Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Vie maritale - Preuve
 

Dossier no 050750

Mme T...
Séance du 20 octobre 2006

Décision lue en séance publique le 25 octobre 2006

    Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2005, présentée pour Mme Fatiha T..., qui demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o) D’annuler la décision du 17 janvier 2005 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône rejetant sa requête tendant à l’annulation de la décision du 28 juillet 2004 par laquelle la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône l’a informée de la suspension du versement du revenu minimum d’insertion à compter de juillet 2004 et de la décision du 19 novembre 2004 par laquelle la commission de recours amiable a confirmé cette suspension et déclaré Mme Fatiha T... redevable des sommes qui lui ont été versées à tort ;
    2o) De dire et juger que Mme Fatiha T... n’est redevable d’aucune somme ;
    3o) D’ordonner le versement par la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône à Mme Fatiha T... des sommes ayant fait l’objet d’une suspension ;
    4o) D’ordonner la reprise des versements des prestations familiales à Mme Fatiha T... ;
    5o) D’ordonner l’exécution provisoire ;
    6o) De condamner la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
    La requérante soutient que, faute de comporter le nom, le prénom, la qualité et l’adresse administrative du contrôleur, le rapport d’enquête méconnaît l’obligation de transparence posée par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 ; que l’enquête effectuée par les services de la caisse d’allocations familiales n’établit pas que Mme Fatiha T... aurait vécu maritalement à compter de 1995 ; que la décision du 19 novembre 2004 ne pouvait, sans méconnaître l’article L. 583-3 du code de la sécurité sociale sur lequel elle se fonde, regarder Mme Fatiha T... comme ayant refusé de se soumettre aux contrôles prévus par cet article ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 et le décret no 88-1111 du 12 décembre 1988 modifiés ;
    Vu la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
    Vu la lettre en date du 13 février 2006 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 20 octobre 2006 M. Alexandre Lallet, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que l’article 1er du décret du 12 décembre 1988 modifié par le décret du 3 février 2000, repris à l’article R. 262-1 du code de l’action sociale et des familles dispose : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire (...) est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes (...) à condition que ces personnes soient le conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ; qu’aux termes de l’article 3 du même décret repris à l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article 1er » ; qu’aux termes de l’article 28 du décret du 12 décembre 1988 repris à l’article R. 262-44 du même code : « le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’administration ne peut tenir compte des ressources d’un foyer composé, selon elle, de concubins, qu’en recherchant et en établissant que les intéressés mènent une vie de couple stable et continue ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment de l’enquête menée par la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône, que Mme Fatiha T... habitait depuis 1995 dans un logement dont M. Jean-Pierre G..., père de son enfant, est locataire en titre ; que toutefois, en se fondant sur cette seule circonstance pour estimer que Mme Fatiha T... et M. Jean-Pierre G... « formait une communauté d’intérêts économiques », sans rechercher s’ils menaient une vie de couple stable et continue, la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d’une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, cette décision doit être annulée ;
    Considérant qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale, dans le cadre de ses pouvoirs de juge de plein contentieux, de statuer sur le bien-fondé des décisions du 28 juillet et 29 novembre 2004 ;
    Considérant que par une décision en date du 28 juillet 2004, la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a informé Mme Fatiha T..., d’une part, de la suspension du versement du revenu minimum d’insertion au motif qu’elle vivait maritalement avec M. Jean-Pierre G... depuis au moins 1995, d’autre part de ce que, en l’absence de réponse de l’intéressée, le trop-perçu au titre de la période courant depuis 1995 lui serait réclamé ; que, par une décision du 19 novembre 2004, la commission de recours amiable de la caisse d’allocations familiales a confirmé la décision du 28 juillet 2004 et mis à la charge de Mme Fatiha T... la somme de 708,92 euros ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que, pour prendre ces décisions, la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône s’est fondée sur la circonstance que Mme Fatiha T... occupait le logement dont M. Jean-Pierre G... était locataire en titre et qu’elle aurait établi de fausses quittances de loyer ; que, toutefois, l’agent chargé du contrôle ne s’est pas rendu à l’adresse de Mme Fatiha T... et n’a pas contacté celle-ci, laquelle ne peut donc, en tout état de cause, être regardée comme ayant refusé de se soumettre à ce contrôle au sens des dispositions de l’article L. 583-3 du code de la sécurité sociale, ni n’a recueilli d’éléments, tels que des témoignages, lui permettant d’établir avec suffisamment de certitude l’existence d’une vie de couple stable et continue ; qu’ainsi, il n’est pas établi que Mme Fatiha T... vivait maritalement avec M. Jean-Pierre G... ; que le département des Bouches-du-Rhône ne rapporte pas davantage la preuve que de fausses quittances de loyer auraient été adressées par Mme Fatiha T... à la caisse d’allocations familiales ; que, par suite, c’est à tort que la caisse d’allocations familiales a suspendu le versement du revenu minimum d’insertion et mis à la charge de Mme Fatiha T... une somme au titre d’un trop-perçu ;
    Considérant qu’en l’état de l’instruction, il n’est pas possible de déterminer le montant des prestations auxquels Mme Fatiha T... avait droit ; qu’il convient de renvoyer à l’autorité compétente le soin de déterminer ce montant conformément aux motifs de la présente décision, sans ordonner de mesure provisoire ;
    Considérant qu’il y a lieu de condamner le département des Bouches-du-Rhône à verser à Mme Fatiha T... la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 17 janvier 2005 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône, ensemble les décisions du 28 juillet et du 19 novembre 2004 de la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône sont annulées.
    Art. 2.  -  La liquidation des droits de Mme Fatiha T... est renvoyée au président du conseil général des Bouches-du-Rhône, conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 3.  -  Le département des Bouches-du-Rhône versera à Mme Fatiha T... la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 octobre 2006 où siégeaient M. Fournier, président, Mme Perez-Vieu, assesseure, M. Lallet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 25 octobre 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer