Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Retour à meilleure fortune
 

Dossier no 050699

M. D... Jean-François
Séance du 19 avril 2006

Décision lue en séance publique le 27 avril 2006

    Vu enregistrée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Haut-Rhin en date du 17 mai 2005, la requête présentée par Mme Sandrine C... -D... agissant en son nom personnel et en qualité de curatrice de son père M. Jean-François D... demeurant 2, boulevard Jean-Brion, à Vertus tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision, de la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin en date du 24 mars 2005, de récupération d’une créance d’aide sociale au titre de la prise en charge des frais d’hébergement aux motifs que suite à indisponibilité pour raisons médicales elle n’a pu se rendre à la commission départementale d’aide sociale, mais son mari ayant parcouru plus de 800 kilomètres pour être entendu vingt minutes n’a pas eu de réponse, comme il est d’usage, après délibération et a du relancer à plusieurs reprises les services qui ont toujours refusé de répondre bien que connaissant les conclusions ; qu’ils sont extrêmement surpris par la légèreté, voir le manque de respect dont a fait preuve le service ; que d’autre part, dans ses attendus, la commission fait allusion à un « patrimoine immobilier » qui leur appartiendrait pour étayer leur refus ; qu’à aucun moment la commission n’a interrogé son époux sur ce prétendu patrimoine alors qu’il aurait pu s’en expliquer ; qu’il leur a été répondu que la commission s’était fait parvenir leur déclaration de revenus 2003 à leur insu, car ils n’avaient pas fourni de renseignements ; qu’il convient par ailleurs de préciser que son père ne relevait plus de l’aide sociale depuis novembre 2003 date de son soixantième anniversaire et qu’ils règlent intégralement sa pension ; que ces renseignements étaient donc inutiles ; que cependant s’il s’avérait que ces renseignements étaient nécessaires, il eut été souhaitable voir légal de les informer de leur démarche au préalable ou au moins durant l’audience ; que son mari a été entendu avec une fausse bienveillance, mais sans que personne ne fasse allusion à ces supposés revenus et patrimoines ; que cette attitude a donc totalement faussé le débat et a donné à son mari l’impression d’avoir été berné car dans l’impossibilité de s’expliquer sur l’essentiel ; qu’il convient de préciser qu’ils sont mariés sous le régime de la séparation des biens et que son mari a trois enfants d’une première union ; que de plus le patrimoine qui est évoqué appartient en propre à son mari et a malheureusement été réduit depuis 2003 ; que son mari possédait un appartement en location qu’il a dû revendre en partie pour prendre en charge les frais entraînés par son père ; qu’il ne dispose d’aucun local permettant le relogement de son père comme le mentionne la décision, dans la mesure où les deux autres biens sont des locaux commerciaux de 22 et 30 m2 qui sont occupés avec des baux commerciaux ; (que l’un est loué 200,00 Euro par mois et que le second vient d’être déserté par son locataire qui ne s’acquitte plus de son loyer) ; que pour ces biens, son mari supporte des crédits qui ne sont pas couverts par la location et qu’il doit de plus verser des pensions alimentaires ; qu’ils s’interrogent pourquoi la commission ne lui a posé aucune question à ce sujet dans la mesure où il était directement concerné ;
    Vu enregistré le 11 avril 2006, le nouveau mémoire de Mme C... -D... persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et explicitant les conditions dans lesquelles M. D... a été amené à solliciter son admission à l’aide sociale. Elle ajoute que la commission départementale d’aide sociale a fondé sa décision sur des informations en provenance des services fiscaux dont l’obtention est irrégulière et sans l’en informer préalablement ; que la situation de M. D... continue à se dégrader à la maison de retraite d’Ay Champagne (Marne) où il se trouve depuis deux ans ;
    Vu l’absence de mémoire en défense du président du conseil général du Haut-Rhin ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 avril 2006, Mlle Erdmann, rapporteure, les observations de Mme C... -D..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le président du conseil général du Haut-Rhin qui s’en rapportait à l’appréciation de la commission d’admission à l’aide sociale n’a produit ni devant le premier juge ni devant le juge d’appel un mémoire ou même les pièces permettant une appréciation exempte de risques d’erreur de la situation dont les données juridiques ne sont pas éclaircies par la requérante ; que le juge statuera en l’état du dossier en tenant compte de l’absence de toute défense de l’administration tout au long de l’instance ;
    Considérant que seule Mme C... -D... a introduit l’instance en qualité d’ailleurs de « fille et curatrice » de M. D..., son père dont la situation est seule en cause ; qu’ainsi, seule Mme C... -D... était fondée à présenter à l’audience des observations orales ; qu’il y a lieu par ailleurs de repréciser compte tenu des observations orales qui ont été présentées qu’aucune décision de la juridiction d’appel ne pouvait être notifiée à la requérante avant l’audience et le délibéré en date du 19 avril 2006 ; alors que de manière surprenante celle-ci s’est étonnée qu’une telle notification ne soit pas encore intervenue ;
    Sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité de la procédure devant la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin ;
    Considérant que la requête présente uniquement un caractère gracieux ;
    Considérant que si la situation financière des époux C... -D... est convenable, ni Mme C... née D... ni son époux ne sont l’assisté dont il y a lieu de prendre en compte la situation s’agissant d’une récupération pour retour à meilleure fortune, mais que celui-ci est leur père et beau-père ; que M. D... ne dispose d’autres ressources que de l’allocation aux adultes handicapés et de sa créance alimentaire sur ses enfants ; que sa fille et son gendre se sont acquittés, ce qui n’est pas contesté, d’une partie de ses frais d’hébergement à la maison de retraite de l’hôpital intercommunal du canton vert le Bonhomme (68) et/ou à la maison de retraite d’Ay Champagne (Marne) au titre de leurs obligations alimentaires ; qu’à l’heure actuelle M. D... qui était pris en charge jusqu’à soixante ans selon ce qu’il semble ressortir des explications de la requérante, au titre, semble-t-il, de l’aide sociale aux personnes âgées accordée aux personnes handicapées admises dès avant soixante ans en maison de retraite ne serait plus prise en charge par l’aide sociale ; qu’en outre, la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin a incomplètement et inexactement motivé sa décision en se fondant sur la seule circonstance que si M. D... souhaitait employer à l’acquisition d’un bien immobilier dans la Marne, à proximité du domicile de ses enfants, pour y résider, le produit de la succession de son père qui a donné lieu à perception de la somme que le département du Haut-Rhin entend récupérer à titre de retour à meilleure fortune pour avoir paiement partiel d’une avance de frais d’hébergement de 33 672,38 Euro, « il ressort des éléments figurant au dossier que les époux C... disposent d’un patrimoine immobilier permettant le relogement de M. D... » ; qu’il résulte en effet de l’instruction que tel n’est pas en réalité le cas et qu’en tout état de cause d’ailleurs les biens dont s’agit appartiennent à M. C... qui est marié avec Mme C... née D... sous le régime de la séparation de biens et ne saurait être tenu d’affecter ses biens à l’hébergement de son beau-père, ce qui ne rentre pas dans le cadre fut-il étendu de ses devoirs de créancier d’aliments de celui-ci ; qu’il n’est en tout état de cause pas contesté dans le dernier état de l’instruction qu’une telle affectation n’est pas matériellement possible ainsi que l’appelante a entendu en justifier en appel ; qu’en outre il résulte de l’instruction que faute de disposer de la somme que le département du Haut-Rhin entend récupérer M. D... ne peut acquérir à proximité du domicile de ses enfants un bien où il pourra résider à son domicile hors institution, alors qu’à l’heure actuelle âgé de soixante-deux ans il est contraint de résider dans des établissements d’accueil pour personnes très âgées et très dépendantes ce qui ne peut, ainsi que le fait valoir la requérante que favoriser sa surinvalidation ; que Mme C... -D... est ainsi fondée à se prévaloir de ce qu’il est opportun que M. D... puisse utiliser la somme litigieuse à l’acquisition d’un bien immobilier permettant de demeurer à proximité du domicile de ses enfants ; que la situation convenable des époux C... qui se sont par ailleurs acquittés de leurs devoirs alimentaires dans les conditions susévoquées et non contestées dans leur principe, même si elles sont insuffisamment précisés, n’est en tout état de cause pas de nature à influer sur la suite à donner en l’espèce au recours en récupération pour retour à meilleure fortune exercé non à leur encontre mais à l’encontre de M. D... père ;
    Considérant en outre, que la récupération recherchée apparaît illégale ; que si Mme C... -D... ne le soutient pas et qu’il n’y a pas lieu de soulever un moyen d’ordre public de nature à conduire à statuer sur cette illégalité, il n’est pas interdit au juge de la remise ou de la modération de la créance d’aide sociale de tenir compte de cet élément parmi d’autres ; qu’à cet égard si le dossier ne permettait pas dans l’état incomplet et approximatif dans lequel il avait été constitué par l’administration de déterminer si le bien litigieux était ou non propriété de M. D... à la date de la demande d’aide sociale, il ressort dorénavant des éléments mêmes fournis par le président du conseil général du Haut-Rhin à la demande de la commission centrale d’aide sociale le 30 mars 2006, que tel était bien le cas ; qu’ainsi aucune récupération de la nature de celle mise en œuvre pour retour à meilleure fortune ne pouvait être opérée ; que cet élément s’ajoute aux éléments, en tout état de cause suffisants, ci-dessus énoncés pour fonder surabondamment la remise de la créance accordée à M. D..., l’assisté, revenu à meilleure fortune et non à ses enfants ;
    Considérant enfin qu’il y a lieu de communiquer la présente décision au juge des tutelles du tribunal d’instance de Guebwiller (68) afin qu’il puisse pouvoir s’il l’estime opportun à toute mesure utile pour la préservation du patrimoine de M. D... tel qu’il sera reconstitué selon les éléments énoncés par la requérante à l’audience (la somme correspondante serait actuellement consignée) en exécution de la présente décision ;

Décide

    Art. 1er.  - La décision de la commission départementale d’aide sociale du Haut-Rhin et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale d’Ensisheim du 24 mars 2005 et du 24 octobre 2004, sont annulées.
    Art. 2.  - Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de M. Jean-François D... des frais avancés par l’aide sociale au titre de sa prise en charge par l’aide sociale des frais d’hébergement et d’entretien à l’hôpital intercommunal de canton vert au Bonhomme (68650).
    Art. 3.  - La présente décision sera notifiée par les soins du secrétariat de la commission centrale d’aide sociale à Mme C... -D..., au président du conseil général du Haut-Rhin et au juge des tutelles du tribunal d’instance de Guebwiller (68) pour information.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 avril 2006 où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 avril 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer