Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2330
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation
 

Dossier no 050304

M. Jean-François L...
Mme Marie-Andrée H...
Séance du 27 octobre 2005

Décision lue en séance publique le 8 novembre 2005

    Vu enregistrées :
    1o en date du 26 août 2003, la requête de Mme Marie-Andrée L... ;
    2o en date du 4 mars 2004, la requête de M. Jean-François L..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler une décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse du 3 juin 2003, de récupération par le département au titre d’une donation ;
    Mme Marie-Andrée H... soutient que la commission n’avait pas retenu les arguments et documents qu’elle avait présentés ; qu’elle n’en a malheureusement pas d’autres à fournir ; qu’elle sollicite un recours gracieux et le réexamen de son dossier afin que soit pris en compte l’état du bien reçu et les raisons de la donation, l’étalement du paiement de ladite donation (cinq ans) et les frais consécutifs au décès de sa mère ;
    M. Jean-François L... soutient qu’il représente les mêmes arguments qu’en commission départementale ; que l’immeuble n’était en aucun cas un « bien marchand » ; que ce sont essentiellement pour des raisons sentimentales, sa mère étant dans l’incapacité de continuer à entretenir « cette ruine familiale » ; qu’il a dû emprunter plus de 200 000 F pour le rendre à nouveau habitable ; qu’il rajoute qu’il croit savoir que l’actuelle allocation dépendance ne prévoit plus de recours auprès des héritiers ; qu’il se demande pourquoi on poursuit ceux qui ont bénéficié de l’ancien régime ; qu’il constate par ailleurs que sa mère étant décédée en 1998, il trouve que les services départementaux ont été bien longs à réagir pour réclamer leur créance ; que si on leur avait réclamé la créance dans un délai de six mois après le décès, il aurait mieux compris ; que la succession étant close depuis plus de quatre ans ; une telle demande les oblige à revoir « le règlement » ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de Vaucluse en date du 26 octobre 2004, qui conclut au rejet de la requête par les moyens que le principe fondateur de l’aide sociale est la subsidiarité et qu’en ce sens elle ne revêt qu’un caractère d’avance, et qu’elle est donc récupérable ; que conformément à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles « des recours sont exercés (...) par le département (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale, ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (...) » ; que la donation est intervenue le 1er janvier 1995, soit dans les cinq ans qui ont précédé la demande d’aide sociale ; qu’au regard de l’article 2262 du code civil « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...), que le président du conseil général se trouve dans le délai légal pour établir et réclamer sa créance, en dépit des allégations formulées par M. Jean-François L... qui estime que « les services départementaux ont été bien longs à réagir » ; que cependant M. Jean-François L..., quant à lui, se place hors délai puisque son recours à l’encontre de la décision prise par la commission départementale d’aide sociale le 3 juin 2003 n’intervient que le 4 mars 2004, et qu’il appartient à votre juridiction de se prononcer sur sa recevabilité ; qu’en outre M. Jean-François L... déclare avoir investi la somme de 30 489,80 euros pour rendre sa maison habitable, sans pour autant justifier cette dépense ; que, si le décret no 61-495 du 15 mai 1961, dans son article 4, permet une appréciation de la valeur du bien donné au jour de l’introduction du recours, déduction faite des plus-values, c’est bien sa valeur au jour de la donation qui a été retenue par la collectivité ; qu’en réponse au courrier adressé le 19 décembre 1995 par le conseil général de Vaucluse à Mme Andrée L... l’informant des conséquences éventuelles de l’octroi de l’allocation compensatrice, cette dernière précisait, par courrier en date du 31 décembre 1995, qu’elle maintenait sa demande ; qu’elle a également maintenu sa demande par courrier du 25 novembre 1997 en ce qui concerne l’octroi de la prestation spécifique dépendance ; que selon les termes de l’article 894 du code civil la qualification de donation ne peut être contestée « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ; que cette donation a bien été effectuée dans les cinq ans précédant la demande ; que sur la demande de Mme Marie-Andrée H... relative à la possibilité d’échelonner la dette, il convient de préciser qu’il lui appartient de se rapprocher des services de la paierie départementale de Vaucluse afin d’obtenir des facilités de paiement ;
    Vu la requête en réplique du 8 juillet 2005 de Mme H..., qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’elle se pose la question pourquoi les frais relatifs au décès de sa mère ne sont pas défalqués, à savoir la somme de 2 972,26 euros ; que si elle avait renoncé à la succession qui aurait payé les frais du forfait hospitalier et d’obsèques ? ; qu’elle demande qu’il en soit tenu compte ; que la prestation spécifique dépendance qui prévoyait le recours a été supprimée et que l’allocation personnalisée à l’autonomie qui a remplacé cette prestation, trouvant le système injuste surtout pour les successions modestes, n’a pas prévu de récupération ; que si sa mère avait touché l’allocation personnalisée à l’autonomie ils n’auraient pas à rembourser ; qu’elle pose encore la question qu’étant condamnée à mort en décembre 1980, on l’aurait exécutée en mai 1981 prétextant que la condamnation avait été rendue avant la suppression de la peine de mort ; qu’elle a conscience d’apporter un exemple extrême, mais qu’il vaut la peine de se poser la question de la rétroactivité ; qu’elle sollicite une remise gracieuse de la dette ;
    Vu le nouveau courrier du président du conseil général du Vaucluse en date du 17 août 2005, qui informe le président de la commission centrale d’aide sociale qu’il ne peut réserver une suite favorable à la demande de remise gracieuse de dette de Mme H..., le courrier ne lui étant pas destiné ; qu’il adressera le surplus de ses observations dans les meilleurs délais ;
    Vu le recours formé tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse en date du 3 juin 2003 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 octobre 2005, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que les deux requêtes susvisées sont présentées par les deux donataires de Mme Andrée L... et présentent à juger des questions liées entre elles ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une même décision ;
    Considérant que comme le fait valoir le président du conseil général de Vaucluse la requête de M. Jean-François L... introduite le 4 mars 2004, à l’encontre de la décision prise par la commission départementale d’aide sociale du 3 juin 2003, était tardive ; qu’elle ne peut pour ce motif qu’être rejetée ;
    Sur la requête de Mme Marie-Andrée H... ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « des recours sont exercés par le département (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq années qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961, aujourd’hui codifié : « les recours prévus à l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire (...) » ;
    Considérant que par décision du 5 décembre 2002, la commission d’admission à l’aide sociale du canton d’Orange-Est a décidé la récupération contre donataires à l’encontre des deux enfants de Mme Andrée L... limitant cette récupération à concurrence de la valeur du bien donné d’un montant de 7 622,45 euros ; qu’en sa séance du 3 juin 2003, la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse a confirmé cette décision ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Andrée L... a bénéficié de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er février 1996 au 2 mars 1998, et de la prestation spécifique dépendance du 3 mars 1998 au 7 août 1998 ; que la créance départementale s’élève à 13 117,24 euros (8 517,95 euros de prestations d’allocation compensatrice pour tierce personne et 4 599,29 euros de prestation dépendance) ; que Mme Andrée L... est décédée le 7 août 1998 ; qu’elle avait, par acte reçu par devant Me René B..., notaire à Arras, le 16 janvier 1995, fait donation au profit de ses deux enfants, M. Jean François Bernard L... et Mme Marie-Andrée Marguerite L... épouse H..., pour une valeur totale de 7 622,45 euros, soit chacun 3 811,23 euros ; que la donation est bien intervenue dans les cinq ans qui ont précédé la demande d’aide sociale ; qu’aucune disposition de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale ne faisait distinction selon la nature de la donation ;
    Considérant que si Mme Marie-Andrée H... demande que soient prises en compte les conditions dans lesquelles est intervenue la donation et l’état de délabrement du bien reçu - dont il a été tenu compte pour fixer la valeur donnée - ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la récupération au regard des dispositions du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que si Mme Marie-Andrée H... demande la prise en compte des dépenses - notamment des frais d’obsèques - exposés après le décès de son mari ; que toutefois ses derniers frais n’ont légalement lieu d’être pris en compte que s’agissant de la détermination du montant de la récupération sur la succession, à laquelle les consorts L... ont en l’espèce renoncé ; qu’alors même que le recours contre le donataire s’effectue également au décès de l’assistée aucune disposition législative ou réglementaire ne permet par contre leur déduction du montant de la valeur des biens donnés ; que si Mme Marie-Andrée H... évoque encore ses difficultés financières elle n’apporte cependant aucune pièce justificative de ses ressources et de ses dépenses justifiant pour la commission centrale d’aide sociale d’user de ses pouvoirs de modération de la récupération ; que les modalités de paiement de la soulte stipulées dans l’acte de donation par son frère, à la requérante (sur cinq ans), sont sans incidence dans les circonstances de l’espèce sur la créance du département de Vaucluse ; qu’il lui appartient de solliciter des délais de paiement auprès du payeur départemental ;
    Considérant que si la loi no 2001-588 du 20 juillet 2001, relative à l’allocation personnalisée d’autonomie, a supprimé la récupération, cette disposition n’est pas applicable à l’allocation compensatrice pour tierce personne, ni à la prestation dépendance ;
    Considérant enfin que le délai écoulé entre la demande d’aide sociale et l’action en récupération demeure sans incidence dès lors que celle-ci a été introduite dans le respect du délai de prescription trentenaire prévue à l’article 2262 du code civil ;

Décide

    Art.  1er. - Les requêtes de M. Jean-François L... et de Mme Marie-Andrée H... épouse L... sont rejetées.
    Art.  2. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 octobre 2005, où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseure, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 8 novembre 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer