Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation
 

Dossier no 050309

M. Christophe B...
Séance du 17 février 2006

Décision lue en séance publique le 3 mars 2006

    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 20 décembre 2004, la requête présentée par le président du conseil général des Hautes-Alpes tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Alpes en date du 3 septembre 2004, annulant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Gap-Est en date du 13 mai 2003, décidant de récupérer 76 236,13 euros à l’encontre de M. et Mme B... en leur qualité de donataires de leur fils Christophe et de « reporter cette récupération », sans précision de date en précisant que « le département inscrira une hypothèque sur le bien donné afin de la garantir » ;
    Le président du conseil général des Hautes-Alpes demande à la commission centrale d’aide sociale, en conséquence de l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale, « l’exécution de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 13 mai 2003 » ; il expose que, conformément à l’article L. 132.8 du code de l’action sociale et des familles, il est fondé à récupérer les sommes avancées au profit de Christophe B... contre M. et Mme B..., ses parents donataires ; que les conditions mises à la récupération par la jurisprudence en ce qui concerne le fait générateur de la récupération sont remplies, et que la commission d’admission à l’aide sociale a fait une exacte application des textes en vigueur (art. L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles et article 4 du décret du 15 mai 1961) ; que si devant la commission départementale d’aide sociale M. B... a indiqué que l’acte avait été réalisé dans une période difficile de la vie de son fils qui dilapidait ses biens, celui-ci a été placé sous le régime de la curatelle des majeurs le 6 mai 1994, transformé en tutelle ad hoc le 5 janvier 1996, pour la passation de la donation, mais n’a en aucun cas fait l’objet d’un jugement de tutelle complète qui aurait pu être demandé bien avant l’éventuelle dilapidation des biens ; qu’ainsi l’acte de donation ne peut être interprété comme une opération réalisée pour protéger le patrimoine du majeur protégé qui aurait pu l’être par une mise sous tutelle complète, mais comme une opération destinée à éviter des frais de mutation à M. et Mme B... ; que a fortiori, cet acte est intervenu postérieurement à la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 2 décembre 1993, qui prévoyait l’inscription hypothécaire sur le bien immobilier de M. Christophe B..., laquelle devenait sans objet compte tenu de la donation, le département se voyant privé de l’exercice de son droit à garantir sa créance ; que c’est pour ce motif que la commission centrale d’aide sociale a décidé, le 30 avril 2001, de rejeter le recours de M. Rolland B... dirigé contre une décision de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Alpes du 18 juin 1997 ; que, en outre, il ne résulte pas du dossier que la situation financière de M. Rolland B... ne lui permettrait pas de payer la somme réclamée ; qu’enfin, lors de l’achat du bien, M. Christophe B... a contracté un emprunt. Ses parents se sont portés caution et ont réglé chaque mensualité, qu’ils sont aujourd’hui divorcés et que seul M. Rolland B... rembourse l’emprunt jusqu’en juillet 2005 ; que, compte tenu que par l’effet de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale et de la prise d’hypothèque légale du département sur le bien donné, les donataires ont la jouissance du bien jusqu’au décès du dernier d’entre eux, la commission d’admission à l’aide sociale a fait une appréciation souveraine de l’ensemble des circonstances de l’espèce ;
    Vu enregistré le 17 juin 2005, le mémoire de M. Rolland B... indiquant qu’il adresserait un complément de dossier « au cours des prochains jours » et communiquant « copie de la lettre du notaire résumant parfaitement la situation et copie du jugement de tutelle » ;
    Vu la lettre en date du 7 mai 2003, de Me R..., notaire, à laquelle se réfère expressément M. Rolland B... dans son mémoire en défense pour conclure au rejet de la requête ;
    Vu enregistré le 26 janvier 2006 le nouveau mémoire en défense présenté pour M. Rolland B... par Me A..., avocat, persistant dans ses précédentes conclusions de rejet de la requête du président du conseil général des Hautes-Alpes par les mêmes moyens que ceux exposés dans la lettre à laquelle M. Rolland B... se réfère dans son précédent mémoire et les moyens que la discussion de savoir s’il fallait ou non une mise sous tutelle de M. Christophe B... est hors débat ; que l’acquisition du bien immobilier donné avait été faite le 13 juillet 1990 par les époux B... pour protéger M. Christophe B... en acquérant sous son nom une villa à usage d’habitation au Lavandou (Var) au prix de 630 000 F, payé comptant, dont 70 000 F au moyen d’un prêt parental à titre d’avance, 560 000 F par emprunt aux termes d’un prêt reçu par Me R... le 10 juillet 1990, remboursable en quinze ans au taux de 10,40 % l’an et dont l’ultime échéance est fixée au 15 juillet 2005 ; qu’une inscription de privilège de deniers a été prise et de surcroît les époux B... se sont portés caution solidaire de M. Christophe B... envers la banque ; que M. Christophe B... a été admis en « maison d’accueil pour enfants handicapés » (sic) depuis le 1er septembre 1993 et, depuis lors, ne dispose pratiquement d’aucun revenu ; que le prêt a été intégralement remboursé par les époux B... outre la somme de 70 000 F également payée par eux lors de la signature de l’acte ; qu’ainsi la propriété de l’immeuble par M. Christophe B... antérieurement à l’admission à l’aide sociale ne pouvait être un motif de récupération de l’aide à son encontre, et ce dans l’hypothèse même de la revente de cet immeuble, la réalisation d’un immeuble dont le bénéficiaire à l’aide sociale est propriétaire lorsque l’aide a été accordée ne pouvant pas en elle-même constituer un retour à meilleure fortune ; qu’ainsi, si M. Christophe B... avait vendu l’immeuble, par exemple à ses parents, aucune récupération n’aurait été permise ; que dans le cours de l’année 1995, compte tenu du risque de dilapidation, notamment du bien immobilier, les époux B... ont sollicité par requête du 8 décembre 1995 une régularisation de la situation juridique du bien de sorte à le remettre à leur nom, cette régularisation devant se faire par donation de M. Christophe B... aux époux B... ; que par ordonnance du 5 janvier 1996, l’autorisation a été donnée par le juge des tutelles et que l’acte a été passé en conséquence le 9 avril 1996 ; qu’un tel transfert de propriété correspondait en réalité à un acte à titre onéreux puisque les époux B... réglaient depuis l’origine pour le compte de leur fils les encours nécessaires à l’acquisition initiale ; que dans ces conditions soit l’acte correspond à un acte de vente avec paiement du prix par compensation, soit, s’il est une donation, il y a lieu d’en déduire comme de principe les impenses et le travail du donataire et la valeur de la donation est négative ; qu’ainsi aucune récupération n’est permise en toute hypothèse ; que cette situation est d’autant plus certaine compte tenu des termes de la lettre du président du TGI de Gap du 12 octobre 2005, lequel en est venu à considérer que l’acte qu’il a autorisé n’était pas une donation à titre gratuit mais un acte à titre onéreux ; qu’en tout état de cause M. Rolland B... et Mme B..., son ex-épouse, ont assumé la charge effective et constante de leur fils handicapé ;
    Vu enregistré le 20 février 2006 le mémoire en réplique du président du conseil général des Hautes-Alpes ; le président du conseil général persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ; il expose en outre que les époux B... ont manifesté leur intention libérale en portant leur fils acquéreur du bien tout en finançant intégralement l’acquisition et qu’ainsi cet acte est susceptible d’une requalification en donation indirecte au profit de M. Christophe B..., et dès lors la considération d’éventuelles impenses modérant la valeur de la donation ne peut être retenue ; qu’en tout état de cause M. Rolland B... est le financeur de l’acquisition effectuée en 1990 ; or la valeur de l’immeuble dès l’admission à l’aide sociale en 1993 avait vocation à récupération au titre de l’aide sociale ; que l’acte de donation crée une situation d’insolvabilité au regard de la créance départementale, ce qui dans son principe est contestable dans l’intérêt de la collectivité ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 février 2006, Mme Ciavatti, rapporteure, M. Rolland B..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la régularité de la décision attaquée et l’étendue du litige ;
    Considérant que le dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale susceptible d’être consulté par les parties comporte le rapport du rapporteur à la commission départementale d’aide sociale proposant le maintien du report de la récupération décidé par la commission d’admission à l’aide sociale de Gap-Est ; que la commission départementale d’aide sociale a annulé la décision de la commission d’admission à l’aide sociale et décidé n’y avoir lieu à récupération ; qu’en cet état le dossier soumis au juge d’appel révèle une méconnaissance du principe général du droit public français s’imposant en l’absence de dispositions législatives contraires à la commission départementale d’aide sociale comme à toute juridiction administrative du secret du délibéré ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ; que si ladite demande de M. Rolland B... à la commission départementale d’aide sociale n’était pas motivée et si le premier juge n’avait pas invité le requérant à y pourvoir avant la clôture de l’instruction, M. Rolland B... a produit en appel et que, dès lors, statuant d’ailleurs par la voie de l’évocation, la commission centrale d’aide sociale peut ne pas l’inviter à motiver sa demande ;
    Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que les époux B... étaient divorcés depuis le 9 mai 2003 ; que la commission d’admission à l’aide sociale de Gap-Est a statué le 13 juin 2003, comme elle devait le faire, à l’encontre tant de M. Rolland B... que de Mme B..., ex-épouse B... ; que sa décision a été notifiée aux deux intéressés ; que seul M. Rolland B... a saisi la commission départementale d’aide sociale et est d’ailleurs représenté devant la commission centrale d’aide sociale ; qu’ainsi il n’y a pas lieu de statuer sur l’entier montant de la récupération, comme l’avait fait à tort le premier juge dans sa décision annulée par la présente décision, mais seulement, en ce qui concerne M. Rolland B... et à hauteur de sa part, les ex-époux ne se représentant pas mutuellement dans la présente instance et ayant d’ailleurs été séparés de biens antérieurement à leur divorce ; qu’au surplus il résulte du jugement de divorce qui a été produit à la demande de la commission centrale d’aide sociale que celui-ci a attribué la propriété du bien à M. Rolland B... et a mis à sa charge les intérêts des remboursements restant à courir au titre du prêt souscrit pour l’acquisition de l’appartement litigieux même si la Caisse d’épargne pouvait récupérer contre Mme B... en cas de défaillance de M. Rolland B... qui ne s’est pas avérée à la date de la présente décision ; qu’il appartiendra seulement à Mme B..., si elle s’y croit fondée et dans la mesure où la décision de la commission d’admission à l’aide sociale apparaît en ce qui la concerne définitive, soit de solliciter du département des Hautes-Alpes remise gracieuse de la partie de la créance demeurant en cet état à sa charge, soit de régler avec son ex-époux les conséquences dans l’ordre de leurs relations civiles de la décision du juge administratif intervenue dans les conditions qui viennent d’être précisées et, en tant que de besoin, de faire valoir ses droits devant la juridiction compétente :
    Au fond ;
    Considérant qu’il ressort des faits seuls énoncés par les parties et des pièces versées au dossier de la commission centrale d’aide sociale que M. Christophe B..., alors non admis à l’aide sociale non plus que soumis à mesure de protection, a acheté, le 16 juillet 1990, un pavillon au Lavandou (Var), en réalité semble t-il à Canadel (commune du Rayol), pour 630 000 F ; que cet achat était financé par un prêt des ex-époux B..., ses parents, de 70 000 F, correspondant en réalité à un prêt de la mère de M. Rolland B... en avance sur succession et un prêt bancaire de 560 000 F au titre duquel ils se portaient caution solidaire ; que si la convention annexée au jugement de divorce susrappelé chiffre à 41 183,11 euros l’emprunt « dont est redevable la communauté », il n’est pas possible en l’état du dossier de considérer que ce chiffre infirme le montant global de l’emprunt remboursé d’abord par les ex-époux B... puis par M. Rolland B... dont fait mention dans son attestation la Caisse d’épargne de Gap ; que si, selon les dires de M. Rolland B..., le prêt et la convention avaient été souscris pour « protéger » son fils, il ne peut être tenu comme établi par les pièces du dossier que le prêt et le cautionnement aient été dès alors consentis dans des conditions telles que l’intervention des époux B... fut à ce moment constitutive d’une donation indirecte dans les rapports entre eux et leur fils (le dossier ne révèle pas la situation de M. Christophe B... à l’époque, notamment quant au point de savoir si dès l’origine, alors qu’il n’était pas encore admis à l’aide sociale, son activité ou ses perspectives d’activité professionnelle interdisaient définitivement qu’il rembourserait le prêt et les parties ne fournissent au juge aucun élément d’information sur ce point) ; qu’ainsi, l’argument que paraît tirer le président du conseil général des Hautes-Alpes dans son mémoire, en réplique de l’existence d’une telle donation pour en déduire que la donation ultérieure par M. Christophe B... à ses parents postérieurement à l’admission à l’aide sociale du donateur n’est pas opposable à celle-ci, est en tout état de cause inopérant ; que, toutefois, dès l’origine des échéances stipulées des remboursements des deux prêts consentis à M. Christophe B..., celui-ci ne put les honorer et les époux B... furent notamment conduits à le faire en ce qui concerne le prêt de la banque en qualité de caution solidaire ainsi qu’il ressort des pièces du dossier constitué antérieurement à la lecture de la présente décision ; que ces échéances furent d’abord remboursées conjointement par les époux B... puis à compter de décembre 2002, et alors même que le divorce n’était pas encore prononcé « sur le compte de M. Rolland B... » (attestation de la Caisse d’épargne en date du 18 octobre 2005) ;
    Considérant que, par la suite, M. Christophe B... fut d’abord, à compter de novembre 1993, admis à l’aide sociale à l’hébergement des personnes handicapées adultes en foyer d’hébergement ; qu’ensuite, en raison de sa prodigalité, il fut placé sous curatelle simple de M. Rolland B... le 6 mai 1994 ;
    Considérant que, le 8 décembre 1995, M. B... a demandé au juge des tutelles l’autorisation de donation du bien dont son fils était propriétaire dans les conditions de fait susindiquées à ses parents et la nomination d’un tuteur ad hoc ; que cette donation avait pour effet de priver le département des Hautes-Alpes de la possibilité de prendre une hypothèque légale (reconnue par la commission départementale d’aide sociale dans une décision du 18 juin 1997, confirmé par la présente juridiction le 30 novembre 2001, celle-ci relevant expressément toutefois qu’il n’y avait plus lieu à prise d’hypothèque (la prise d’hypothèque sur un bien donné ne pouvait être une hypothèque légale mais seulement une hypothèque conventionnelle) ; que le juge des tutelles a fait droit à la requête de M. Rolland B... qui exerçait la curatelle simple le 5 janvier 1996, par une ordonnance non motivée se bornant à s’approprier les motifs de la requête sans pour autant en tirer quelque conséquence de droit que ce soit ; que le montant du bien donné a été évalué à 500 000 F sans que le dossier ne permette à nouveau de constater à quelles échéances correspond cette valeur au regard du coût total de l’acquisition du bien susrappelé dont il apparaissait que les échéances de remboursement étaient, de toute façon, supportées par les époux B... et continueraient à l’être ;
    Considérant que la donation intervenue le 9 avril 1996 ne comportait elle-même aucune charge ; que, toutefois, la requête au juge des tutelles dont elle est indissociable énonce que le prêt bancaire est « en fait remboursé par » les ex-époux B... « depuis l’origine des remboursements » et que « devant ces circonstances (ceux-ci) en accord avec leur fils Christophe sont convenus de régulariser la situation pour la rétablir dans le sens de la réalité en procédant à une donation par Christophe à ses parents (...) de façon à le décharger entièrement de ses obligations de remboursement pour transmettre ces mêmes obligations à ses parents » ; qu’une telle motivation faisant référence aux échéances à échoir jusqu’à la fin du remboursement, échéances dès alors avérées, alors que la situation de M. Christophe B..., infirme moteur cérébral bénéficiant de la carte d’invalidité et admis dorénavant non seulement en centre d’aide par le travail mais en foyer, et ainsi n’ayant pour tous revenus que le minimum de revenus garanti ne permettait plus - depuis 1993 - d’envisager qu’il honore ses obligations, alors que, comme il a été dit, la situation à cet égard n’est pas révélée par le dossier au moment de l’acquisition du bien, caractérise en réalité non une donation mais un acte à titre onéreux ; que, quel que puisse être sur le plan déontologique la pertinence des modalités d’intervention de Me R..., qui expose au juge de l’aide sociale qu’il a sciemment passé comme donation un acte dont il considérait qu’il était à l’époque un acte à titre onéreux à seule fin d’éviter à son client le paiement de droits de mutation, il n’appartient pas en tout état de cause à ce juge mais, le cas échéant, aux instances compétentes d’apprécier une telle pertinence ; que par ailleurs la lettre versée au dossier établie par le juge des tutelles à la demande de M. Rolland B... le 12 octobre 2005, qui expose que, certes, l’acte dont s’agit présentait bien en réalité les caractéristiques d’un acte à titre onéreux et en tout cas « que cette donation n’en constitue pas réellement une dans la rigueur des principes » ( ?) « mais qu’il s’agissait... dans la seule optique de (...) protection des intérêts de M. Christophe B... ayant contracté la fâcheuse habitude, la curatelle simple dont il bénéficiait alors ne constituant pas une protection suffisante à cet égard, de s’endetter en s’engageant sans retenue, notamment au moyen de chèques sans provision (...) d’éviter que cet appartement constituant son seul patrimoine soit l’objet de voies d’exécution de la part de ses éventuels créanciers et que ce bien que les parents avaient souhaité constituer en garantie pour leur fils contre les aléas de son devenir ne soit ainsi indirectement dilapidé » ne peuvent, alors que, comme il a été dit, l’ordonnance de ce juge n’était pas motivée autrement que par seule référence à la requête qui lui était présentée, d’où il résultait que la donation était bien faite dans l’intérêts des époux B... et présentait les caractéristiques d’un acte à titre onéreux et que la lettre a été établie a posteriori en interprétant une décision juridictionnelle non motivée pour les besoins de la présente procédure, conduire le juge administratif à considérer que le transfert de propriété résultant de la donation n’a pas eu lieu, comme il vient d’être dit, à titre onéreux mais bien à titre gratuit ;
    Considérant qu’il appartient par principe au juge de l’aide sociale d’appliquer l’ensemble des dispositions législatives, y compris celles du code civil - et donc de les interpréter en tant que de besoin - et d’apprécier les faits de la cause au regard desquels il convient de les appliquer, sans que cette interprétation et cette appréciation ne puissent justifier d’une question préjudicielle à l’autorité judiciaire ; que, en revanche, il ne lui appartient pas de requalifier un acte de donation en acte à titre onéreux dans l’hypothèse où l’interprétation de cet acte soulève des difficultés sérieuses ;
    Considérant néanmoins qu’en l’espèce la requalification litigieuse ne soulève pas de telles difficultés ;
    Considérant, en effet, d’abord que, comme il a été dit, le juge administratif, n’est tenu en l’espèce que par l’ordonnance du juge des tutelles susrappelée et les termes de la requête à laquelle cette ordonnance se réfère et non par l’interprétation qu’en donne ce magistrat dans une lettre ultérieure pour les besoins de la présente instance ; qu’à cet égard il est difficile de percevoir comme l’a exposé dans sa requête le président du conseil général des Hautes-Alpes les avantages de l’acte pour l’assisté dès lors que s’il n’était pas intervenu ses parents demeuraient tenus comme caution solidaire et que lui-même demeurait propriétaire du bien jusqu’à son décès, ce bien étant alors, il est vrai, susceptible - et encore en l’état de la législation - d’être récupéré sur le frère de l’assisté ; que, par ailleurs, M. Christophe B... pouvait fort bien être mis sous tutelle, empêchant ainsi toute dilapidation, et l’a d’ailleurs été postérieurement à l’acte (...) ; qu’ainsi n’apparaît pas l’intérêt de M. Christophe B... à l’acte litigieux mais bien, ainsi qu’il ressort du reste des termes suscités de la requête au juge des tutelles aux fins de nomination d’un tuteur ad hoc, l’intérêt exclusif et en tout cas essentiel des époux B..., voire de leur autre enfant ;
    Considérant toutefois que ces éléments sont sans incidence sur la requalification à laquelle il y a lieu de procéder, qui est une requalification en acte à titre onéreux ;
    Considérant qu’il résulte des éléments ci-dessus énoncés que cette requalification ne soulève pas de difficultés sérieuses de nature à justifier d’un renvoi à titre préjudiciel devant l’autorité judiciaire ;
    Considérant ainsi que M. Rolland B... est fondé à soutenir comme il le fait que la donation constituant en réalité un acte à titre onéreux échappe au champ d’application de l’article L. 132-8 deuxièmement du code de l’action sociale et des familles qui ne concerne que le recours contre le donataire ; que, par ailleurs, alors même que M. Christophe B... avait été admis à l’aide sociale avant que n’intervienne l’acte litigieux, cette admission est sans incidence sur les droits du département des Hautes-Alpes, qui paraît soutenir également en l’espèce que l’acte ne lui serait pas opposable, dès lors que cet acte est intervenu non postérieurement à la décision de récupération, mais antérieurement et, d’ailleurs, que si M. Christophe B..., qui était propriétaire du bien avant l’admission à l’aide sociale, en avait conservé la propriété, l’aide sociale n’aurait pas été fondée en cas d’acte de vente explicite soumis aux droits de mutation correspondants à intenter une action en récupération au titre du retour à meilleure fortune assise sur un bien dont l’assisté était, dans cette hypothèse, propriétaire avant l’admission à l’aide sociale ; qu’ainsi, et alors même que l’acte à titre onéreux en réalité intervenu profiterait d’abord à l’heure actuelle non plus aux parents sur lesquels l’action en récupération contre la succession de l’assisté ne peut plus être exercée, mais au frère de M. Christophe B..., cette circonstance est par elle-même sans incidence sur l’existence ci-dessus constatée d’un acte à titre onéreux échappant au champ d’application de l’article L. 132-8 deuxièmement du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que les incidences de l’acte intervenu sur l’existence ou la possibilité d’une hypothèque légale prise ou à prendre par le président du conseil général des Hautes-Alpes pour garantir la récupération ultérieure de l’avance de l’aide sociale sont sans conséquences par elles-mêmes sur la qualification de l’acte litigieux ;
    Considérant que de même la circonstance ci-dessus évoquée dont se prévaut le président du conseil général des Hautes-Alpes que l’acte n’aurait pas été passé dans l’intérêt du majeur protégé est en tout état de cause sans incidence dès lors qu’il est clair qu’il doit être requalifié en acte à titre onéreux n’entrant pas comme tel dans les prévisions de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles en l’état des énonciations de la loi ; que, comme il a été dit, cet acte passé après l’admission à l’aide sociale, mais avant toute action en récupération, alors d’ailleurs que si M. B... était resté propriétaire du bien il n’aurait pas non plus été susceptible d’être recherché au titre du retour à meilleure fortune, est opposable à l’aide sociale ;
    Considérant enfin que la présente décision, à la différence de celle des premiers juges qu’elle annule, ne statue pas en substituant la mesure gracieuse de la remise à la mesure gracieuse du report de la récupération, mais bien sur la légalité même de l’acte critiqué ; que dans ces conditions le moyen tiré devant la commission centrale d’aide sociale par le président du conseil général de ce que les ressources de M. Rolland B... lui permettraient de s’acquitter de sa créance est en tout état de cause inopérant ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à la requête de M. Rolland B... à hauteur de sa part dans la donation et de réformer en conséquence la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Gap-Est ;

Décide

    Art.  1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Alpes du 3 septembre 2004 est annulée.
    Art.  2.  -  Il n’y a lieu, à hauteur de sa part dans l’acte intitulé donation en date du 9 avril 1996, passé entre M. Christophe B... et les ex-époux B..., ses parents, à récupération des frais d’aide sociale avancés à M. Christophe B... par le département des Hautes-Alpes à l’encontre de M. Rolland B...
    Art.  3.  -  La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Gap-Est en date du 13 mai 2003 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2.
    Art.  4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 février 2006, où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mme Ciavatti, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 3 mars 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer