Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) -  Recours en récupération -  Donation
 

Dossier no 042230

Mme R...
Séance du 3 octobre 2005

Décision lue en séance publique le 10 novembre 2005

    Vu enregistré le 18 décembre 2003, à la DDASS de l’Hérault le recours introduit par Mme Jeanine R..., dirigé contre la décision du 10 octobre 2003, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault, confirmant celle de la commission d’admission à l’aide sociale de Lunel (34), a décidé de récupérer au décès de la donatrice une somme de 10 515,56 euros, contre la donataire eu égard à la donation reçue le 13 juin 1987, de Mme Cyprienne C..., sa mère, de son vivant bénéficiaire de l’aide sociale ;
    Par les moyens qu’elle n’aurait pas été informée de la possible récupération sur les donataires d’une bénéficiaire de l’allocation compensatrice pour tierce personne de la créance du département ; qu’elle a satisfait à l’obligation de soin et d’entretien à laquelle elle était tenue par la donation ; que, en cas de rejet de sa requête, elle se verrait contrainte de vendre sa résidence actuelle, objet de la donation ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en date du 3 septembre 2004, du président du conseil général de l’Hérault, tendant au rejet de la requête ;
    Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 octobre 2005, Mme Ciavatti, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la légalité de la récupération ;
    Considérant que la circonstance qu’il aurait été indiqué à Mme Jeanine R..., donataire à compter du 1er octobre 1997, lorsque fut octroyée l’allocation compensatrice à Mme Cyprienne C..., sa mère donatrice, qu’elle n’était pas récupérable d’ailleurs non établie demeure sans incidence sur la légalité de la récupération à l’encontre de Mme Jeanine R... des arrérages de cette allocation servie à Mme Cyprienne C... et par elle-même, alors d’ailleurs que celle-ci informée le 6 juillet 1998, de la récupérabilité des arrérages de la prestation spécifique dépendance accordée pour compter du 1er juillet persista expressément dans sa demande, sur son bien-fondé ;
    Considérant qu’il est constant que la donation les 25, 29 octobre et 7 novembre 1996, par Mme Cyprienne C... à sa fille Mme Jeanine R... et à ses petits-enfants venant en représentation de leurs père et frère prédécédé de la nue-propriété à hauteur de ses droits de la maison familiale 150 rue Ernest Chanson à Lunel, pour une valeur de 280 000,00 francs (42 685,72 euros) était assortie d’une obligation incombant en totalité par le jeu des clauses combinées de la donation partage dont le département de l’Hérault, comme il n’est pas contesté, peut se prévaloir à l’encontre de la requérante, à Mme R... de « verser » à Mme C... « les sommes nécessaires en cas de séjour en maison de retraite », la donatrice étant ainsi hébergée depuis le 1er septembre 1995 et n’envisageant nullement de quitter l’établissement où elle est demeurée admise jusqu’à son décès le 23 avril 2002, pour retourner à son domicile ou à celui de Mme Jeanine R... ; que néanmoins Mme Jeanine R... a sollicité l’allocation compensatrice puis la prestation spécifique dépendance postérieurement à la souscription de cette obligation par sa fille ; qu’une telle donation entre dans le champ des dispositions de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale devenu L. 132-8 deuxièmement du code de l’action sociale et des familles, sauf si les charges stipulées sont égales ou supérieures à la valeur de l’avantage consenti, auquel cas l’intention libérale qui caractérise une disposition à titre gratuit disparaît ; qu’un tel (des) équilibre entre les charges et la valeur du don qui est de nature à priver l’acte de son caractère de donation et à écarter l’application de l’article 146 b devenu L. 132-8 deuxièmement susrappelé, n’est pas invoqué par Mme Jeanine R... et sera regardé comme ne ressortant pas du dossier dans des conditions susceptibles de justifier d’une requalification par le juge de l’aide sociale, voire d’un renvoi préjudiciel à l’autorité judiciaire de la question de la nature véritable donation de l’acte dont s’agit ;
    Considérant que si, à tout le moins, en ce qui concerne la prestation spécifique dépendance, l’administration était en droit de réintégrer le montant correspondant aux engagements souscrits par Mme Jeanine R... envers Mme Cyprienne C..., dans les revenus à prendre en compte pour l’admission à l’aide sociale ou de répéter l’indu, cette circonstance, en tout état de cause en ce qui concerne l’allocation compensatrice, n’est pas de nature à lui interdire de mettre en œuvre l’action en récupération contre le donataire si la prestation a bien été, fut-ce illégalement, perçue par le donateur et si les conditions légales de la récupération sont, par ailleurs, remplies ;
    Considérant que Mme Jeanine R... qui s’était, comme il a été dit, engagée à procurer à Mme Cyprienne C... « les sommes nécessaires en cas de séjour en maison de retraite « soutient qu’elle s’est acquittée de cet engagement en ce qui concerne tant l’allocation compensatrice pour tierce personne que la prestation spécifique dépendance que Mme Cyprienne C... a perçue jusqu’à son décès le 23 avril 2002, une demande d’allocation personnalisée d’autonomie ne semblant pas avoir été introduite ;
    Considérant que si, en ce qui concerne l’allocation compensatrice pour tierce personne Mme Jeanine R... soutient avoir assumé durant sa période d’attribution du 1er février 1997 au 31 mars 1998, des charges correspondantes à son engagement « l’allocation compensatrice pour tierce personne (n’ayant) pas couvert intégralement les dépenses restant à sa charge », elle ne l’établit en aucune façon ; qu’il en est de même pour la période du versement des arrérages de prestation spécifique dépendance du 1er septembre au 31 décembre 1998 ;
    Considérant en ce qui concerne la prestation spécifique dépendance attribuée du 1er janvier 1999 au 23 avril 2002, que Mme Jeanine R... soutient qu’elle s’est acquittée à hauteur du montant des arrérages de cette allocation pour la période dite de l’obligation de payer « les sommes nécessaires en cas de séjour en maison de retraite » à sa charge ;
    Considérant d’abord, que l’administration est en droit d’opposer à la requérante l’engagement souscrit dans les conditions susrappelées stipulées à l’acte de donation ; qu’en tout état de cause d’ailleurs, le montant des prestations récupérées est inférieur au montant (144 000 francs (21 925,66 euros) du quantum de la donation attribué à la requérante avant application des stipulations combinées relatives à la soulte versée aux co-donataires à hauteur de leur part dans le bien immeuble donné permettant l’entrée en jouissance immédiate de la nue-propriété par Mme Jeanine R... et à sa compensation par leur décharge de l’obligation de versement de frais de séjour de Mme Cyprienne C..., obligation évaluée au montant même de cette soulte ;
    Considérant ensuite, que Mme Jeanine R... ne justifie pas avoir rempli son engagement en ce qui concerne la prestation spécifique dépendance litigieuse ; que selon ses dires concernant le montant de l’année 2000, sur lequel il peut être raisonné à titre d’exemple transposable toutes choses égales aux années 1999, 2001 et 2002, le montant des frais de séjour est de 99 899,20 francs (15 229,53 euros), celui des revenus de Mme Cyprienne C... y affectés de 72 805 francs (11 099,05 euros) ; qu’il ressort du dossier, d’une part, que le montant de la prestation spécifique dépendance afférent à l’année 2000 est de 9 000 francs (1 372,04 euros) (750 francs par mois (114,34 euros), d’autre part, qu’il est versé directement par le département au gestionnaire de la maison de retraite dans le cadre d’une dotation globale ; qu’il ne ressort pas des « relevés annuels de frais d’hébergement correspondants à la participation aux frais d’hébergement de votre parente » qui lui ont été adressés par l’établissement, que le montant réclamé qu’elle soutient avoir acquitté, d’ailleurs seulement pour partie (17 400 francs (2 652,61 euros) au regard d’un montant de 270 000 francs (4 116,18 euros) porté sur la déclaration fiscale comporte la prestation spécifique dépendance ; qu’en l’état du dossier il apparaît au contraire que le montant de celle-ci avait déjà été versé à l’établissement par le département et n’était pas compris dans le reste de la « participation » dont fait état Mme Jeanine R..., qui comprend, d’une part les revenus affectés de Mme Cyprienne C... et d’autre part le montant complémentaire acquitté par sa fille ; qu’ainsi le montant global des frais de séjour [(108 899,90 francs (16 601,68 euros) dont 9 000 francs (1 372,04 Euros) versés directement au titre de la prestation spécifique dépendance par le département] (diminué du montant des revenus affectés de Mme Cyprienne C... (72 805 euros soit 36 094,90 francs), ne correspond pas à la somme que Mme Jeanine R... déclare avoir versée : 17 00 francs (2 652,61 euros) ; que la différence de 18 694 francs (2 849,88 euros) apparaissant au titre de cette année comprend notamment le montant de la prestation spécifique dépendance que le département a versé au gestionnaire de la maison de retraite et qui correspond à une obligation que Mme Jeanine R.... s’était engagée à assumer dans l’acte de donation ; que la circonstance qu’elle aurait assumé au surplus en tout ou partie l’obligation stipulée dans la donation est sans incidence sur les droits du département de l’Hérault à récupérer dans la limite du montant de 9 000 francs (1 372,04 euros) la prestation qu’il a versée au gestionnaire de l’établissement accueillant Mme Cyprienne C... ; que le même constat peut comme il a été dit, être fait pour les autres années de versement de la prestation ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que Mme Ruiz a « satisfait à la charge de soins et d’entretien de Mme C... » ne peut qu’être écarté ;
    Sur les conclusions aux fins de remise ou de modération ;
    Considérant que Mme Jeanine R... ne fournit pas ses avis d’impositions 2004, ni même 2003 ; qu’en 2002, les revenus fonciers apparaissant sur l’avis d’imposition, alors qu’ils n’apparaissent pas sur les déclarations souscrites les années précédentes, ne peuvent que correspondre aux revenus fonciers provenant de l’immeuble rue Ernest Chanson à compter du décès de Mme Cyprienne C... ; qu’en 2002, les revenus bruts de pensions des époux R... s’élèvent à 10 702 euros, les revenus de capitaux mobiliers nets hors avoir fiscal à 100 euros ; qu’à l’heure actuelle les revenus du foyer de Mme Jeanine R..., qui est propriétaire de son logement et ne fait pas état de charges de famille ou d’autres charges particulières peuvent être évaluées entre 14 500 et 15 000 euros (environ 1 250 euros par mois) ; que dans ces conditions, il n’y a pas lieu a remise ou modération de la créance ; que si, comme le fait valoir Mme Jeanine R..., il doit être admis en l’état des éléments produits au dossier que pour régler immédiatement la créance d’environ 10 500 euros, les époux R... seraient de manière vraisemblable contraints à céder le bien dont ils ont aujourd’hui l’entière propriété, il n’appartient pas au juge de l’aide sociale mais au seul payeur départemental d’accorder un étalement de la dette de Mme Jeanine R... ; qu’il n’est toutefois pas interdit au juge de relever que si les éléments fournis sont exacts et pertinents, l’administration ne devrait pas écarter par principe la demande d’échéancier qui viendrait à être formulée par Mme Jeanine R... pour éviter la vente du bien,

Décide

    Art. 1er.  - La requête de Mme Jeanine R... est rejetée.
    Art. 2.  - La présente décision sera transmise au ministre de l’Emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 octobre 2005, où siégeaient M. Lévy, président, Mme Le Meur, assesseure, Mme Ciavatti, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 10 novembre 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer