Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Aide sociale légale et réglementaire - Aide sociale facultative
 

Dossier no 051468

M. Olivier M...
Séance du 19 avril 2006

Décision lue en séance publique le 27 avril 2006

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date du 31 mars 2005, la requête présentée par M. Olivier M..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Atlantiques du 10 décembre 2004, qui se déclare incompétente aux motifs que né en 1965 M. Olivier M... est tétraplégique par accident depuis 1990 et pris en charge à 100 % par la sécurité sociale ; qu’en 2002 à la cessation d’activité de son infirmer, il se retrouve sans assistance à domicile pour effectuer les soins médicaux ; qu’en raisons de restrictions budgétaires le centre communal d’action sociale de Billière ne pouvant assurer une prise en charge totale des frais, il embauche des tierces personnes supplémentaires palliant ainsi les carences du système libéral de soins infirmiers de la région de Pau de juin 2002 à janvier 2003 ; que grâce au soutien familial et à partir de janvier 2003, le centre communal d’action sociale de Billière le prend en charge totalement ; qu’après s’être vu rejeter la prise en charge des frais engagés par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Pau, (les soins n’ouvrant pas droit à remboursement en l’absence de feuilles de soins cotées par un infirmier) et sur les conseils officieux de la CPAM, l’Association des paralysés de France l’encourage à déposer une demande d’allocation compensatrice pour tierce personne majorée auprès du conseil général ; que le montant de l’aide accordé (86 euros par mois) ne couvre pas les dépenses engagées ; que 1 078 euros restent à sa charge après les vingt-quatre mois de versement de l’allocation accordée ; qu’il conteste que ne soient plus pris en charge les soins à domicile que nécessitent son état alors même que ces soins auraient été pris en charge en établissement hospitalier ; que la commission départementale d’aide sociale était bien compétente pour statuer sur le recours du seul fait que la décision du conseil général des Pyrénées-Atlantiques prévoyait en son article 5 qu’un recours pouvait être exercé devant ladite commission ; que la négligence du conseil général des Pyrénées-Atlantiques a manifestement conduit M. Olivier M... à former un recours argumenté qu’il n’aurait pas formé s’il n’avait pas été induit en erreur sur les limites de ses droits ; que le droit de faire appel (art. 5) accordé par le conseil général est de nature à constituer un préjudice financier (frais engagés pour cet appel), ainsi qu’un préjudice moral (mesure vexatoire), si ce droit n’était qu’illusoire ; que l’octroi d’une prestation extralégale qui n’est pas susceptible d’appel n’exclut pas que la décision qui, sur le fond, accorde cette prestation puisse créer, par sa forme même, un préjudice indemnisable au requérant, ce qui est le cas en l’espèce ; qu’il est, en conséquence demandé, à la commission centrale d’aide sociale de dire que l’insertion de l’article 5 dans la décision du 13 novembre 2003, engage, par son caractère indubitable, la responsabilité du conseil général des Pyrénées-Atlantiques ; qu’il condamne le conseil général des Pyrénées-Atlantiques à verser 1 euro de dommages et intérêts pour le préjudice moral qui résulte de la faute d’avoir inséré à tort l’article 5 dans la décision du 13 novembre 2003, et de verser 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de la justice administrative au titre des frais exposés non compris les dépens, eu égard aux démarches kafkaïennes auxquelles a été confronté le requérant ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques en date du 5 janvier 2006, qui conclut au rejet de la requête aux motifs que l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée est une prestation extralégale créée par le département des Pyrénées-Atlantiques par délibération no 507 du 29 janvier 1999, dans le cadre d’un fonds d’aide aux handicapés ; qu’elle est destinée aux personnes de plus de vingt ans, vivant à domicile, présentant un handicap moteur très important et bénéficiaires de l’allocation compensatrice pour tierce personne au taux de 80 % ; que la demande est examinée par une commission consultative d’aide sociale qui réunit des élus du conseil général, des membres des centres communaux d’action sociale du département, des représentants des services départementaux rapportent les dossiers ; que le demandeur a connaissance de la décision de la commission par courrier ; qu’une notification d’aide sociale signée par le président du conseil général déclenchant la mise en paiement lui est ensuite adressée ; que la commission consultative du 6 novembre 2003 a ainsi accordé à M. M..., bénéficiaire d’une majoration tierce personne, une allocation compensatrice pour tierce personne majorée d’un montant de 80 euros mensuel pour la période du 1er janvier 2003 au 1er janvier 2005 ; que cette décision a été communiquée au demandeur par courrier du 28 novembre 2003, et lui a été notifié par arrêté du président du conseil général le 13 novembre 2003 ; que ce dernier document est un modèle d’arrêté informatisé, utilisé pour toutes les allocations compensatrices et qui contient un article 5 relatif aux voies de recours contentieuses ; que cet article n’est en effet pas applicable en matière d’allocation compensatrice pour tierce personne majorée, aide extralégale n’entrant pas dans le champ de compétence de la commission départementale d’aide sociale et aurait dû être rayé ;
    Vu le nouveau mémoire du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques en date du 3 février 2006, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’il est à préciser que l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée est une prestation extralégale d’initiative départementale et octroyée sous justificatif du tiers rémunéré ; que c’est à cet effet, que M. Olivier M... a pu bénéficier de cette prestation ; que, toutefois, ne sont pas couverts par cette allocation extralégale les frais inhérents aux soins et qui relèvent de prestations des organes de Sécurité sociale, sachant que M. Olivier M... perçoit une majoration tierce personne de la sécurité sociale ; que cette aide exceptionnelle ne prévoit pas de voie de recours compte tenu de son caractère facultatif ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code général des collectivités territoriales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 avril 2006, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en raison de l’étroite imbrication entre prestations légales d’aide sociale et prestations d’aide sociale facultative les juridictions de l’aide sociale sont compétentes pour connaître du contentieux relatif aux prestations d’aide sociale facultatives à l’hébergement à l’entretien et à l’accompagnement des adultes handicapés ; que la prestation litigieuse présente le caractère d’une prestation d’accompagnement à domicile ; que d’ailleurs, en l’espèce, il résulte des termes des délibérations du conseil général des Pyrénées-Atlantiques versées au dossier que « l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée » dont elles permettent l’attribution a pour seul objet d’améliorer les modalités d’octroi de l’allocation compensatrice prévues par les dispositions du code de l’action sociale et des familles et que le juge de l’aide sociale est à tout le moins compétent dans cette hypothèse comme le prévoyaient explicitement les dispositions de l’article L. 124-2 du code de la famille et de l’aide sociale ; que le codificateur du code de l’action sociale et des familles a, confirmé par le législateur du 2 janvier 2002, inséré aux articles L. 131-2 et L. 134-1 par une codification certes partielle mais qui ne me permet pas de présumer que le législateur du 2 janvier 2002, ait entendu, priver d’effet les dispositions non reprises de l’article L. 124-2 sus-rappelées ; qu’ainsi le juge de l’aide sociale est en tout cas compétent pour connaître d’un recours concernant une « prestation légale éventuellement améliorée » attribuée par le président du conseil général par « arrêté » (cf. délibération du 24 mars 2000) après avis d’une « commission consultative » ;
    Considérant d’ailleurs, à supposer même que l’analyse qui précède ne soit pas pertinente, qu’en tout cas contrairement à ce que soutient le président du conseil général l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée ne serait pas soustraite à tout contrôle juridictionnel mais relèverait, alors, du tribunal administratif, juge du droit commun du contentieux administratif ; que toutefois, comme il a été dit, tel n’est pas le cas en l’espèce ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. M... est fondé sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens qu’il invoque à soutenir que c’est à tort que par la décision attaquée la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Atlantiques s’est déclarée incompétente pour connaître de sa demande ; qu’il y a lieu d’annuler cette décision et d’évoquer cette demande ;
    Sur la légalité externe de la décision du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques en date du 13 novembre 2003, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
    Considérant que le président du conseil général ne justifie ni en première instance ni en appel et qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la décision attaquée comporte la signature de son auteur ; qu’il y a lieu en conséquence de l’annuler ;
    Sur les droits de M. M... à l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée ;
    Considérant qu’il résulte des dispositions des délibérations sus-rappelées du conseil général des Pyrénées-Atlantiques que l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée qu’elles instituent abonde l’allocation compensatrice pour tierce personne accordée conformément aux dispositions de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles et n’a pour objet ni de prévoir une compensation financière autonome ni de couvrir des dépenses de soins ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. M... bénéficiaire non d’une allocation compensatrice pour tierce personne mais de la majoration spéciale pour tierce personne d’une pension d’invalidité de troisième catégorie de la sécurité sociale vit à son domicile malgré le caractère « lourd » de son handicap ; qu’il y reçoit, notamment, des soins importants qui lui étaient apportés par un infirmier libéral ; qu’au départ de celui-ci du secteur où il réside M. M... n’a pu trouver à le remplacer ; qu’il a alors pu bénéficier mais seulement partiellement au regard de ses besoins de l’intervention d’un service de soins infirmiers à domicile dans le cadre du centre communal d’action sociale de Billière ; qu’une telle prise en charge devait trouver son terme lorsque M. M... aurait retrouvé un infirmier libéral disposé à intervenir à son domicile ; que toutefois, comme il a été dit, cela ne fut pas possible et que le service ne put lui assurer l’ensemble des prestations de soins nécessaires compte tenu du tarif fixé pour l’ensemble des personnes suivies dans le cadre des dotations globales limitatives et du désengagement de l’assurance maladie que relève avec raison le requérant ; que la caisse primaire d’assurance maladie a alors suggéré à M. M... de pallier cette situation en sollicitant par l’intermédiaire de l’Association des paralysés de France l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée auprès du département des Pyrénées-Atlantiques ; que cette dernière ne lui a été accordée que partiellement et que M. M... a demandé la majoration de cette aide pour que soit couvert l’ensemble des dépenses nécessitées par son maintien à domicile ;
    Considérant que s’il est vrai que les interventions des services de soins infirmiers à domicile prévus par les articles R. 314-37 sq. du code de l’action sociale et des familles ne comportent pas seulement les dépenses de soins infirmiers et de soins d’hygiène, mais également une aide pour les actes essentiels de la vie, elles n’en constituent pas moins en tout état de cause alors que M. M... se borne expressément à demander que soient pris en charge à 100 % les soins à domicile nécessités par son état, des prestations de caractère médico-social (voire en réalité, sinon en droit puisqu’ils sont visés à l’article L. 312-1 6e et 7e du code de l’action sociale et des familles, sanitaire) dont la charge n’incombe pas aux départements ; qu’en outre et en toute hypothèse M. M... qui n’est pas bénéficiaire de l’allocation compensatrice pour tierce personne n’est pas aux nombres des bénéficiaires de cette prestation prévus par les délibérations 507 et 502 versées au dossier du conseil général des Pyrénées-Atlantiques en date des 29 janvier 1999 et 24 mars 2000, instituant une allocation compensatrice pour tierce personne majorée qui « prendra la forme d’une majoration d’allocation compensatrice pour tierce personne », allocation dont il est rappelé qu’elle est au maximum de 80 % seulement du montant de la majoration des invalides du troisième groupe des pensions d’invalidité de la sécurité sociale dont bénéficie M. M... ; que dans ces conditions celui-ci n’est pas fondé à se plaindre de ce qu’il n’ait pas été fait droit à l’ensemble de sa demande et qu’il n’appartient pas au juge de plein contentieux de l’aide sociale après avoir ci-dessus annulé la décision attaquée de faire droit à ladite demande ; en ce que, d’une part, elle n’a pas été entièrement satisfaite quant au quantum et, d’autre part, que la prestation n’a pas été attribuée rétroactivement à compter de la date de la demande à l’administration ;
    Considérant que dans le contexte de l’instauration de la prestation de compensation et de la recherche par le législateur d’une appréhension globale des besoins de la personne handicapée, laquelle toutefois ne saurait par elle-même dégager des moyens de financement par ailleurs limités par les pouvoirs publics comme l’illustre la présente instance, il appartient à M. M... de saisir le directeur de la maison départementale des handicapés des Pyrénées-Atlantiques afin que l’ensemble de ses besoins soit examiné par l’équipe pluridisciplinaire en liaison avec la commission consultative chargée hors intervention de la maison départementale des personnes handicapées, selon toute vraisemblance, de statuer sur les demandes d’allocation compensatrice pour tierce personne majorée, afin que celle-ci établisse, si le financement suit, un plan d’aide compensant l’ensemble de ses besoins de soins et de tierce personne à domicile dont il n’est pas contesté qu’ils ne sont pas couverts en l’état ;
    Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance de diverses dispositions législatives déclaratoires du code de l’action sociale et des familles notamment introduites par les lois du 2 janvier, 17 janvier et 4 mars 2002, sont sans incidences sur la légalité du refus d’attribution de la prestation sollicitée dans les conditions sus-rappelées à M. M... ;
    Considérant que le juge de l’aide sociale n’est pas compétent pour connaître de conclusions aux fins de réparation du préjudice qu’aurait causé l’administration au requérant en lui indiquant dans la décision attaquée qu’il pouvait la déférer à une juridiction qui s’est déclarée incompétente ; qu’au surplus et en toute hypothèse il résulte de ce qui précède qu’aucun préjudice n’est subi de ce fait compte tenu de l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Atlantiques ; qu’ainsi les conclusions de M. M... tendant à ce titre à l’octroi d’1 euro à titre de dommages et intérêts ne peuvent être que rejetées ;
    Considérant que M. M... ne peut être regardé comme partie gagnante dans la présente instance ; que les conclusions formulées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative qui doivent être requalifiées comme présentées sur celui de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent être en conséquence que rejetées ;

Décide

    Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Atlantiques et la décision du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques en date des 10 décembre 2004, et 15 novembre 2003, sont annulées.
    Art. 2. - Les conclusions de la demande de M. M... devant la commission départementale d’aide sociale des Pyrénées-Atlantiques en tant qu’elles contestent le montant et la date d’effet de l’allocation compensatrice pour tierce personne majorée dont il a bénéficié ensemble le surplus des conclusions de sa requête devant la commission centrale d’aide sociale sont rejetées.
    Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 avril 2006, où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseure, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 avril 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure
            
Pour ampliation,

Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer