux handicapés du 3e groupe dont relevait leur mère ; que le livre I du même code auquel fait référence le conseil général concerne uniquement le cas général et en aucun cas les handicapés ; qu’ils s’inscrivent en faux pour ce qui concerne le montant prétendument investi par leur mère de 64 652,94 euros alors que sa part n’était que de 42 832,57 euros et qu’eux même auraient également investi leur part respective ; qu’à la mort de leur père le chèque issu de la vente de la maison familiale a été placé dans son intégralité pour préserver leur seul patrimoine ; qu’ils s’inscrivent encore en faux contre l’affirmation de « capital libéré » du conseil général car ils ont simplement protégé leur capital pierre en le transformant en investissement ; que la jurisprudence Consorts Ducros n’a rien à voir avec leur requête ;
    Vu enregistré le 11 août 2005, le mémoire du président du conseil général de la Haute-Garonne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que les articles L. 245-1 à 11 et L. 245-7 du code de l’action sociale et des familles concernent uniquement l’allocation de compensation ou la prestation compensatrice ; que les dispositions relatives à cette dernière ne sont pas entrées en vigueur ; que la jurisprudence Leroux ne correspond pas aux faits de l’espèce, mais qu’il est demandé l’application de la jurisprudence du Conseil d’Etat département de l’Allier du 19 novembre 2004 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 octobre 2005, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens :
    Considérant que si la souscription d’un contrat d’assurance vie décès peut lorsque le capital promis est attribué après le décès du stipulant au bénéficiaire de second rang être requalifiée en donation indirecte par l’administration sous le contrôle du juge de l’aide sociale sous réserve en cas de difficultés sérieuses d’un renvoi préjudiciel à l’autorité judiciaire, il résulte en l’espèce de l’instruction du dossier que Mme Yvette F... a souscrit le contrat d’assurance vie décès litigieux à 77 ans et que si elle était admise en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes il n’est pas établi du seul fait de l’état susceptible de justifier une telle admission que l’intéressée éprouvait des difficultés de santé de nature à inférer un pronostic fatal à brève voire moyenne échéance, la « dépendance » n’étant pas par elle même constitutive d’une telle affection ; que si par ailleurs le montant de sa part dans la vente de la maison familiale n’avait pas été affecté à la souscription du contrat litigieux moyennant une prime de 28 963,93 euros mais sur un autre placement l’actif net successoral aurait été compte tenu de cette affectation sur un autre placement non spéculatif (ce qui aurait été le cas très clairement au vu du dossier) correspondant à la situation et aux besoins de l’assistée inférieur ou très légèrement supérieur à 45 734,70 euros (300 000,00 francs) et ses fils ses héritiers les requérants n’auraient en tout état de cause pas été assujettis aux droits d’enregistrement sur succession ; que d’ailleurs un tel actif réintégré dans la succession n’aurait pas donné lieu à récupération de l’aide sociale sur les enfants de l’intéressée ; qu’en admettant même que cette dernière circonstance ne doive pas être prise en compte pour établir l’intention libérale de la stipulante dans la mesure où celle-ci et les bénéficiaires de second rang ignoraient alors que les contrats d’assurance vie décès étaient susceptibles d’être requalifiés en donation indirecte, les autres circonstances susprécisées suffisent à elles seules, alors même que l’actif de la succession ne comportait par ailleurs que des liquidités d’un montant de 2 310,65 euros, à justifier qu’à raison de l’existence d’un aléa effectif compte tenu de l’âge de la stipulante, lors de la souscription du contrat (77 ans même si le président du conseil général de la Haute-Garonne considère cet âge comme « avancé ») et de ce qu’en toute hypothèse les requérants n’auraient pas été assujettis à des droits de succession ou à des droits très modiques ces faits étant aux nombres de ceux susceptibles de permettre ou non d’appréhender l’intention libérale de la souscriptrice, à permettre de considérer que n’est pas apportée la preuve qui incombe au président du conseil général de la Haute-Garonne d’une intention libérale de Mme Yvette F... à l’égard de ses deux fils lors de la souscription du contrat de nature à permettre la requalification de celui-ci en donation indirecte sans qu’il soit besoin de renvoyer à titre préjudiciel les parties à se pourvoir devant l’autorité judiciaire en l’état de clarté suffisante des éléments du dossier ; que dans ces conditions il y a lieu d’annuler les décisions attaquées ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale Toulouse-I en date des 22 septembre 2003, et 17 juin 2002, sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de MM. Claude et Alain F... des arrérages d’allocation compensatrice versés par l’aide sociale à Mme Yvette F... du 12 février 1996 au 30 juin 2006, pour un montant de 24 328,68 .
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 octobre 2005, où siégeaient M. Levy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pouvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer