Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2400
 
  OBLIGATION ALIMENTAIRE  
 

Mots clés : Personnes âgées - Placement - Obligation alimentaire
 

Dossier no 042594

Mme L... Pâquerette
Séance du 28 juin 2006

Décision lue en séance publique le 25 juillet 2006

    Vu le recours formé par Mme Françoise T... le 2 septembre 2004, tendant à l’annulation de la décision du 28 juin 2004 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a rejeté son recours dirigé contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Menton Ouest, en date du 17 février 2004, par laquelle elle a admis sa mère, Mme Pâquerette L..., au bénéfice de l’aide sociale pour personnes âgées pour couvrir ses frais d’hébergement à la maison de retraite Gastaldy à Menton, sous réserve d’une participation de ses obligés alimentaires de 100,00 euros mensuels ;
    La requérante soutient que la décision attaquée mentionne sa non-présentation alors qu’elle avait envoyé, par recommandé avec accusé de réception, une demande de renvoi de l’audience du 28 juin 2004 aux motifs qu’elle n’avait pu obtenir les éléments nécessaires à la défense de ses intérêts ; qu’elle entend se prévaloir des dispositions de l’article 379, alinéa 2, du code civil, qui dispense l’enfant émancipé de l’obligation alimentaire prévue aux articles 205 à 207 du même code ; que ses parents lui ayant fait croire qu’elle était émancipée, elle a dû subvenir seule à ses besoins à partir de l’âge de dix-huit ans ; qu’elle n’a trouvé aucune trace de sa prétendue émancipation et suppose que ses parents ont abusé d’elle ; que sa mère s’est rendue coupable à son encontre de faits graves, personnels et inexcusables qui la délient de son obligation alimentaire ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations du président du Conseil général des Alpes-Maritimes, en date du 27 octobre 2004, qui conclut au rejet du recours et fait valoir que Mme T... a refusé de répondre clairement à l’enquête sociale la concernant lors de la constitution du dossier d’aide sociale de sa mère ;
    Dans son mémoire en réplique, en date du 23 décembre 2004, Mme T... soutient qu’elle souhaite être entendue lors de l’audience du 28 juin 2006 et qu’elle avait expressément répondu aux services sociaux qu’elle aurait « souhaité, avant toute communication d’information, (...) [qu’ils] prennent le soin de [l’] informer de l’étendue de l’obligation [alimentaire] » ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu la lettre en date du 7 décembre 2004 invitant les parties à l’instance à se présenter à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 juin 2006, M. Jégard, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 205 du code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin » ;
    Considérant que l’article 379 du code civil dispose que : « Le retrait total de l’autorité parentale prononcé en vertu de l’un des deux articles précédents (...) emporte, pour l’enfant, dispense de l’obligation alimentaire, par dérogation aux articles 205 à 207 du code civil, sauf dispositions contraire dans le jugement de retrait » ; que les deux articles auxquels il se réfère ne traitent pas de l’émancipation de l’enfant mineur mais du retrait de l’autorité parentale suite à une condamnation pénale ou pour une inconduite notoire ; que les dispositions du code civil relatives à l’émancipation de l’enfant mineur sont énoncées aux articles 476 à 487 et que aucune ne traite d’un quelconque relèvement de l’obligation alimentaire de plein droit pour ce motif ;
    Considérant que l’article L. 132-6, alinéas 2 et 3, du code de l’action sociale et des familles énonce que : « Sous réserve d’une disposition contraire du juge aux affaires familiales, sont de droit dispensés de fournir [l’aide alimentaire] les enfants qui, après signalement de l’aide sociale à l’enfance, ont fait l’objet d’un retrait judiciaire de leur milieu familial durant une période de trente-six mois cumulés au cours des douze premières années de leur vie. Cette dispense s’étend aux descendants des enfants susvisés. » ; qu’il en résulte que, hormis ce cas précis, les juridictions de l’aide sociale ne sont pas compétentes pour relever les descendants de leur obligation alimentaire ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-6, alinéa 4, du code de l’action sociale et des familles : « La commission d’admission à l’aide sociale fixe, en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire, la proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques » ; qu’il en résulte que les commissions d’admission, et les juridictions de l’aide sociale, en cas de recours contre leurs décisions, sont compétentes non pour fixer le montant de la participation due par chacun des débiteurs d’aliments mais en vue d’arrêter la contribution de l’aide sociale pour évaluer la capacité contributive globale des obligés alimentaires ;
    Considérant que Mme Pâquerette L... est hébergée à la maison de retraite de Menton depuis le 2 mars 2004 et qu’elle dispose d’un revenu mensuel de 926,40 euros et d’une allocation logement de 75,26 euros ;
    Considérant que le coût de cet hébergement n’est pas mentionné dans le dossier de demande d’aide sociale et que ledit dossier ne contient aucun élément permettant d’évaluer les revenus des descendants de Mme L... : M. Jean-Claude L..., Mmes Nicole L... et Françoise T..., ses enfants, et Mmes Agnès L..., Isabelle L..., Mlle Christelle T... et M. Christian T..., ses petits-enfants, qui n’ont pas été approchés par les services sociaux ;
    Considérant que Mme Françoise T... a « souhaité, avant toute communication d’information, (...) [que les services sociaux] prennent le soin de [l’]informer de l’étendue de l’obligation [alimentaire] » ; que si elle entendait obtenir le montant de sa propre obligation alimentaire, il lui revenait de saisir le juge aux affaires familiales ;
    Considérant de surcroît que si Mme Françoise T... demandait à être relevée de son obligation alimentaire pour d’autres motifs que ceux visés par l’article L. 132-6, alinéas 2 et 3, du code de l’action sociale et des familles, il lui incombait, conformément à l’article 207 du code civil, de saisir le juge aux affaires familiales, seul compétent ;
    Considérant que, en fixant à 100,00 euros la seule participation de Mme Françoise T..., la commission départementale d’aide sociale a excédé son pouvoir ; que sa décision doit être annulée ;
    Considérant qu’il convient de renvoyer l’affaire devant le Conseil général des Alpes-Maritimes afin que soit évaluée la capacité contributive globale des obligés alimentaires,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 28 juin 2004 est annulée.
    Art. 2.  -  L’affaire est renvoyée devant le conseil général des Alpes-Maritimes afin que soit évaluée la capacité contributive globale des obligés alimentaires.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 juin 2006 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, M. Jegard, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 25 juillet 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer