Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Recours en récupération - Donation - Assurance vie
 

Dossier no 042270

Mme P...
Séance du 28 octobre 2005

Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005

    Vu enregistrée le 25 juillet 2000, dans les services de l’Etat ou du département de la Haute-Garonne la requête présentée par M. Arnold P... et Mme Myriam T..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 25 mai 2000, rejetant leur demande dirigée contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse-X en date du 20 décembre 1999, décidant la récupération de la somme de 133 046,72 francs à leur encontre en tant que donataires du contrat souscrit en leur faveur par Mme Marcelle P... par le moyen que le conseil général n’informait pas l’usager des recours sur le bénéficiaire de l’assurance vie ; que c’est sur les conseils de la Caisse d’épargne que les fonds détenus sur le livret A ont été placés en assurance vie ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 2 mai 2004, tendant au rejet de la requête par les motifs que le conseil général instruit les dossiers de la sorte par le biais de la combinaison de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles et de la jurisprudence de l’aide sociale ; que l’administration est en droit de rétablir la nature exacte des actes juridiques litigieux quelle que soit la qualification donnée par les parties ; qu’en l’espèce le recours est diligenté à l’encontre de Mme Myriam T... et de M. Arnold P... en leur unique qualité de donataires indirects de Mme Marcelle P... qui a souscrit un contrat d’assurance vie à 86 ans et avec peu de chance de percevoir le bénéfice du capital à échéance du contrat ; qu’une telle opération constitue une pure libéralité dépourvue de contre partie et de tout aléa sérieux ; qu’aucune disposition légale n’oblige le conseil général à informer les bénéficiaires de l’aide sociale des conséquences de leur admission ou a fortiori les donataires, cette règle ayant pour finalité de ne pas trahir le secret professionnel et d’éviter toute pression familiale ; qu’en l’absence de jugement contraire le bénéficiaire de l’aide sociale est reconnu juridiquement capable ; que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 juillet 2000, dans l’affaire Consorts Leroux justifie la position de l’administration ;
    Vu enregistré le 22 juillet 2005, le mémoire en réplique présenté par M. Arnold P... et Mme Myriam T... persistant dans les conclusions de leur requête par les mêmes moyens et les moyens que l’information fournie par l’administration est insuffisante ; que Mme P... décédée le 29 juin 1999, n’a pas souscrit le contrat le 20 octobre 1999, mais le 29 décembre 1993 ; que les documents du conseil général « allocation compensatrice » indiqueraient que l’allocation n’est pas soumise à l’obligation alimentaire et n’est pas récupérable après le décès du bénéficiaire ; que M. Arnold P... a été la tierce personne non rémunérée de sa mère et a du travailler à mi-temps pour ce faire ce qui a entraîné une diminution de ses revenus et de sa retraite ; que la somme réclamée n’a pas été employée par Mme Marcelle P... ; qu’ils n’ont par eux-mêmes utilisé l’allocation compensatrice ; que leurs revenus sont modestes ; que Mme Marcelle P... pouvait récupérer les fonds à tout moment ;
    Vu enregistré le 11 août 2005, le mémoire en réplique du président du conseil général de la Haute-Garonne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et le motif que l’administration est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 octobre 2005, Mlle Erdmann, rapporteure, M. Jean-Paul T... fils de Mme T... à titre d’information, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
    Considérant que la jurisprudence impose au juge de l’aide sociale d’examiner tous moyens soulevés jusqu’à la clôture de l’instruction ; qu’en effet puisqu’elle permet la régularisation d’une requête non motivée dans les délais elle permet, a contrario et a fortiori, aux requérants de soulever tous moyens nouveaux même reposant, en tout état de cause, sur une cause juridique distincte de celle dont relèvent les moyens soulevés dans le délai ;
    Considérant qu’après avoir dans leur requête soulevé deux moyens inopérants auxquels l’administration a répondu dans son mémoire en défense, les requérants soulèvent en réplique le 15 juillet 2005, des moyens nouveaux tirés de ce que compte tenu des erreurs de l’administration sur la date de la souscription du contrat d’assurance vie décès souscrit par Mme Marcelle P... et des caractéristiques de ce contrat, celui-ci ne saurait en l’espèce être requalifié en donation indirecte ; que sans contester l’erreur commise en défense quant à l’âge de la stipulante l’administration se borne en réplique à faire valoir qu’un contrat d’assurance vie décès est susceptible d’être requalifié en donation indirecte ;
    Considérant en outre que les requérants présentent des conclusions aux fins de remise de la créance auxquelles l’administration s’abstient d’opposer toute contestation ;
    Considérant d’une part, qu’eu égard à l’âge de la stipulante au moment de la souscription du contrat (80 et non 86 ans comme soutenu par l’administration), au montant des primes qui n’est pas exactement déterminé (la photocopie du contrat produit en réplique étant illisible sur ce point), mais dont il n’apparaît pas qu’il fut substantiellement différent du capital perçu par les bénéficiaires soit 20 282,00 euros, au montant de l’actif successoral (57 625,00 euros dont 11 891,02 euros de capitaux mobiliers) il est clair que l’administration n’établit pas qu’en l’espèce à raison de l’aléa que comportait le contrat à la date de sa signature par la stipulante et du montant de la souscription au regard des autres actifs de celle-ci ledit contrat ait été souscrit dans des conditions telles qu’ elles manifestent une intention libérale de Mme Marcelle P... à l’égard de ses enfants, bénéficiaires de second rang, de nature à justifier de la requalification du contrat en une donation indirecte ;
    Considérant au surplus que les revenus de M. Arnold P... et des époux T... dont il n’est pas allégué qu’ils se soient acquittés de la créance et aient été sommés de le faire après la décision de la commission d’admission à l’aide sociale ou celle de la commission départementale d’aide sociale sont modestes ; que les époux T... perçoivent la prime pour l’emploi aux termes de leur avis d’imposition ; que si les revenus de M. Arnold P... sont quelques peu moins modestes (il acquitte un faible montant d’impôt sur le revenu) il ressort du dossier et n’est pas contesté que le requérant avait du vivant de sa mère renoncé à un mi-temps de son emploi à plein temps et ainsi amoindri et ses revenus et ensuite sa retraite pour servir de tierce personne non rémunérée à sa mère, ce qui, clairement, excédait son devoir de créancier d’aliments ; que dans ces conditions et en l’absence de contestation de l’administration sur les faits susévoqués et leur contexte il y aurait eu lieu en tout état de cause à remise de la créance au bénéfice des deux requérants ;
    Considérant que de tout ce qui précède il résulte qu’il y a lieu de faire droit aux conclusions de la requête de Mme Myriam T... et de M. Arnold P... ;

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 25 mai 2000, et de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse X en date du 20 décembre 1999, sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de Mme Myriam T... et de M. Arnold P... des arrérages d’allocation compensatrice servis à Mme Marcelle P...
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du Logement, au ministre de la santé des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 octobre 2005, où siégeaient M. Levy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pouvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer