Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RÉPÉTITION DE L’INDU  
 

Mots clés : Répétition de l’indu - Modération
 

Dossier no 051207

Mme Marie J...
Séance du 17 février 2006

Décision lue en séance publique le 28 février 2006

    Vu la requête en date du 28 juin 2004, du président du conseil général du Finistère tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Finistère en date du 6 mai 2004, annulant sa décision en date du 7 janvier 2004, de répétition de l’indu à l’encontre de Mme Marie J... au titre d’arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne perçus entre le 5 décembre 2001 et le 30 septembre 2003. Le président du conseil général du Finistère expose qu’il y a lieu de déclarer la commission départementale d’aide sociale incompétente pour statuer sur le recouvrement d’un indu ; que c’est par erreur que le droit à l’allocation compensatrice de Mme Marie J... avait été prolongé au-delà du délai accordé par le tribunal du contentieux de l’incapacité du 4 décembre 1996 au 4 décembre 2001, et que c’est également par erreur que l’allocation compensatrice pour tierce personne et l’allocation personnalisée d’autonomie demandée par Mme Marie J... ont été versées simultanément du fait que les dates de naissance saisies pour le traitement des deux allocations étaient différentes ; que si le conseil général n’a pas proposé de droit d’option entre les deux prestations c’est qu’il n’y avait pas de choix possible, Mme Marie J... ayant bénéficié de l’allocation pour la première fois après soixante ans, elle relevait obligatoirement du dispositif allocation personnalisée d’autonomie ; que la loi du 20 juillet 2001, relative à la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie spécifie que si la personne âgée de plus de soixante est bénéficiaire d’une allocation compensatrice pour tierce personne dispose d’un droit d’option entre les deux prestations en aucun cas celles-ci ne sont cumulables et que c’est pourquoi l’allocation compensatrice pour tierce personne est récupérable dans la présente situation ; que la prescription est biennale et que selon la jurisprudence du Conseil d’Etat depuis 1992, même à la suite d’une erreur imputable à l’administration celle-ci doit procéder à la répétition de l’indu en usant des lois de droit dont elle dispose en vertu des règles de droit commun régissant le recouvrement des créances publiques non assises et liquidées par les services fiscaux ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 4 novembre 2005, le mémoire en défense de Mme M... fille de Mme Marie J... tendant au rejet de la requête par les motifs que Mme Marie J... ne peut être tenue pour responsable d’aucune des erreurs relevées ; que la notification de décision en date du 11 décembre 1998, indiquait que la fin du versement de l’allocation compensatrice était fixée au 30 septembre 2003, et que cette date a dès lors figuré sur toutes les notifications annuelles qu’elle n’avait aucune raison de mettre en doute ; que c’est l’administration de la maison de retraite qui en février 2002, a transmis des demandes d’allocation personnalisée d’autonomie pour tous ses résidants dépendants et que la notification d’attribution seul document reçu personnellement par Mme Marie J... ne fait aucune mention d’interdiction de cumul avec une autre prestation ; que l’erreur de saisie évoquée n’a jamais été portée à leur connaissance et s’ajoute aux erreurs déjà reconnues dans le dossier alors que les deux allocations étaient versées sur un seul compte bancaire n’ayant comme titulaire que Mme Marie J... et que les courriers concernant les deux prestations étaient envoyés à la seule adresse de la maison de retraite ce qui devait sans doute permettre de recouper les dossiers ; que c’est l’administration qui lui a indiqué la compétence de la commission départementale d’aide sociale pour connaître de la demande dont elle l’a saisie et qu’après résultats favorables de cette demande les mêmes services demandent de déclarer la commission incompétente ce qui est incompréhensible ;
    Vu enregistré le 19 décembre 2005, le mémoire en réplique du président du conseil général du Finistère persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que l’allocation compensatrice n’est en aucun cas un complément de ressources mais une allocation destinée à financer une aide pour le maintien des actes essentiels de l’existence ; qu’en ce sens elle n’est pas cumulable avec l’allocation personnalisée d’autonomie ; que les deux programmes informatiques « Implicit » et « Astre » étant différents le contrôle de cohérence n’était pas possible ; qu’il a considéré que la commission départementale d’aide sociale pouvait être saisie pour constater ou non le fondement de l’indu mais qu’en revanche elle ne pouvait accorder une remise de dette relevant de la compétence du conseil général ou par délégation de la commission permanente et que par délibération du 8 novembre 2004, ladite commission a décidé d’une modération de 50 % de l’indu conformément à la proposition du délégué départemental du médiateur de la république ;
    Vu enregistré le 26 janvier 2006, le mémoire en duplique de Mme M... persistant dans les conclusions de la requête par les mêmes moyens et les moyens que l’erreur dont la répétition procède a été commise le 11 décembre 1998, avec effet au 1er juillet 1998 soit plus de cinq ans avant son constat après que la famille ait elle-même attirée l’attention sur le dossier ; que la notification de décision du 24 novembre 1999, précise que le conseil général a plafonné le versement de l’allocation compensatrice pour tierce personne au montant nécessaire pour compléter le paiement des frais de séjour et qu’il s’agit donc bien d’un complément de ressources qui a permis à Mme Marie J... de choisir un hébergement en institution en février 1999 ; que la persistance du conseil général dans sa demande de reconnaissance d’incompétence de la commission départementale d’aide sociale lui fait demander à quelle institution, à quel service compétent ils doivent s’adresser pour faire valoir les droits de Mme Marie J... si les démarches précédentes ont été effectuées inutilement bien qu’ils aient suivi les voies conseillées par le conseil général alors que Mme Marie J... n’a aucune responsabilité dans l’accumulation d’erreurs dues à l’administration qui ont eu des conséquences importantes pour une personne de quatre-vingt-neuf ans aveugle qui espérait pouvoir vivre en toute sécurité et en toute sérénité ses dernières années ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la loi du 20 juillet 2001 ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 février 2006, Mme Ciavatti, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que par une décision postérieure à la production de l’instance la commission permanente du conseil général du Finistère a accordé modération de l’indu répété à hauteur de 50 % ; qu’à cette hauteur il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête du président du conseil général du Finistère ;
    Considérant que même si dans le mémoire en réplique les époux M... exposent que leur requête est présentée « pour Mme Marie J... » ils doivent et peuvent être regardés comme ayant présenté la demande à la commission départementale d’aide sociale et ainsi la requête à la commission centrale d’aide sociale en leur qualité d’obligés alimentaires de l’assistée ; que dans ces conditions d’une part, M. M... pouvait être entendus à l’audience - non pas à titre de simple information - sans qu’il y soit besoin de régularisation de la requête ni pour signature de Mme M... ni pour signature de Mme Marie J... et, par ailleurs, la requête d’appel est bien recevable quant à la qualité pour agir de son auteur ;
    Sur la compétence de la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant que si par erreur de plume le président du conseil général du Finistère demande de juger que la commission départementale d’aide sociale n’était pas compétente, il a précisé dans sa réplique qu’il entendait en réalité faire valoir qu’il n’appartenait pas à la commission départementale d’aide sociale saisie d’une demande dirigée contre une décision de répétition de l’indu de procéder à une remise gracieuse, mais seulement à la commission permanente du conseil général, qui l’a du reste fait postérieurement à la décision attaquée à hauteur de 50 % ; qu’ainsi précisées les conclusions de l’appelant ne mettent pas en réalité en cause la compétence mais les pouvoirs du juge de l’aide sociale saisi d’une action de répétition de l’indu pour accorder remise de la créance, position d’ailleurs conforme à la jurisprudence de la présente formation de jugement en matière de répétition d’indu, le Conseil d’Etat n’ayant pas à la connaissance de cette juridiction pris position en l’état sur cette question ; que par ailleurs l’invocation par le président du conseil général du Finistère de la décision de 1992, du Conseil d’Etat département des Ardennes contre Mme F... est sans incidence dans le présent litige puisque l’incompétence qu’elle sanctionne concerne la commission d’admission à l’aide sociale et non la commission départementale d’aide sociale ; qu’en l’espèce du reste la commission départementale d’aide sociale était bien évidemment compétente pour statuer sur une demande dirigée contre une décision du président du conseil général du Finistère décidant de la répétition de prestations d’allocation compensatrice pour tierce personne qui ne relève pas de la compétence de la commission d’admission à l’aide sociale et annonçant l’émission d’un titre exécutoire, cette décision faisant déjà, dès avant l’émission du titre, à le supposer même non contesté en l’instance, grief ; qu’ainsi la commission départementale d’aide sociale était bien compétente pour connaître de la demande dont elle était saisie ;
    Sur la décision de la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant qu’il n’appartient pas comme il a été dit au juge de la répétition de l’indu que l’administration est tenue de recouvrer d’accorder remise ou modération de la créance ; qu’un tel pouvoir appartient bien, ainsi que le relève le président du conseil général du Finistère au conseil général et non d’ailleurs au président du conseil général lui même ; que dans ces conditions c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale du Finistère a décidé de la remise de la créance alors par ailleurs qu’il n’appartient pas comme il sera dit ci-après au juge de l’aide sociale de connaître de la responsabilité de l’administration pour les fautes qu’elle a commises dans la gestion des allocations d’aide sociale ; qu’il y a lieu pour la commission centrale d’aide sociale saisie par l’effet dévolutif de l’appel d’examiner les moyens des époux M... en première instance et en appel ainsi que ceux du président du conseil général du Finistère dans sa requête d’appel ;
    Sur les droits de Mme Marie J... à l’allocation compensatrice pour tierce personne à compter du 5 décembre 2001 ;
    Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que le tribunal du contentieux de l’incapacité avait accordé l’allocation compensatrice pour tierce personne à Mme Marie J... du 4 décembre 1996, au 4 décembre 2001 ; qu’à compter du 5 décembre 2001, l’administration a continué à verser la prestation à Mme Marie J... alors qu’elle n’y avait plus droit, nonobstant la mention portée dans la décision du 11 février 1998, qui n’interdisait pas à l’administration de répéter l’indu, l’article 39 de la loi du 30 juin 1975, aujourd’hui codifié à l’article L. 245-7 2e alinéa du code de l’action sociale et des familles n’interdisant pas à la différence des dispositions de l’article 9 du décret du 2 septembre 1954, aujourd’hui codifié à la partie réglementaire du même code la répétition d’indus d’allocation compensatrice pour tierce personne dus à la seule erreur de l’administration dans le délai biennal mais uniquement au-delà dudit délai à compter de l’expiration duquel la répétition n’a lieu d’être qu’en cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu’ainsi et dès lors que les arrérages litigieux avaient été versés depuis moins de deux ans l’administration pouvait, si par ailleurs les conditions légales étaient remplies, répéter l’indu ;
    Considérant par ailleurs, qu’il ressort des pièces versées au dossier et n’est pas contesté que Mme Marie J..., qui avait bénéficié pour la première fois de l’allocation compensatrice pour tierce personne du fait de la décision susrappelée du tribunal du contentieux de l’incapacité, après soixante ans à compter du 5 décembre 1996, (cf. notification du 25 février 1997 : « 1re demande », était atteinte de cécité ; que pour l’octroi de l’allocation personnalisée d’autonomie elle a été classée GIR. 4 à compter du 1er janvier 2002, qu’elle n’a pas déposé de demande de prestation spécifique dépendance pour la période comprise entre le 5 décembre 2001, et le 31 décembre 2001, le classement en GIR de l’intéressée étant selon toute vraisemblance le même que celui ultérieurement décidé pour l’octroi de l’allocation personnalisée d’autonomie et emportant les mêmes conséquences ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à compter du 5 décembre 2001, Mme Marie J... était sans droit à l’allocation compensatrice pour tierce personne ; qu’au surplus et en tout état de cause elle avait sollicité ladite allocation pour la première fois à une date postérieure à son soixantième anniversaire (elle est née en 1917) ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède d’une part, que Mme Marie J... n’avait plus droit à l’allocation compensatrice pour tierce personne ni à la prestation spécifique dépendance depuis le 5 décembre 2001, d’autre part, qu’elle ne pouvait cumuler l’allocation compensatrice pour tierce personne et l’allocation personnalisée d’autonomie à compter du 1er janvier 2001, dès lors en tout état de cause qu’il résulte de la combinaison des dispositions de l’article 19 III de la loi du 20 juillet 2001, et de l’article L. 245.4 du code de l’action sociale et des familles d’une part qu’à l’issue de la période d’octroi de l’allocation compensatrice expirant le 4 décembre 2001, Mme Marie J... ne pouvait choisir entre celle-ci et l’allocation personnalisée d’autonomie, d’autre part qu’aucune disposition de la loi du 20 juillet 2001, relative à cette dernière prestation ne permettait non plus et en toute hypothèse un tel choix entre allocation compensatrice et allocation personnalisée d’autonomie pour les personnes dans sa situation ; qu’ainsi l’administration était légalement fondée à répéter l’indu pour compter du 5 décembre 2001, nonobstant la décision, même non attaquée, du 11 décembre 1998, et les décisions subséquentes ; et qu’elle était au demeurant tenue de procéder à cette répétition, sous réserve de la décision distincte du conseil général saisi à cet effet comme il l’a été en l’espèce, d’une demande d’accorder à titre gracieux remise ou modération de la créance ;
    Considérant que Mme Marie J... demande au juge de l’aide sociale de lui indiquer les voies de recours dont elle dispose ; que la présente juridiction, notamment, dans les affaires de la nature de celle dont il s’agit ne refuse pas, sous réserve de ce qu’elle statue en l’état des pièces du dossier, de satisfaire à de telles demandes étant toutefois observé qu’il appartient dorénavant à la personne handicapée de saisir la maison départementale des handicapés notamment de problèmes de la sorte, « maison » dont les services ne sauraient manquer de renseigner de manière complète et exacte les assistés sur leurs droits ; que, sous cette réserve, il appartient d’une part à Mme Marie J... si elle s’y croit fondée de saisir le Conseil d’Etat juge de cassation de la présente décision ; d’autre part de saisir la juridiction compétente qui est dans le dernier état de la jurisprudence du Conseil d’Etat le tribunal administratif si elle considère que sur le plan gracieux dans les circonstances de l’espèce une modération de 50 % de sa créance n’est pas suffisante et si la décision lui notifiant cette modération n’est pas définitive ; enfin, si elle s’y croit également fondée de saisir le même tribunal administratif d’une action en responsabilité quasi délictuelle à raison des fautes commises par l’administration qui ont en l’espèce seules généré la répétition d’indu litigieuse, le juge de l’aide sociale ne pouvant en l’état de la jurisprudence, à la différence regrettable du juge de la sécurité sociale, statuer dans l’instance de répétition de l’indu sur la décharge ou le dégrèvement partiel de la créance répétée à raison des fautes de l’administration ;
    Considérant dans ces conditions que en tant qu’elle conserve son objet la requête des époux M... ne peut qu’être rejetée ;

Décide

    Art.  1er.  -  A hauteur de 50 % du montant de la répétition d’indu litigieuse il n’y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête du président du conseil général du Finistère.
    Art.  2.  -  Mme Marie J... est tenue de s’acquitter du montant demeurant litigieux de 50 % des arrérages d’allocation compensatrice versés par le département du Finistère.
    Art.  3.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Finistère en date du 6 mai 2004, est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 2.
    Art.  4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 février 2006 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mme Ciavatti, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 28 février 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer