Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2320
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Recours en récupération - Succession
 

Dossier no 051547

M. P...
Séance du 28 juin 2006

Décision lue en séance publique le 5 juillet 2006

    Vu la requête présentée le 3 juin 2005, par M. Jérôme P..., héritier de Mlle Armelle P... sa sœur, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Loiret du 26 avril 2005, maintenant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Gien du 5 novembre 2004, de récupérer sur la part de succession de M. Jérôme P... les sommes avancées par le département ; M. Jérôme P... soutient que sa sœur, ses parents et lui même ont dû aménager leur propre vie durant la courte vie de sa sœur Mlle Armelle P..., en tenant toujours compte de son handicap ; qu’il a lui même été élevé par sa grand-mère et non par ses parents ; qu’ils sont venus régulièrement en aide moralement et financièrement de façon directe ou indirecte à leur fille et sœur ; que les décisions attaquées les empêchent de faire le deuil d’Armelle P... ; qu’ils n’ont jamais profité de son handicap pour abuser d’aides financières qui pouvaient être accordés ; que la seule fois où ils ont essayé de préserver un droit qui était alloué à Mlle Armelle P... après la fin de sa prise en charge au centre des Ormes (Loiret) jusqu’à 25 ans pour obtenir une continuation de l’accueil à la journée, leur demande ne fut pas admise nonobstant les dispositions du 5e alinéa 3o du paragraphe I de l’article L. 323-11 du code du travail ; qu’aucune retenue n’a été réclamée à Mlle Armelle P... pour avoir été hébergée chez ses parents pendant plus de quinze ans ; que si tel avait été le cas l’actif net successoral serait inférieur à 300 000,00 francs ; qu’ils n’ont jamais négligé les matériels pour rendre la vie de l’assistée plus confortable et ont supporté des frais importants à ce titre ; que lui même a dû effectuer parfois des virements ponctuels sur le compte en banque de sa sœur ; que sa mère n’a jamais prétendu à l’allocation compensatrice pour tierce personne qui lui aurait permis de garder sa fille à la maison ayant toujours travaillé jusqu’à sa préretraite ; que lors de son expatriation à Singapour il a dû revenir avec toute sa famille deux fois par an pour permettre à sa sœur de faire connaissance des enfants nés de son union durant son séjour à Singapour ; que la plus grave erreur de la famille a été d’avoir voulu épargner pour permettre à Armelle P... de vivre décemment dans le cas où ses parents seraient décédés avant elle ;
    Vu enregistré le 11 janvier 2006, le mémoire en défense du président du conseil général du Loiret tendant au rejet de la requête par le motif que M. Jérôme P... ne peut prétendre avoir fait office de tierce personne de Mlle Armelle P... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 juin 2006, Mme Giletat, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que les dispositions de l’article 95 de la loi du 11 février 2005, impartissant au juge saisi d’une demande contre une décision de récupération antérieure à l’entrée en vigueur de cette loi d’accorder décharge des prestations demeurant contestées devant lui, ne s’appliquent qu’au recours contre la succession en matière d’allocation compensatrice pour tierce personne ; qu’il résulte de l’instruction que le présent recours concerne uniquement la récupération de prestations de prise en charge en semi-internat au titre du maintien en institut médico-éducatif d’une personne handicapée bénéficiaire de « l’amendement Creton » ; que dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. Jérôme P... dans son mémoire enregistré le 25 janvier 2006, il n’y a pas lieu d’accorder décharge des prestations récupérées à raison de l’intervention des dispositions législatives dont s’agit ;
    Considérant que comme il vient d’être dit il n’existe aucun litige en matière d’allocation compensatrice pour tierce personne contrairement à ce que la commission départementale d’aide sociale a indiqué à tort ;
    Considérant par ailleurs que depuis l’origine du litige l’administration et les instances d’admission et de premier jugement méconnaissent le sens et la portée des dispositions de l’article 39 de la loi du 30 juin 1975, aujourd’hui codifiées relatives à l’exonération de récupération contre la succession pour la personne qui a assumé la charge effective et constante de la personne handicapée en considérant que cette charge correspond à celle de la tierce personne alors qu’il est de jurisprudence, depuis 1991, qu’il s’agit de l’aide psychologique, affective, morale, voire matérielle apportée régulièrement et avec une intensité suffisante par un membre de l’entourage à la personne handicapée et que plusieurs membres du groupe familial sont éventuellement susceptibles d’apporter successivement ou simultanément une aide de la sorte ;
    Considérant toutefois qu’il résulte de l’instruction que si M. Jérôme P... né en 1968 n’a pas fait office de tierce personne de sa sœur il lui appartient d’établir qu’il a apporté à celle-ci une aide effective et constante au sens susrappelé des dispositions précitées d’aide humaine, psychologique, morale voire matérielle régulière et d’une intensité suffisante, notamment, par de fréquentes visites, et l’accueil de l’assistée à son domicile ;
    Considérant que M. Jérôme P... se prévaut de versements réguliers qu’il a effectués au profit de sa sœur de 1997 à la date de son décès le 20 février 2004, mais que de tels versements ne suffisent pas en eux mêmes à justifier d’une aide de la nature de celle requise par les dispositions susrappelées ; que M. Jérôme P... n’établit pas que cette aide ait été apportée à sa sœur alors qu’elle était placée en institut médico-éducatif puis ultérieurement au domicile de ses parents pendant une période durant laquelle pour l’essentiel il se trouvait à l’étranger à Singapour et ne pouvait, nonobstant deux visites annuelles pour, notamment, visiter sa sœur et lui présenter ses enfants nés à Singapour, apporter à celle-ci l’aide effective et constante dont il s’agit ; qu’il n’est pas non plus établi que durant la période antérieure à celle où il a ainsi résidé à l’étranger ce soit lui même - et non pour l’essentiel ses parents - qui ait apporté à sa sœur l’aide litigieuse avec une intensité et une régularité telles qu’il puisse être regardé comme devant être légalement déchargé de toute récupération, ses parents ayant quant à eux été déchargés à hauteur de leur part dans la succession ;
    Considérant que si M. Jérôme P... doit être également regardé comme demandant remise ou modération de la créance la commission départementale d’aide sociale a fait une suffisante appréciation des éléments justifiant d’une telle mesure en limitant la récupération à hauteur de 11 586,20 Euro soit un peu moins du tiers du montant total de la récupération à l’encontre de M. Jérôme P..., somme correspondant aux versements dont il a justifié devant elle ; que l’ensemble des diligences dont il a fait état en première instance et en appel ne justifie pas qu’il soit accordé remise ou modération plus importante que celle procédant du quantum ainsi déterminé par les premiers juges ;
    Considérant dans ces conditions que la requête de M. Jérôme P... doit être rejetée,

Décide

    Art. 1er.  - La requête de M. Jérôme P... est rejetée.
    Art. 2.  - La présente décision sera transmise au ministre de l’Emploi de la Cohésion sociale et du Logement, au ministre de la Santé et des Solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 juin 2006, où siégeaient M. Lévy, président, M. Nouvel, assesseur, Mme Giletat, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 5 juillet 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer