Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossiers nos 051501 et 051501 bis

M. Jean-Noël J..., Mme Bernadette J... et Mme Christiane M...
Mme Nicole T...
Contre le président du conseil général de l’Allier
Séance du 19 avril 2006

Décision lue en séance publique le 28 avril 2006

    Vu premièrement enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 4 avril 2005, sous le numéro 051501 la requête présentée pour Mme Christiane M..., M. Jean-Noël J... et Mme Bernadette J... par Me Rodolphe M... avocat, et deuxièmement enregistrée sous le numéro 051501 bis la requête présentée pour Mme Nicole T... par Me Frédérique Gregoire, avocate, tendant l’une et l’autre à l’annulation de la décision en date du 1er février 2005, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a rejeté leurs demandes dirigées contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy en date du 10 juin 2004, décidant d’une récupération de 38 244,57 euros à leur encontre en leur qualité de donataires de Mme Georgette J....     1o  M. Jean-Noël J..., Mme Christiane M... et Mme Bernadette J... exposent que la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy est entachée de la méconnaissance du principe d’impartialité stipulé à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et procédant des principes généraux applicables à la fonction de juger ; que par courrier du 25 mars 2004, antérieur par hypothèse à la décision de la commission d’admission à l’aide sociale le président du conseil général de l’Allier informait l’un des enfants J... de l’exercice d’un recours en récupération par ses services ; que le contenu de ce courrier ne se limitait pas à une simple information mais comportait l’argumentation sur laquelle la commission allait fonder sa décision du 10 juin 2004 ; que dès lors l’existence de cette pièce au dossier est de nature par elle-même à faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité de la commission d’admission à l’aide sociale ; que le principe du contradictoire a été méconnu, seul l’un des enfants de Mme Georgette J... - Mme Bernadette J... - ayant été informé par les services de l’engagement d’un recours en récupération ; qu’ainsi la procédure est irrégulière en ce qu’elle concerne M. Jean-Noël J... et Mme Christiane M... ; que le courrier adressé à Mme Bernadette J... est de nature à susciter des malentendus ; que les dispositions de l’article 16 du règlement départemental d’aide sociale de l’Allier doivent être interprétées conformément aux règles générales de procédure applicables devant toutes les juridictions administratives comme s’appliquant à toutes les parties présentes dans une même instance devant la commission d’admission à l’aide sociale ; qu’elles imposent à la commission d’admission à l’aide sociale de mettre les parties à même d’exercer la faculté qui leur est reconnue de solliciter une audition, ce qui n’a pas été fait ; que sur le fond la décision du Conseil d’Etat invoquée par le président de la commission départementale d’aide sociale n’a été communiquée à l’un des enfants J... sur sa demande que le 4 février 2005 ; qu’en matière de recours sur récupération de l’allocation compensatrice pour tierce personne toute souscription d’un contrat d’assurance-vie ne constitue pas une donation indirecte ; que l’administration de l’aide sociale doit établir l’intention libérale ; qu’il en est ainsi seulement lorsqu’au regard de l’ensemble des circonstances de la souscription du contrat le stipulant s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et non aléatoire ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que la commission départementale d’aide sociale au regard de ces principes a dénaturé les faits et requalifié à tort le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme Georgette J... auprès de la Caisse nationale de prévoyance en donation indirecte ; que ce contrat « Trésor vie » est un contrat d’assurance-vie viager (ou contrat d’assurance-vie placement) c’est-à-dire sans terme autre que la vie de son souscripteur, qu’il s’agit pour la CNP d’un produit d’épargne, que le contrat permettait des rendements conséquents, que les sommes placées étaient disponibles à tout moment ; que Mme Georgette J... pouvait en disposer comme bon lui semblait ; qu’il n’y a donc pas eu de dépouillement immédiat et irrévocable de la part de Mme Georgette J... au profit de ses quatre enfants ; qu’au surplus Mme Georgette J... qui est toujours restée à la charge de ses enfants depuis qu’elle était devenue paraplégique s’était ainsi assuré les moyens financiers pour faire face au coût éventuel d’un placement dans un établissement médicalisé dans l’hypothèse où elle - serait devenue - une trop lourde charge pour ses enfants ; que compte tenu de l’âge de la souscriptrice, 73 ans, le contrat était bien aléatoire ; qu’il n’est pas davantage établi que sa souscription procède d’un acte étranger à la gestion normale du patrimoine de l’assistée ; que la souscription du contrat ne répondait à aucune volonté de se placer en dehors du champ d’application d’un recours en récupération des sommes perçues au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne fondé sur l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; qu’en effet en l’absence d’une telle souscription les services sociaux n’auraient disposé d’aucun recours en récupération sur la succession ; qu’à titre subsidiaire la loi du 11 février 2005, conduit à décharger les requérants de toute récupération ; qu’à titre infiniment subsidiaire Mme Bernadette J... dispose de ressources peu élevées, sera bientôt à la retraite et s’est occupée de sa mère ; M. Jean-Noël J... a mis à disposition de sa celle-ci une maison pendant plusieurs années ; Mme Christiane M... a fait de même ; qu’ainsi il y aurait lieu de réduire le montant de la somme à récupérer à 2 000 euros pour chacun d’entre eux ; qu’il y a lieu de décider qu’il n’y a lieu à restitution à l’encontre des requérants de prononcer l’annulation des titres exécutoires formant avis des sommes à payer de prononcer la restitution des sommes perçues par la paierie départementale de l’Allier, majorées de l’intérêt légal à compter de leur paiement, et à titre infiniment subsidiaire de récupérer 2 000 euros par enfant ;
    2o  Mme Nicole T... expose que la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy a statué sans qu’elle n’ait pu présenter aucune observation ; qu’elle n’a en effet jamais été sollicitée pour ce faire avant que la commission ne statue, ni interrogée sur les sommes qu’elle a pu percevoir après le décès de sa mère ; que les stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; que les décisions de la commission ordonnant une récupération tranchent une contestation relative à des droits et obligations à caractère civil ; qu’au surplus les termes du dernier alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’action sociale et des familles ont été méconnus ; que Mme Nicole T... n’a jamais été destinataire de la correspondance du 25 mars 2004, dont se prévaut le président du conseil général ; que la requalification du contrat d’assurance ne saurait être opérée que s’il est établi par l’administration que l’intention du stipulant était lors de la conclusion du contrat de consentir irrévocablement à une libéralité au profit des bénéficiaires alors que Mme Georgette J... a souscrit un contrat à 73 ans, effectué un premier versement de 107 103,10 francs correspondant aux économies qu’elle avait pu faire et que les autres versements correspondaient aux sommes économisées sur sa retraite en tenant compte du fait qu’elle n’avait pas à exposer des frais d’hébergement puisqu’elle bénéficiait du logement de ses enfants ; que le contrat souscrit comportait bien un aléa, le décès du souscripteur ; que le capital devait être versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès avant cette date ; que l’intention libérale n’est pas établie ; qu’à titre subsidiaire le contrat ne pourrait être requalifié qu’en contrat de capitalisation conformément à une jurisprudence constante en matière d’assurance-vie ; que de tels contrats sont réintégrables dans l’actif successoral ; qu’ainsi elle est en droit de se prévaloir de l’article L. 245-6 du code de l’action sociale et des familles interdisant la récupération sur la succession ; qu’à défaut l’article R. 132-12 limitant la récupération aux sommes versées au-delà du seuil de 46 000 euros est applicable ; qu’à titre infiniment subsidiaire il conviendra eu égard à la situation financière modeste de la requérante de réduire le montant de la somme récupérée à 2 000 euros ;
    Vu enregistré le 31 août 2005, le mémoire complémentaire présenté pour M. Jean-Noël J..., Mme Bernadette J... et Mme Christiane M... persistant dans les conclusions de leur requête par les mêmes moyens et le moyen qu’une réponse ministérielle Dubernard intervenue à leur initiative confirme que les dispositions de l’article 95 de la loi du 11 février 2005, ne permettent pas la récupération litigieuse ;
    Vu enregistré le 28 février 2006, le mémoire en défense du président du conseil général de l’Allier tendant au rejet de la requête par les motifs que Mme Georgette J... lourdement handicapée a préféré utiliser des remboursements de capitaux et un retrait sur un PEA plutôt que d’affecter ces sommes à son entretien à la souscription d’un contrat d’assurance-vie ; que ce contrat ne distribuait aucun revenu et ne permettait donc pas à Mme Georgette J... de bénéficier de ressources complémentaires ; qu’eu égard à son état de santé il était probable qu’elle ne bénéficierait pas d’un produit à échéance de 8 ans ; que les sommes affectées au paiement de la tierce personne sont inférieures aux sommes versées par le département au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne qu’il est permis de penser qu’elles ont servi à approvisionner partiellement le contrat ; que le courrier du 25 mars 2004 a bien été envoyé aux quatre enfants aux adresses alors connues au dossier ; que dans un courrier postérieur les rédacteurs se présentent bien comme les enfants de Mme Georgette J... et font part de leurs arguments mais ne demandent à aucun moment à être entendus par la commission d’admission à l’aide sociale ; que les enfants avaient ainsi tout à fait connaissance du passage du dossier en commission et n’ont jamais manifesté leur désir d’y participer ; que le demandeur est le président du conseil général et non les tiers à l’encontre desquels les recours sont exercés ; qu’il n’y a lieu à modération de la créance ; que contrairement à ce que soutient Mme Nicole T... les contrats d’assurance-vie ne doivent pas être requalifiés en contrats à capitalisation réintégrables dans l’actif successoral ;
    Vu les lettres enregistrées les 10, 14 et 23 mars 2006, des consorts J..., du président du conseil général de l’Allier et de Mme T... en réponse au supplément d’instruction en date du 8 mars 2006 ;
    Vu enregistré le 21 mars 2006, le mémoire en réplique présenté pour les consorts M... - J... persistant dans les conclusions de leur requête par les mêmes moyens et les moyens que Mme Georgette J... ne se savait nullement condamnée lors de la souscription du contrat ; que les services du conseil général auraient dû rechercher les adresses de l’ensemble des requérants ; que le courrier adressé à Mme Bernadette J... « lors de l’engagement de la procédure est ambiguë » ; que les dispositions de l’article 16 du règlement départemental s’appliquaient à l’ensemble « des parties » devant la commission d’admission à l’aide sociale ; que la saisine ne fait état d’aucun élément précisément de ce que Mme Georgette J... ait entendu se dépouiller actuellement et irrévocablement à leur profit au 31 décembre 1994 ; que pour entrer en application de l’article 95-1 de la loi du 11 février 2005, il importe peu de savoir si Mme Georgette J... avait pour bénéficier de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation, aucun choix n’ayant du reste été ouvert ; qu’en tout état de cause seul le différentiel entre les arrérages perçus et les sommes versées à la tierce personne aurait pu servir à approvisionner le montant et qu’à titre infiniment subsidiaire de ramener la récupération à titre gracieux non à 2 000 euros mais à 1 182,21 euros pour chacun des 3 gratifiés ;
    Vu enregistré le 22 mars 2006, le mémoire en réplique de Mme Nicole T... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que les dispositions de l’article L. 131-2 du code de l’action sociale et des familles s’appliquent à toutes les « parties » à l’instance d’admission ; qu’elle n’a jamais été associée aux démarches des consorts M... J..., et n’a pas signé la correspondance dont l’administration se prévaut ; que le président du conseil général de l’Allier ne démontre pas que les arrérages d’allocation aient servi à approvisionner le contrat et que les économies alléguées porteraient sur 4 728,85 euros ; qu’elle verse aux débats son avis d’imposition 2004 en contestant les allégations du président du conseil général selon lesquelles elle ne déclarerait pas l’intégralité de ses rentes viagères ;
    Vu la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
    Vu le règlement départemental d’aide sociale de l’Allier ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 avril 2006, Mlle Erdmann, rapporteure, Me Rodolphe M..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il y a lieu de joindre les requêtes susvisées formulées pour trois des quatre enfants de Mme Georgette J... et pour le quatrième, bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie décès souscrit par l’assistée et qui présentent à juger des questions identiques ou liées entre elles ;
    Sur la régularité de la décision attaquée ;
    Considérant que le juge de première instance s’est borné à reprendre intégralement la note de l’administration à la « commission d’admission à l’aide sociale » en date du 1er février 2005, sans répondre aux nouveaux moyens formulés devant lui par Mme Nicole T..., notamment celui formulé à titre subsidiaire qui n’était pas inopérant, tiré de ce que le contrat litigieux était un contrat de capitalisation, dans le mémoire enregistré le 31 janvier 2005, antérieurement à la clôture de l’instruction, sans réouverture de celle-ci après ladite clôture ; que toutefois d’une part, le moyen tiré du défaut de réponse à moyen n’est pas d’ordre public, d’autre part, le fait pour le juge de se borner à reprendre intégralement une production administrative antérieure sans tenir compte de l’état du litige lorsqu’il statue n’est pas en lui-même de nature à justifier de l’absence d’impartialité et d’indépendance de la juridiction, même si dans le département de l’Allier la situation apparaît actuellement identique en pratique à ce qu’elle était avant que le fonctionnaire concerné, n’étant plus rapporteur nominal, la commission départementale d’aide sociale reprenne intégralement l’argumentation qu’il produit au nom du département, d’ailleurs par une erreur de plume justifiant d’être relevée à « la commission d’admission à l’aide sociale » ; que si en réalité tant que la commission départementale d’aide sociale n’aura pas été sauf dans quelques rares départements dotée des moyens lui permettant de fonctionner comme une juridiction, sa dépendance vis-à-vis de l’administration de l’aide sociale sera avérée quelle que puisse être « l’apparence » de l’impartialité au sens de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la présente juridiction n’estime pas devoir soulever d’office en l’espèce le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’indépendance et d’impartialité des juridictions administratives et, comme il a été dit, le moyen tiré du défaut ou de l’insuffisante motivation et/ou du défaut de réponse à moyen de la décision du premier juge n’est pas d’ordre public ;
    Sur la régularité de la procédure devant la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy ;
    Considérant que si les consorts J..., M... ont été informés par la président du conseil général de l’Allier et non la commission d’admission à l’aide sociale de son intention d’engager devant l’instance d’admission un recours en récupération, celle-ci ne les a ni convoqués à sa séance, ni avertis qu’ils pouvaient être entendus par elle ; que les dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’action sociale et des familles, qui, contrairement à ce que soutient le président du conseil général de l’Allier, s’appliquent au demandeur à la récupération (l’administration) comme aux intimés devant l’instance d’admission (les donataires) et que les dispositions invoquées du règlement départemental d’aide sociale se bornent à rappeler, ont été méconnues, dès lors que la commission d’admission à l’aide sociale est une instance distincte du président du conseil général, et que c’est à l’instance d’admission elle-même qu’il incombe de mettre à même les personnes attraites devant elle aux fins de récupération, comme le demandeur à cette récupération, de présenter leurs observations à sa séance, selon l’une des deux modalités ci-dessus rappelées qu’il lui appartient de mettre en œuvre elle-même, et dont ni l’une ni l’autre n’ont été en l’espèce, comme il a été dit, mises en œuvre alors, au surplus, que, contrairement à ce qui est affirmé dans le présent dossier comme dans de trop nombreux dossiers soumis à la présente juridiction, il n’appartient pas au président de l’instance d’admission d’apprécier discrétionnairement s’il entend permettre aux personnes attraites devant l’instance qu’il préside d’user de la faculté d’audition qui leur est ouverte par la loi, comme à l’administration saisissante ; qu’ainsi et alors même que contrairement à ce qui est soutenu par les conseils des requérants l’instance d’admission n’est évidemment pas une juridiction à laquelle s’appliqueraient, notamment, les stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il y a lieu d’annuler la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy en date du 10 juin 2004 ;
    Sur la tardive communication d’une décision du Conseil d’Etat, invoquée en séance par le président de la commission départementale d’aide sociale, postérieurement à ladite séance ;
    Considérant qu’en admettant que ce moyen soit soulevé pour mettre en cause la régularité de la procédure soit devant la commission départementale d’aide sociale soit devant la commission centrale d’aide sociale il est en tout état de cause non fondé, aucune disposition n’impartissant au président de la commission départementale d’aide sociale de communiquer aux personnes présentes à l’audience une décision du Conseil d’Etat dont il aurait fait état au cours de la séance publique de jugement dans les échanges avec les parties présentes ; qu’ainsi ce moyen doit en toute hypothèse être écarté ;
    Sur les conclusions des consorts J..., M... dirigées contre les titres de perception rendus exécutoires émis pour avoir versement de la créance de l’aide sociale ;
    Considérant que ces conclusions sont formées pour la première fois en appel par les consorts J..., M... ; que Mme Nicole T... n’avait pas en première instance formulé et ne formule pas devant le juge d’appel de telles conclusions ; qu’ainsi lesdites conclusions des consorts J..., M... sont nouvelles en appel et comme telles irrecevables ;
    Au fond ;
    Considérant que si les consorts J..., M... se prévalent à titre seulement « subsidiaire » des dispositions de l’article 95-I de la loi du 11 février 2005, il appartient au juge d’examiner préalablement la question d’ordre public tirée de l’impossibilité de statuer le cas échéant sur les conclusions et moyens des parties s’il estime que ces dispositions sont applicables ; qu’en l’espèce le recours est introduit contre les donataires et non contre la succession et que contrairement à la réponse à question écrite suscitée en cours d’instance par les consorts J..., M... et adressée à un parlementaire par le ministre chargé du travail de l’emploi et de la cohésion sociale qui est dépourvue de valeur normative et fait d’ailleurs expresse réserve « de l’interprétation des tribunaux », le législateur n’a imparti au juge d’entrer en décharge des récupérations pendantes devant lui à la date d’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005, que lorsqu’il s’agit du recours contre la succession et, non de celui contre le donataire, même s’il a pu envisager en réalité les deux hypothèses, dès lors que la formulation de la loi écarte clairement la seconde et que s’agissant de la loi du 11 février 2005, comme d’ailleurs des dispositions législatives précédemment intervenues, lorsqu’un texte est clair il appartient au juge de l’appliquer tel qu’il est rédigé, sans se référer en tant que de besoin aux travaux préparatoires ;
    Sans qu’il y ait lieu à examen des autres moyens et des conclusions subsidiaires des requêtes susvisées ;
    Considérant qu’un contrat d’assurance-vie décès, acte neutre, est susceptible d’être requalifié en donation indirecte si l’administration établit l’intention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat l’amenant à se dépouiller au profit du bénéficiaire de second rang à ladite date de manière telle que l’aléa inhérent à la souscription d’un tel acte puisse être tenu comme non avéré ; qu’il appartient à l’administration de l’aide sociale d’établir dans le contexte particulier de chaque espèce l’intention libérale dont elle se prévaut ; que le juge de l’aide sociale apprécie les faits sur lesquels il se fonde sans qu’il soit besoin en ce qui concerne cette appréciation à renvoi préjudiciel à l’autorité judiciaire ;
    Considérant en l’espèce que Mme Georgette J... a souscrit à 73 ans et sans qu’il soit établi, notamment par les pièces produites à l’appui du mémoire en défense du président du conseil général de l’Allier, qu’elle fut alors atteinte d’une affection évolutive de nature à présumer à terme rapproché de son décès, le bénéfice d’une allocation compensatrice pour tierce personne ne justifiant pas par lui même d’un tel état, un contrat d’assurance-vie conclut effectivement, ainsi qu’il résulte des documents fournis par les consorts J..., M... en réponse au supplément d’instruction de la présente juridiction en date du 8 mars 2006, selon les modalités d’un contrat d’assurance-vie décès non compris dans l’actif brut successoral et susceptible de se dénouer soit au terme de huit années, soit par le décès du souscripteur bénéficiaire de premier rang, et non contrairement à ce que persiste à soutenir Mme J... dans le dernier état de l’instruction conclu pour la vie entière de la stipulante ; que compte tenu des taux garantis et des modalités de retrait stipulées, cette souscription ne procédait pas d’une gestion patrimoniale anormale du patrimoine de l’assistée, que pour l’essentiel, elle avait été amenée à réinvestir lors de la souscription du contrat ; que l’utilisation des fonds investis disponibles à tout moment était susceptible de devenir nécessaire à Mme Georgette J..., compte tenu de son état de dépendance, pour supporter les frais de placement dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, au cas où le maintien à domicile ne pourrait plus être assuré, compte tenu de l’évolution ultérieure de son état, tout en évitant une demande d’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées avec les contraintes inhérentes à cette forme d’aide sociale, mais en utilisant alors (outre la pension et l’allocation compensatrice pour tierce personne en établissement) le capital ainsi préservé et amélioré ; que la circonstance que la requérante n’ait pas utilisé la totalité de l’allocation compensatrice pour tierce personne versée postérieurement à la souscription du contrat et ait dans la même période abondé le montant des primes versées au titre de celui-ci (absence d’utilisation d’ailleurs partielle de 12 373 euros sur 153 748 euros selon les propres indications du président du conseil général) n’est pas de nature à établir qu’en continuant à alimenter le contrat dont s’agit elle ait manifesté son intention libérale à l’égard des bénéficiaires de second rang, alors d’ailleurs qu’il n’est pas contesté que dans le même moment ceux-ci mettaient à sa disposition une maison, la dispensant ainsi de s’acquitter d’un loyer pour son maintien à domicile ; que dans l’ensemble de ces circonstances l’administration n’établit pas que l’absence d’aléa effectif à la date de la souscription du contrat et à celles des primes ultérieurement versées jusqu’au décès de l’assistée le 16 août 1997 manifeste l’intention libérale de celle-ci vis-à-vis de ses enfants bénéficiaires de second rang, et ainsi justifie d’une requalification du contrat en donation indirecte ; qu’il y a lieu par suite d’annuler dans son ensemble la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier en tant non seulement qu’elle n’a pas annulé la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy, mais qu’elle a, en outre, rejeté dans leur ensemble les demandes dont elle était saisie ;
    Sur les conclusions des consorts J..., M... tendant au paiement d’intérêts sur les sommes versées en exécution de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy ;
    Considérant qu’alors même, que comme il a été dit, les conclusions aux fins d’annulation des titres de perception rendus exécutoires ne sont pas recevables il appartient en toute hypothèse au juge de plein contentieux de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de statuer sur les conclusions aux fins de paiement d’intérêts ; qu’il lui est loisible de les accorder dans le cadre de l’instance relative à la décision de l’instance d’admission, sans qu’il y ait lieu à contraindre les requérants à formuler une demande distincte après la notification de la présente décision ; qu’il y a lieu par suite en application de l’article 1153 du code civil de condamner le département de l’Allier à verser à Mme Christiane M..., à Mme Bernadette J... et à M. Jean-Noël J... (Mme Nicole T... n’ayant pas formulé de demande de la sorte et les intérêts courant en ce qui la concerne pour compter de la notification de la présente décision) lesdits intérêts en ce qui concerne M. Jean-Noël J... de la date de paiement de la somme mise à sa charge et en ce qui concerne Mmes M... et J... des dates respectives des versements partiels procédant de l’échéancier qui leur avait été accordé par le payeur ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy en date des 1er février 2005, et 10 juin 2004, sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre des consorts M..., J... et de Mme Nicole T... des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne avancés par l’aide sociale à Mme Georgette J....
    Art. 3.  -  Le département de l’Allier paiera à Mme J..., à Mme M... et à M. J... les intérêts au taux légal des sommes qu’ils lui ont versées en application de la décision annulée de la commission d’admission à l’aide sociale de Vichy dans les conditions précisées dans les motifs de la présente décision.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 avril 2006, où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseure, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 28 avril 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer