Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : ASPH -  Allocation compensatrice tierce personne (ACTP) -  Recours en récupération -  Donation -  Assurance vie
 

Dossier no 050278

Mme L...
Séance du 27 octobre 2005

Décision lue en séance publique le 10 novembre 2005

    Vu enregistrée le 20 septembre 2004, un courrier transmis à la direction du conseil général le 6 mars 2002, la requête de Mme Marie-Claude L... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler une décision de la commission départementale d’aide sociale de Haute-Garonne du 22 janvier 2002, par les moyens que la somme perçue de l’assurance vie avait été consacrée aux frais d’obsèques et à la construction au cimetière de sa commune d’un caveau où son corps repose ainsi que celui de son père ; que deux ans ont passé depuis la décision de la récupération sans la moindre information de la part des services de la DDASS ; qu’elle pensait que sa demande avait abouti ; qu’elle n’est plus en mesure de reverser cette somme en une fois ; qu’agriculteurs, victimes en 2003 d’une sécheresse catastrophique, leurs revenus ont subi le contrecoup et qu’elle sollicite l’étalement de la dette sur cinq ans ; que sa mère était femme de déporté ;     Vu le mémoire en défense du président du conseil général en date du 23 décembre 2004, qui conclut au rejet de la requête par les moyens que seule la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales est habilitée en tant que secrétariat du greffe de la commission départementale d’aide sociale à transmettre et enregistrer les pourvois en appel des décisions rendues par la commission précitée ; que Mme Marie-Claude L... ne produit pas l’accusé de réception qui indique qu’une demande d’appel a fait l’objet d’un enregistrement par la DDASS de Haute-Garonne, ni devant la commission départementale d’aide sociale ; qu’en l’absence de ses éléments, l’administration ne peut légalement instruire une demande qu’elle n’a pas reçue dans les délais légaux d’appel ; que de plus l’administration est en droit d’invoquer la forclusion du pourvoi formulé par Mme Marie-Claude L... ; qu’en effet, Mme Marie-Claude L... en tant que personne physique reconnue capable et majeure était seule habilitée à faire appel de la décision rendue par la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse du 8 janvier 2001 ; que le courrier d’appel a été entièrement rédigé par Mme D... ; que de fait, cette dernière n’avait aucun intérêt direct à agir sur la réformation de la décision prononcée par la commission d’admission précitée ; qu’ainsi l’appel qu’aurait fait Mme Marie-Claude L... de la décision rendue par la commission départementale de la Haute-Garonne ne peut légalement être traité ; que le pourvoi de Mme Marie-Claude L... est frappé de forclusion ; que par conséquent la décision rendue par la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse du 8 janvier 2001, est seule exécutoire ; qu’ainsi ce premier appel d’une décision administrative ne respectait pas les règles de recevabilité telles que définies par le droit administratif ; que cependant la commission départementale d’aide sociale saisie en appel a statué sur les éléments de fait du litige, sans se prononcer sur la recevabilité du recours ; qu’en définitive seule la décision rendue par la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse du 8 janvier 2001, est opposable à Mme Marie-Claude L... cette décision ayant fait l’objet d’une notification expresse par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 janvier 2001 ; que si cependant votre juridiction admet la recevabilité de la demande de Mme Marie-Claude L..., le conseil général demande de faire droit à la récupération de sa créance sur des motifs de droits commandés essentiellement par votre jurisprudence ; qu’ainsi en ce qui concerne la légitimité juridique du recours de l’administration, le conseil général instruit les dossiers de récupération de créance, selon les dispositions de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; que les situations sociologiques nouvelles (souscription de contrat d’assurance vie par les bénéficiaires d’aide sociale) non prises en compte par la législation sont subordonnées à la pratique du droit relatives aux différentes décisions rendues par les juridictions de droit commun et de l’aide sociale ; qu’il ressort des combinaisons de l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles et de la jurisprudence de l’aide sociale (commission centrale d’aide sociale en date du 20 avril 1998 département du Nord, conseil d’Etat en date du 18 mai 1998 consorts Ducros), la faculté de l’administration de rétablir la nature exacte du contrat d’assurance vie quelle que soit la qualification donnée par les parties dudit contrat ; que de ce fait, ce pouvoir de requalification incombe en premier chef aux juridictions de l’aide sociale, dont notamment la commission départementale d’aide sociale ; que ce principe a été confirmé par les jurisprudences récentes de votre juridiction (commission centrale d’aide sociale du 28 mai 2003, Mme R... contre conseil général de la Dordogne no 010909) ; qu’en tout état de cause, les commissions départementales d’aide sociale ont l’opportunité de procéder à une telle requalification par le biais de la méthode du faisceau d’indices dégagée par votre jurisprudence ; qu’en l’espèce la décision de récupération de la créance a bien respecté ce principe puisque la requalification du contrat répond aux critères déterminés par votre jurisprudence ; qu’il est à signaler que ces éléments d’appréciations ne constituent nullement une liste exhaustive, et peuvent être à l’avenir compléter en fonction des cas d’espèces soumis à votre juridiction ; qu’il ressort de votre jurisprudence (dont l’arrêt rendu le 28 mai 2003, conseil général de l’Oise contre Mme D... épouse T... no 11977), que la juridiction de fond doit vérifier l’âge du souscripteur, l’utilisation effective de la faculté de rachat, l’état du patrimoine mobilier et immobilier du souscripteur et le rapport du capital investi eu égard à l’actif de la succession ; que de fait Mme D... avait 77 ans lors de la souscription du contrat assurance vie ; que cette dernière a placé la totalité des fonds dépendant de son patrimoine au sein de ce contrat ; qu’il ressort en effet des allégations même de Mme Marie-Claude L... que la succession est inexistante ; qu’ainsi ce contrat représente l’unique placement mobilier dépendant des avoirs de Mme D... ; qu’aussi ce placement ne fait pas partie d’un portefeuille de biens mobiliers en ce qui démontre que le contrat assurance vie n’est nullement un mode de gestion récurrent des liquidités dépendant du patrimoine de Mme D... (commission centrale d’aide sociale du 27 février 2002, conseil général de l’Hérault contre Mme V... no 000628) ; qu’ainsi dès lors le capital investi est versé en intégralité aux bénéficiaires, l’administration est en droit d’en invoquer l’intention libérale comme motif de souscription ; que de plus, seule Mme Marie-Claude L... est bénéficiaire du contrat alors que cette dernière n’avait pas la charge de la personne handicapée ; qu’en effet, la sœur aînée de Mme Marie-Claude L... bien qu’assurant la charge de sa mère n’a pas été récompensée financièrement ; que de fait, les faits de l’espèce répondent bien à la définition de libéralité comme un acte juridique purement gratuit et ne rétribuant pas un éventuel service rendu (commission centrale d’aide sociale du conseil général de l’Hérault contre Mme Rosario V... no 000628) ; qu’il ressort en définitive de l’examen des faits attenants à la souscription du contrat que seule l’intention libérale permet de justifier le transfert du capital initialement investi (âge avancé, succession inexistante, non rétribution d’un service rendu, non utilisation de la faculté de rachat, non utilisation d’éventuel retrait) ; qu’en ce qui concerne le statut de Mme D..., il est demandé de ne pas procéder à l’annulation de la dette de l’administration sur ce motif puisque ce dernier est sans connexité avec le présent litige ;
    Vu le nouveau mémoire de Mme Marie-Claude L... en date du 4 juillet 2005, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que si sa sœur Mme D... s’est investie dans les démarches administratives c’est pour l’aider, car elle ne se sentait pas capable intellectuellement n’étant qu’exploitante agricole ; que si sa mère a 77 ans a souscrit un contrat d’assurance vie dont elle était la seule bénéficiaire c’était sur les conseils de Mme F... du bureau de poste de Lableuque ; que ce PEP arrivait à échéance moins de deux mois après le décès de sa mère et qu’elle sollicite votre indulgence ; que cet argent provenait de la pension de veuve de guerre de sa mère Mme Alexandrine S... ; qu’elle avait toujours argent placé à la poste ; qu’en 1995 sa mère grabataire a été prise à domicile par sa sœur ; qu’elle et sa sœur tenaient à la conserver à domicile ; qu’elles se servaient de l’allocation pour assurer le meilleur confort à leur mère ; qu’elle précise qu’elles n’avaient jamais demandé une allocation plus importante, malgré l’aggravation de l’état de santé de leur mère ; qu’elle estime que l’hospitalisation de leur mère durant quatre années aurait eu un coût supérieur ; que ce maintien à domicile était très difficile et qu’elle avait toujours compensé sa sœur par des produits de son exploitation ; que sur les reproches du conseil général de ne pas avoir envoyé certaines lettres, elles ne connaissaient pas les règles du droit administratif et qu’elles pensaient bien faire ; qu’elle fait référence à un texte du conseil d’Etat du 29 novembre 2000, qui fait jurisprudence en la matière ; qu’enfin elle voudrait soulever qu’elle a respecté la volonté de sa mère de refaire le caveau familial ; qu’elle joint photocopies des factures, des certificats médicaux et des accusés de réception ainsi que son avis d’imposition ; que quelle que soit l’issue de cette décision, elles ne regrettent pas d’avoir conservé leur mère le plus longtemps possible auprès d’elles, mère à qui la première guerre mondiale a pris son père avant sa naissance et a vu partir son époux en déportation et grâce à Dieu revenir ; qu’elle ne cherche pas à apitoyer, mais qu’ elle trouve injuste cette demande en récupération ;
    Vu le nouveau courrier de Mme Marie-Claude L... en date du 10 septembre 2005, joignant différentes photocopies d’échange de courriers et notamment : note manuscrite de Maître C... notaire du 15 août 2000 ; recours du 21 septembre 2000, de Mme Marie-Claude L... au président de la commission départementale d’aide sociale ; lettre non datée de Mme Marie-Claude L... au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale ; photocopie de la décision de récupération du 15 janvier 2001, de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse ; lettre de recours PSD de Mmes D... et L... au président du conseil général de Haute-Garonne ; photocopie de la lettre de Mme Marie-Claude L... du 5 avril 2001 ; courrier d’appel à refus de recours de Mme Marie-Claude L... adressé au président de la commission d’aide sociale du département de Haute-Garonne ; copie de la lettre du 20 septembre 2004, de Mme Marie-Claude L... au président du conseil général de la Haute-Garonne ; copie de la lettre du 23 octobre 2004, de Mme Marie-Claude L... au président de la commission d’admission à l’aide sociale ;
    Vu le recours formé tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Haute Garonne en date du 22 janvier 2002 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 octobre 2005, Mlle Evelyne Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la recevabilité de l’appel ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de l’accusé de réception du conseil général de la Haute-Garonne du 1er mars 2002, que Mme Marie-Claude L... a bien fait appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale du 22 janvier 2002, notifiée le 28 février 2002 ; qu’il appartenait au président du conseil général de transmettre l’appel soit au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale, soit directement au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale ; que l’appel est en conséquence recevable ;
    Sur la recevabilité de la demande à la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant que plusieurs demandes ont été formulées auprès des services du département ou de la commission départementale d’aide sociale ; que l’ensemble de ces demandes valait recours à la commission départementale d’aide sociale ; que l’une en date du 30 janvier 2001, était présentée par Mesdames L... et D... (sa sœur) ; que si elle était signée seulement de cette dernière le premier juge n’a formulé aucune demande de régularisation pour signature de Mme Marie-Claude L... ; que cette demande a été transmise à la direction des affaires sanitaires et sociales (secrétariat de la commission départementale d’aide sociale) le 19 mars 2001, et y est parvenue le 24 mars 2001, pour être ultérieurement retournée dans les services du département dans le cadre des transmissions de la sorte entre les services de l’Etat et ceux du département dans le département de la Haute-Garonne qui n’apparaissent pas en règle générale au regard de l’expérience de la présente juridiction d’une extrême clarté ; que l’autre demande en date du 31 janvier 2001, émane de Mme Marie-Claude L... ; que d’ailleurs l’administration a défendu devant la commission départementale d’aide sociale à l’encontre de Mme Marie-Claude L... et le premier juge a statué à son encontre ; qu’ainsi le président du conseil général de la Haute-Garonne n’est pas fondé à soutenir que la demande de Mme Marie-Claude L... n’était pas recevable pour défaut de saisine de la commission départementale d’aide sociale ou pour une prétendue forclusion ;
    Au fond ;
    Considérant qu’un contrat d’assurance vie décès acte neutre peut-être requalifié en donation indirecte si l’administration établit qu’en raison de l’absence d’aléa réel et/ou de gestion normale de ses ressources par le signataire lors de la souscription du contrat l’intention libérale de ce dernier à l’égard du bénéficiaire est établie ;
    Considérant qu’il ressort du dossier que Mme D... a souscrit en 1991 à 77 ans et en bonne santé un contrat d’assurance vie décès moyennant une prime initiale de 48 860 francs avec versements ultérieurs libres ; que le montant total et l’échéance des primes auxquelles correspond le capital de 9 631 euros perçu par Mme Marie-Claude L... après le décès de Mme D... ne ressort pas du dossier autrement que pour la somme de 40 860 francs dont s’agit ; que la déclaration de revenus de Mme D... en 1999 année où elle est décédée en novembre fait apparaître des revenus de capitaux mobiliers de l’intéressée pour un montant non précisé ;
    Considérant que l’administration qui a la charge de la preuve des éléments de nature à justifier la requalification qu’elle revendique n’établit dans ces circonstances ni qu’à la souscription le contrat fut dépourvu d’un aléa effectif alors d’ailleurs que Mme D... n’est décédée que deux mois avant son terme ni d’ailleurs qu’il ait été conclu dans le cadre d’une gestion anormale de son patrimoine par Mme D... ; que si la circonstance qu’en 1991, la stipulation ait eu pour bénéficiaire Mme Marie-Claude L... et non sa sœur Mme D... alors que c’est celle-ci qui est infirmière qui a pour l’essentiel accueilli Mme D... à son domicile lorsque celle-ci devint très gravement handicapée, moyennant d’ailleurs des relations d’aide entre les deux sœurs, n’est pas de nature à justifier de la requalification litigieuse, alors que le président du conseil général de la Haute-Garonne s’abstient de situer la désignation de la requérante à la date de la souscription du contrat, dans le cadre d’ensemble des relations familiales entre Mme D... et ses deux filles, au moment de celle-ci et ultérieurement ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à la requête,

Décide

    Art. 1er.  - Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Haute Garonne du 22 janvier 2002, et de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse du 8 janvier 2001, sont annulées ;
    Art. 2.  - Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de Mme Marie-Claude L... des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne versés à sa sœur Mme D... par le département de la Haute-Garonne.
    Art. 3.  - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du Logement, au ministre de la Santé des Solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 octobre 2005, où siégeaient M. Lévy, président, Mme Kornmann, assesseure, Mlle  Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 10 novembre 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer