Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Conditions - Ressources
 

Dossier no 032055

Mme Réjane P...
Séance du 1er mars 2006

Décision lue en séance publique le 6 mars 2006

    Vu la requête du 11 août 2003, présentée par Mme Réjane P..., qui demande d’annuler, en ce qu’elle lui a attribué un montant insuffisant d’allocation de revenu minimum d’insertion, la décision du 25 juin 2003, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Nord, après avoir annulé la décision du préfet du Nord en date du 7 janvier 2003 lui refusant l’ouverture de droits au titre du revenu minimum d’insertion, a décidé l’ouverture de ces droits et d’augmenter le montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion qui lui a été attribué ;
    La requérante soutient qu’il lui est très difficile, avec le montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion qui lui a été attribué, de faire face aux charges du ménage ; que les revenus d’activité de son mari sont insuffisants pour couvrir ses charges professionnelles ;
    Vu le mémoire en date du 24 janvier 2005, présenté par Mme P..., qui persiste dans ses conclusions ; elle soutient en outre que son mari a dû cesser son activité d’agent commercial au 30 septembre 2004, faute de pouvoir faire face à ses charges professionnelles et à celles du ménage ; qu’une reprise d’activité est possible à condition qu’il dispose du fonds de roulement nécessaire ;
    Vu la requête du 20 avril 2005, présentée par le président du conseil général du département du Nord, qui demande d’annuler la décision du 25 juin 2003 de la commission départementale d’aide sociale du Nord en ce qu’elle a décidé l’ouverture de droits au revenu minimum d’insertion au bénéfice de Mme Réjane P..., et de rejeter la demande présentée par Mme Réjane P... ;
    Il soutient que la commission départementale d’aide sociale a excédé ses pouvoirs ; que la demande introduite par Mme Réjane P... devant la commission avait la nature d’un recours pour excès de pouvoir, dans le cadre duquel la commission ne pouvait légalement qu’annuler la décision de l’autorité administrative et non la réformer comme elle l’a fait en ordonnant l’ouverture des droits au revenu minimum d’insertion alors que le préfet du Nord l’avait refusée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 et le décret no 88-1111 du 12 décembre 1988 modifiés ;
    Vu la lettre en date du 14 décembre 2005 communiquant aux parties le jour et l’heure de l’audience de la commission centrale d’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er mars 2006 le représentant du président du conseil général du département du Nord et M. Vincent Daumas, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Réjane P... a déposé le 6 décembre 2002 une demande de revenu minimum d’insertion au titre de son foyer, composé d’elle-même, de son fils, en poursuite d’études rémunérées, et de son mari, travailleur indépendant ; que sa demande a été rejetée par décision du 7 janvier 2003 du préfet du Nord au motif que l’imposition au régime du réel de l’activité de son conjoint faisait obstacle à ce qu’il y fasse droit ; que, suite au recours formé par Mme Réjane P... contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale du Nord a, par sa décision du 25 juin 2003, prononcé l’ouverture des droits au 1er décembre 2002, « en tenant compte pour M. Philippe P... de ressources égales au montant du revenu minimum d’insertion » ;
    Sur les conclusions présentées par le Président du conseil général du département du Nord :
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles « un recours contentieux contre les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion peut être formé par toute personne qui y a intérêt devant la commission départementale d’aide sociale dans le ressort de laquelle a été prise la décision » ; qu’aux termes de l’article 15 du décret du 12 décembre 1988 susvisé, alors en vigueur, « les personnes relevant de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux peuvent prétendre à l’allocation de revenu minimum d’insertion lorsqu’au cours de l’année de la demande et depuis l’année correspondant au dernier bénéfice connu elles n’ont employé aucun salarié et ont été soumises aux régimes d’imposition prévus aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts et qu’en outre le dernier chiffre d’affaires annuel connu actualisé, le cas échéant, n’excède pas, selon la nature de l’activité exercée, les montants fixés auxdits articles ; le montant du dernier chiffre d’affaires connu est, s’il y a lieu, actualisé, l’année au cours de laquelle est déposée la demande, en fonction du taux d’évolution en moyenne annuelle de l’indice général des prix à la consommation des ménages entre cette année et celle à laquelle le chiffre d’affaires se rapporte, tel que ce taux d’évolution figure dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances » ; qu’aux termes de l’article 16 de ce même décret, alors en vigueur, « lorsque les conditions fixées aux articles 14 et 15 ne sont pas satisfaites, le préfet peut, à titre dérogatoire et pour tenir compte de situations exceptionnelles, décider que les droits de l’intéressé à l’allocation de revenu minimum d’insertion seront examinés » ;
    Considérant que, pour l’application des dispositions précitées relatives aux conditions d’accès des non-salariés à l’allocation de revenu minimum d’insertion, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention qu’à leur qualité de juges de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité de la décision prise par le préfet pour accorder ou refuser l’ouverture des droits, mais encore, dans le cas où celle-ci est illégale, de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de la demande de l’intéressé d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre partie à la date de leur propre décision ; que, par suite, en réformant la décision du 7 janvier 2003 par laquelle le préfet du Nord avait rejeté la demande de Mme Réjane P... tendant à l’ouverture de droits au titre du revenu minimum d’insertion, la commission départementale d’aide sociale du Nord, contrairement à ce que soutient le président du conseil général du département du Nord, n’a pas méconnu l’étendue de ses pouvoirs ;
    Sur les conclusions présentées par Mme Réjane P... :
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-10 du code de l’action sociale et des familles « l’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation... » ; qu’aux termes de l’article 12 du décret du 12 décembre 1988 susvisé, alors en vigueur « Les ressources prises en compte sont celles qui ont été effectivement perçues au cours des trois mois civils précédant la demande ou la révision ; les revenus professionnels des non-salariés pris en compte sont égaux à 25 % des revenus annuels fixés en application de l’article 17 (...) » ; qu’aux termes de l’article 17 de ce même décret, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, « le préfet arrête l’évaluation des revenus professionnels non salariés. Il tient compte, s’il y a lieu, soit à son initiative, soit à la demande de l’intéressé, des éléments de toute nature relatifs aux revenus professionnels de l’intéressé. Le préfet peut s’entourer de tous avis utiles, et notamment de celui des organismes consulaires intéressés. En l’absence d’imposition d’une ou plusieurs activités non salariées, il évalue le revenu au vu de l’ensemble des éléments d’appréciation fournis par le demandeur » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Philippe P... a débuté son activité de travailleur indépendant au mois de mars 2002 ; qu’ainsi il se trouvait dans le cas où cette activité n’avait pu encore donner lieu à imposition ; qu’il appartenait par conséquent à la commission départementale d’aide sociale, saisie de la demande présentée au préfet du Nord, d’évaluer son revenu au titre du trimestre précédant la demande d’ouverture des droits au vu de l’ensemble des éléments qu’il fournissait ; que, dès lors que M. Philippe P... indiquait sans être contredit que ses dépenses professionnelles excédaient de beaucoup ses recettes, les ressources prises en compte devaient être considérées comme nulles ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Réjane P... est fondée à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale du Nord a décidé la prise en compte des ressources de son conjoint, pour le calcul de ses droits au revenu minimum d’insertion, à hauteur du montant du revenu minimum d’insertion ;
    Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de renvoyer Mme Réjane P... devant l’administration pour que soit procédé à un nouveau calcul de ses droits au revenu minimum d’insertion, en prenant en compte, s’agissant des revenus perçus par M. Philippe P... au titre du trimestre précédant la demande d’ouverture de droits, des ressources nulles ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du président du conseil général du département du Nord est rejetée.
    Art. 2.  -  Mme Réjane P... est renvoyée devant l’administration pour procéder à un nouveau calcul de ses droits au revenu minimum d’insertion à compter du 1er décembre 2002, en prenant en compte, en ce qui concerne les revenus de son conjoint au titre du trimestre précédant sa demande, de ressources nulles.
    Art. 3.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Nord en date du 25 juin 2003 est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, et au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er mars 2006 où siégeaient Mme Hackett, présidente, M. Vieu, assesseur, M. Daumas, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 6 mars 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

pour ampliation,
Le secrétaire général de la commission
centrale d’aide sociale,
M. Defer