Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession
 

Dossier no 042031

Mme F... Christiane
Séance du 22 février 2006

Décision lue en séance publique le 15 mars 2006

    Vu le recours formé le 18 mars 2004 par Me Jean-Marc F... pour MM. Bernard F... et Alain F... tendant à l’annulation de la décision en date du 14 juin 2002 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Paris a confirmé la décision du 4 janvier 2002 de la commission d’admission à l’aide sociale du 15e arrondissement de Paris qui a décidé la récupération sur la succession de Mme Christiane F... d’une somme de 125.690,87 Euro ;
    Le requérant soutient que la récupération, objet du litige, est exigée au titre de l’obligation alimentaire et qu’il n’appartient qu’aux tribunaux judiciaires de se prononcer sur l’existence de cette obligation ; que la règle « aliments ne s’arréragent pas » est fondée sur le principe selon lequel le créancier qui ne réclame pas les termes échus est considéré comme à l’abri du besoin et censé avoir renoncé à en solliciter le versement ; que l’aide sociale de Paris ne peut, aujourd’hui, en réclamer le remboursement, après le décès de Mme F... et sans avoir saisi préalablement le juge judiciaire ; que si le code de l’action sociale et des familles permet à l’Administration de passer outre l’inertie du créancier d’aliments il n’est pas démontré que le département ait, du vivant de Mme F..., saisi la juridiction judiciaire et l’action ne peut plus être intentée après le décès du créancier ; que le débiteur d’aliments n’étant pas tenu des dettes du créancier l’aide sociale ne peut être subrogée dans les droits de celui-ci puisque sa créance n’a pas été fixée par le juge judiciaire ; enfin que la pratique suivie par l’aide sociale d’émettre un état exécutoire est illégale ; que l’action en récupération du département est frappée de prescription en vertu de l’article 2277 du code civil qui crée une prescription de 5 ans pour la récupération de certaines créances ; que la commission d’admission a statué le 4 janvier 2002 et l’aide sociale était due pour la période du 9 mai 1987 au 17 septembre 1996 et que depuis le décès de Mme Frémicourt aucun acte de nature à interrompre la prescription n’a été accompli ; que l’aide sociale ne fournit aucun justificatif de la somme qui est exigée de MM. F... et que certaines sommes ont déjà été versées ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu les observations à l’audience de Me Frédéric B... tendant à l’annulation de la décision attaquée par les mêmes moyens que ceux exposés dans la requête ;
    Vu les observations à l’audience de M. Alain de M..., tuteur de M. Alain F..., faisant valoir que si les consorts F... devaient effectivement rembourser la créance du département il en résulterait des difficultés du fait qu’il serait hors délai pour obtenir la restitution des sommes versées à l’administration fiscale ;
    Vu les observations à l’audience de M. Bernard F... tendant à l’annulation de la décision attaquée ;
    Vu les observations du département de Paris en date du 1er juin 2004 tendant au rejet du recours au motif que le recours en récupération exigé par le département se fonde sur l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles et n’est pas une action intentée en matière de recouvrement de l’obligation alimentaire ; que la dette d’aliments résultant de la mise en jeu de l’obligation alimentaire n’est pas inscrite au passif de la succession puisque elle n’est pas une dette du défunt mais de ses débiteurs ; que ni l’absence de la saisine préalable de l’autorité judiciaire, ni le décès de Mme F... ne font obstacle à l’exercice du recours en récupération ; qu’en matière de recours sur succession la collectivité publique peut se prévaloir d’une prescription de trente ans ; qu’en ce qui concerne le montant des sommes réclamées la créance d’aide sociale a été calculée par les services départementaux à partir des états détaillés de reversement de ressources par la trésorerie de L’Assistance publique ; l’état de frais établi en date du 24 février 2000 distingue d’une part les sommes versées par le département de Paris à l’hôpital Charles-Foix, d’autre part les sommes encaissées correspondant au reversement des ressources de Mme F... ; que ce document constitue bien le récapitulatif du montant des frais avancés par le département de Paris ;
    Vu la lettre en date du 31 août 2004 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 février 2006, M. Zwingelstein rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés selon le cas, par l’Etat ou le département, 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Christiane F... a été hébergée, à la charge de l’aide sociale, à l’hôpital Charles-Foix à Ivry du 9 mai 1987 au 17 septembre 1996, date de son décès ; que la créance de l’aide sociale, attestée par un état de frais du 24 février 2000 établi par les services comptables du département de Paris, s’élève à 125 690,87 Euro ; que l’actif net successoral a été de 270 601,25 Euro ;
    Considérant que par décision du 4 janvier 2002 la commission d’admission à l’aide sociale du 15e arrondissement de Paris a décidé d’une récupération sur la succession de Mme F... à concurrence de la créance de l’aide sociale ; que le département a fait valoir ses droits dans un délai raisonnable ;
    Considérant que c’est à tort que le requérant assimile la créance d’aide sociale à une dette alimentaire et invoque la règle « aliments ne s’arréragent pas » ; que cette règle est seulement fondée sur la présomption selon laquelle le créancier qui ne réclame pas les termes échus de sa pension est considéré comme étant à l’abri du besoin ; qu’elle n’a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que la personne subrogée dans les droits du créancier défunt puisse rechercher les débiteurs d’aliments en paiement des pensions dues à l’intéressé de son vivant ; ; qu’en tout état de cause le recours exercé par le département sur le fondement de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, dirigé contre la succession du bénéficiaire de l’aide sociale, est distinct de l’action intentée en matière de recouvrement de l’obligation alimentaire ; que de ce fait les moyens de la requête tirées de la qualification d’obligation alimentaire de l’action du département ne peuvent être retenus ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 2262 du code civil : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles sont prescrites par trente ans (...) ; que les recours mentionnés à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles sont au nombre de celles-ci, à défaut de mentions contraires dans les articles 2265 et suivants du code civil relatifs aux prescriptions plus courtes ; qu’ainsi le président du conseil de Paris, en sa qualité d’ordonnateur du département dispose d’un délai de trente ans pour établir l’état exécutoire sur le fondement duquel intervient la mise en recouvrement de sa créance sur le titulaire d’une succession d’un bénéficiaire de l’aide sociale ; que par suite le moyen tiré de ce que la décision du département de Paris de récupérer sa créance serait tardive ne peur qu’être écarté ; que dès lors le recours ne peut qu’être rejeté ;

Décide

    Art. 1er.  - Le recours présenté par Me Jean-Marc F..., le 18 mars 2004, est rejeté.
    Art. 2.  - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 février 2006 où siégeaient M. Seltensperger, président, M. Centlivre, assesseur, M. Zwingelstein, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 15 mars 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer