Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Personnes handicapées - Recours en récupération - Succession
 

Dossier n° 060084

M. M... Jean-Pierre
Séance du 27 avril 2007

Décision lue en séance publique le 18 mai 2007

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date du 25 août 2005, la requête présentée par M. Claude M..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Savoie du 7 avril 2005 de récupération sur succession d’une créance d’aide sociale au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne ;
    Vu le nouveau mémoire de Me Paul-Louis C... pour M. Claude M... en date du 14 février 2007 qui conclut au rejet de la requête par les motifs qu’elle ne respecte pas les dispositions législatives en vigueur - loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 qui en son article 54 dispose que « les sommes versées au titre de l’allocation compensatrice ne font pas l’objet d’un recouvrement à l’encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune » - ; qu’elle ne considère pas la décision du Conseil d’Etat, qui, dans son arrêt du 10 septembre 2004, a précisé le champ d’application de la loi précitée et celle du 4 mars 2002 en limitant le recours en récupération aux seules situations ou le fait générateur était intervenu avant la promulgation de la loi, le 17 janvier 2002 ; qu’elle sort de son domaine de compétence en donnant une appréciation restrictive de la loi no 2005-102 du 11 février 2005 ; qu’elle contrevient aux dispositions de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui dans son article 95, alinéa 3, énonce qu’« il n’est exercé aucun recours en récupération de l’allocation compensatrice pour tierce personne ni à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé ni sur le légataire ou le donataire. Il est fait application des mêmes dispositions aux actions en récupération en cours à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé pour le remboursement des tierces personnes et aux décisions de justice concernant cette récupération, non devenues définitives à la date d’entrée en vigueur de la présente loi » et cela tant au fond qu’en la forme ; qu’elle méconnaît par là les dispositions contenues à l’article L. 245-7 du code de l’action sociale et des familles qui dispose en son alinéa 2 : « Il n’est exercé aucun recours en récupération de cette prestation ni à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé, ni sur le légataire ou le donataire » ; qu’elle fait fi de la position constante de la commission centrale d’aide sociale et notamment des décisions 042238, 2e considérant - séance du 12 août 2005 -, qui conclut « qu’il appartenait au président du conseil de Paris statuant en formation de conseil général de formaliser une nouvelle saisine de l’instance d’admission antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 dont l’article 95 supprime dorénavant la récupération contre le donataire des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne aux personnes handicapées, au titre desquels il n’a pas été statué par une décision administrative à la date de cette entrée en vigueur, alors même que le fait générateur de la récupération est antérieure... », décision 042265 du 3 octobre 2005 3e, 4e et 5e considérants qui précisent notamment : « considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu interdire au juge d’appel de l’aide sociale, saisi d’une requête contre une décision par là même “non définitive” de la commission départementale d’aide sociale entrant en récupération sur la succession d’une personne handicapée bénéficiaire de son vivant de l’allocation compensatrice pour tierce personne, de maintenir ladite récupération ; que dès lors que l’appel est recevable et que le juge y statue, ces dispositions sont d’ordre public ; qu’elles s’appliquent sans aucune exception à toute récupération de l’allocation compensatrice pour tierce personne qu’elle qu’ait pu être la pertinence des moyens soulevés par les requérants à l’encontre de la décision des premiers juges, dès lors que l’appel est recevable et que le juge d’appel y statue au fond... » ou de la décision 051547 du 28 juin 2006 dans son 1er considérant qui dispose : « Considérant que les dispositions de l’article 95 de la loi du 11 février 2005 impartissant au juge saisi d’une demande contre une décision de récupération antérieure à l’entrée en vigueur de cette loi d’accorder décharge des prestations demeurant contestées devant lui, ne s’appliquent qu’au recours contre la succession en matière d’allocation compensatrice pour tierce personne... » ; que pour l’ensemble de ces motifs et tous autres à produire, déduire, suppléer ou substituer s’il y a lieu, il demande à cette commission de prononcer l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Savoie, de reconnaître l’absence de fondement de sa motivation, de condamner le conseil général de la Haute-Savoie au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du NCPC et de condamner le conseil général de la Haute-Savoie au paiement des entiers dépens ;
    Le président du conseil général de la Haute-Savoie n’a pas produit de mémoire en défense ;
    Vu le courrier du 2 mai 2006 de Me Yves N..., notaire, demandant à être informé de l’avancement du dossier ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu la lettre du 13 décembre 2006 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 avril 2007 Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale aujourd’hui repris à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles « des recours sont exercés (...) par le département : 1o [...] contre la succession du bénéficiaire [...] en ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile [...] », un décret en Conseil d’Etat prévoit « Le cas échéant l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale en deçà duquel il n’est pas procédé au recouvrement » ; qu’à la date du décès de l’assisté, le seuil était de 46 000 euros ;
    Mais considérant que l’article 95, alinéa 3, de la loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des chances des personnes handicapées dispose : « Il n’est exercé aucun recours en récupération de l’allocation compensatrice pour tierce personne ni à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé, ni sur le légataire ou le donataire. Il est fait application des mêmes dispositions aux actions en récupération en cours à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé pour le remboursement des sommes versées au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne et aux décisions de justice concernant cette récupération, non devenues définitives à la date d’entrée en vigueur de la présente loi » ; que ces dispositions sont applicables et imposent au juge dès lors qu’il est saisi d’une décision de la commission d’admission à l’aide sociale antérieure à son entrée en vigueur de ne pas récupérer la créance départementale ; que contrairement à ce qu’énonce la décision attaquée les dispositions dont s’agit du I de l’article 95 de la loi du 11 février 2005 sont applicables dès l’entrée en vigueur de cette loi dès lors qu’aucune disposition du titre VIII « Dispositions transitoires » ne le concerne, non plus qu’aucune autre disposition, pour prévoir l’entrée en vigueur à une date différente de celle-ci et dès lors qu’elles ne nécessitaient aucune mesure d’application ; qu’ainsi le I de l’article 95 de la loi du 11 février 2005 était applicable pour compter de la publication au Journal officiel de la loi dans les conditions prévues par le décret-loi du 5 novembre 1870 ; qu’en toute hypothèse d’ailleurs n’en eût-il pas été ainsi à la date de la décision de la commission départementale d’aide sociale le 7 avril 2005 (ce qui n’est nullement le cas), il eût appartenu d’office au juge d’appel de soulever la question d’ordre public de l’inapplicabilité à la date de sa propre décision des actions contre la succession en récupération d’arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne ;
    Considérant que dans les circonstances de l’espèce, compte tenu notamment des conditions dans lesquelles le requérant a été contraint de poursuivre son action jusqu’au stade de l’instance d’appel nonobstant la situation ménagée par le législateur du 11 février 2005 qu’il avait invoquée devant le premier juge il y a lieu de faire droit pour leur entier quantum aux conclusions formulées sur le fondement « de l’article 700 NCPC » requalifiées comme formulées au titre de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991,

Décide

    Art. 1er.  -  Il n’y a lieu à récupération des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne versée à M. Jean-Pierre M... à l’encontre de M. Claude M...
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Savoie du 7 avril 2005 et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du Gènevois du 9 décembre 2004 sont réformées en ce qu’elles ont de contraire à l’article 1er.
    Art. 3.  -  Le département de la Haute-Savoie paiera 1 500 euros à M. Claude M... sur le fondement de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 avril 2007 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 18 mai 2007.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du Logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer