Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 051210

M. Pierre M...
Séance du 17 février 2006

Décision lue en séance publique le 9 mars 2006

    Vu enregistré le 4 février 2005, au secrétariat de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Garonne l’appel formé par M. Pierre M... contre la décision en date du 22 novembre 2004, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a confirmé la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Castanet du 11 mars 2002, qui a décidé de récupérer une somme de 21 490,34 euros contre 3 donataires et une somme de 7 163,45 euros à son encontre eu égard aux primes versées dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie souscrit le 24 novembre 1996, par Mme Anne-Marie M..., sa mère de son vivant bénéficiaire de l’aide sociale, par les moyens que les décisions de récupération de l’aide sociale sur les donataires remettent en cause l’égalité des citoyens devant la loi ; que l’exonération vise en fait à gratifier sa sœur, pour la somme réclamée ; qu’il a pris en charge durant sa vie leur mère dépendante ;
    Vu enregistré le 31 mars 2005, le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne tendant au rejet de la requête par les motifs qu’il exerce son action selon les dispositions de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles et la jurisprudence de droit social ; qu’il ressort de celle-ci et en dernier lieu d’une décision du Conseil d’État département de l’Allier du 19 novembre 2004, que l’administration de l’aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération et que le même pouvoir appartient à la juridiction d’aide sociale ; que la question préjudicielle ne s’impose que si une réelle difficulté d’appréciation se présente ; que les commission départementales d’aide sociale sont à même d’apprécier le bien-fondé de la requalification ; que Mme Anne-Marie M... souscrit son premier contrat d’assurance-vie à l’âge de quatre-vingt-deux ans et avait peu de chance de percevoir le bénéfice du capital à échéance des contrats à la souscription desquels son état de santé n’augurait pas d’une espérance de vie permettant à terme le bénéfice des capitaux placés pour son nom propre ; qu’elle a réalisé progressivement sa succession par le biais des contrats d’assurance-vie dans le but de transmettre son patrimoine à ses enfants et petits-enfants ; que le capital libéré représente plus de deux fois le montant de la succession ; que le conseil général de la Haute-Garonne n’a pas à suivre les pratiques des autres départements en la matière et que seul l’article L. 132 du code de l’action sociale et des familles s’impose à lui ; qu’aucune situation de précarité économique n’est invoquée ;
    Vu enregistré le 10 novembre 2005, le mémoire en réplique présenté par M. Pierre M... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et par les moyens qu’il lui a été précisé téléphoniquement que son dossier était complet ; que la même somme que celle relevée par la commission départementale d’aide sociale page 4 - 7e alinéa comme recouvrée à son encontre l’est à l’encontre de M. Philippe M... et de Mme Raymonde A... ; que celle-ci a gardé leur mère à son domicile depuis son hémiplégie en 1992 ; qu’une aide familiale avait pu être recrutée ; que la quasi-totalité de la prestation a pu être recouvrée sur tout l’actif net successoral représenté uniquement pour les trois enfants par la somme des versements annuels d’assurance-vie soit 21 490 euros comme établis par le dossier initial ; que l’égalité devant la loi est de fait méconnue par les différences de pratiques entre les départements, le plancher de recouvrement prévu par le législateur devant être la marque incontournable de ladite égalité ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code des assurances ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 février 2006, Mme Ciavatti, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en première instance M. Pierre M... et son neveu M. Philippe M... qui étaient demandeurs selon la décision de la commission départementale d’aide sociale n’indiquaient pas représenter Mme Raymonde A... alors même qu’ils entendaient faire bénéficier celle-ci de l’exonération de récupération qui leur serait éventuellement accordée ; que la commission départementale d’aide sociale n’était pas tenue d’inviter Mme Raymonde A... à régulariser en la signant une requête qu’elle n’avait pas entendu introduire par un représentant ; qu’elle a pu, sans entacher sa décision d’irrégularités, rejeter la demande de M. Pierre M... en tant qu’elle concernait Mme Raymonde A... ; qu’elle n’était pas tenue dès lors qu’elle rejetait en ce qui le concerne ladite demande au fond d’inviter M. Philippe M... à régulariser en la signant la demande présentée en son nom et au sien par M. Pierre M... ; qu’en appel M. Pierre M... ne conteste plus la décision attaquée qu’en tant qu’elle le concerne personnellement ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
    Considérant qu’en réplique M. Pierre M... réaffirme que « la quasi-totalité de la prestation 22 465 euros (13 172 en allocation compensatrice ; 9 293,50 euros prestation spécifique dépendance) a pu être recouvrée sur tout l’actif net successoral représenté uniquement pour les trois enfants par la somme des versements annuels d’assurance-vie soit 21 490 euros. Voir dossier initial. » ; que devant l’administration il avait soutenu que plusieurs des contrats litigieux n’étaient pas des contrats d’assurance-vie décès ; que l’administration n’a jamais fourni la moindre précision au juge sur cette situation exposée par le requérant de manière autodidacte en se bornant à la reprise de son habituelle argumentation de principe sans l’adapter au dossier ; que compte tenu de l’amoncellement des dossiers de la sorte retenus durant des années par les services de la Haute-Garonne (apparemment jusqu’à désignation d’un rédacteur pour rédiger les défenses) la présente juridiction statuera en l’état du dossier compte tenu de la charge de la preuve et de son administration ; que si dans cet état elle était amenée à errer il appartiendra au président du conseil général de former tel recours que de droit ;
    Considérant que si un contrat d’assurance-vie acte neutre est susceptible si l’intention libérale du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire est établie d’être requalifié en donation indirecte, c’est à la condition que l’administration établisse l’intention libérale du souscripteur à l’égard du bénéficiaire ; qu’il lui appartient préalablement de justifier que les contrats dont elle se prévaut sont bien des contrats non pris en compte dans l’actif brut de la succession de l’assisté ; que par ailleurs, c’est au regard de chaque prestation récupérée et non au regard de la première accordée par l’aide sociale que s’apprécie l’antériorité maximale en l’espèce de dix ans s’agissant de la prestation spécifique dépendance et de cinq ans s’agissant de l’allocation compensatrice pour tierce personne de la date de la donation par rapport à celle de la demande d’aide sociale ; qu’ainsi il appartient dans l’administration de la preuve dont la charge lui incombe à l’administration de préciser avec exactitude la date de souscription de chaque contrat qu’elle entend appréhender et ses caractères pour permettre au juge de statuer utilement ;
    Considérant en l’espèce que le président du conseil général de la Haute-Garonne entend appréhender cinq contrats dont les dates de souscription sont le 27 novembre 1986, le 5 décembre 1987, le 2 décembre 1988, le 26 septembre 1991 et le 7 novembre 1991 ; que par ailleurs les demandes d’allocation compensatrice pour tierce personne puis de prestation spécifique dépendance non exactement précisées au dossier ne sauraient être antérieures au 1er mars 1993 et au 1er mai 1999 ;
    Considérant que M. Pierre M... a fait valoir au président du conseil général avant la saisine de la commission départementale d’aide sociale par lettre du 20 novembre 2001, que selon les éléments fournis par les services de la poste par l’intermédiaire desquels ont été souscrits les contrats litigieux trois d’entre eux, un PEA dont il n’est pas établi qu’il s’agit d’un produit de la sorte relevant de l’assurance-vie, un PEP et un PER ne constituaient pas des contrats d’assurance-vie ; qu’il doit être regardé comme il a été précisé ci-dessus comme maintenant ce moyen dans sa réplique devant la commission centrale d’aide sociale ; que sans jamais répondre à ses affirmations étayées par les pièces jointes ni en première instance ni en appel l’administration a constamment qualifié de contrats « d’assurance-vie » les contrats nommément identifiés de la nature de ceux susrappelés dont M. Pierre M... déniait la qualification de la sorte ;
    Considérant que le montant des capitaux versés au titre des trois contrats est de l’ordre de 8 764,73 euros pour un capital recherché au titre de donation de 21 490,34 euros ; qu’en outre l’administration ne précise pas le montant des primes pour chacun des cinq contrats souscrits et ce selon les dates de leur souscription ;
    Considérant que la prestation spécifique dépendance ayant été versée à compter du 1er mai 1999, alors qu’il s’était écoulé plus de dix ans depuis la souscription des trois premiers contrats susrappelés, il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas établi que les deux derniers contrats fussent bien des contrats d’assurance-vie décès non reportables à la succession dont la déclaration n’est pas fournie ; qu’en ce même état du dossier les trois premiers contrats souscrits ne sont susceptibles d’être pris en compte qu’au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne soit 13 172,29 euros et qu’il n’est pas établi qu’ils aient le caractère de contrats d’assurance-vie décès ;
    Considérant par ailleurs que dans ses différentes correspondances l’administration emploie alternativement pour désigner l’assiette de la récupération les termes de « cinq contrats Assurdix Poste » et cinq contrats d’assurance-vie décès alors que la quotité du contrat Assurdix Poste s’établit à moins de 10 000 euros ;
    Considérant dans ces conditions que l’administration qui a la charge de la preuve n’a à aucun moment de la procédure versé au dossier des éléments de nature à établir que le PEA, le PEP et le PERP fussent des produits financiers d’assurance-vie ou assimilables dont la souscription fut susceptible d’être requalifiée en donation indirecte ; qu’elle n’apporte pas ainsi la preuve qui lui incombe du quantum de sa créance comme il lui appartient de le faire et que sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de la requête ni de procéder à un supplément d’instruction il y a lieu pour la commission centrale d’aide sociale de constater que le dossier fourni par le président du conseil général de la Haute-Garonne ne permet pas de déterminer si l’actif net successoral allégué de 1 069,92 euros procède d’un actif brut comportant des contrats qui ne sont pas des contrats d’assurance-vie décès ou si ce montant doit lui même en être augmenté pour établir les montants respectifs des fonds perçus par les héritiers respectivement au titre de la succession et des capitaux perçus comme des bénéficiaires des contrat d’assurance-vie décès ;
    Considérant dans ces conditions que les décisions attaquées doivent être annulées en l’état du dossier soumis par l’administration à la commission centrale d’aide sociale ;

Décide

    Art.  1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne du 22 novembre 2004, et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Castanet du 11 mars 2002, sont annulées en tant qu’elles concernent M. Pierre M...
    Art.  2.  -  A hauteur de 7 143,45 euros il n’y a lieu à récupération à l’encontre de M. Pierre M... des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne et de prestation spécifique dépendance versés à Mme Anne-Marie M... par l’aide sociale.
    Art.  3.  -  Il y a lieu à récupération en ce qui concerne M. Philippe M... et Mme Raymonde A....
    Art.  4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 février 2006, où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mme Ciavatti, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 9 mars 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer