Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Personnes handicapées - Recours en récupération - Application de la loi dans le temps
 

Dossier no 061670

Mme M... Léocadie
Séance du 27 avril 2007

Décision lue en séance publique le 5 juin 2007

    Vu, enregistrée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de l’Yonne le 24 août 2006, la requête présentée pour Mme Catherine M... par Me André de M... de la SCPA de Metz-Rizzo de Metz-Daude tendant à ce qu’il plaise à la Commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne du 6 juillet 2006 rejetant sa demande de décharge de la récupération d’arrérages d’allocation compensatrice versés à sa mère Mme Léocadie M... par les moyens que la récupération méconnaît l’article 95 alinéa 3 de la loi du 11 février 2005 selon lequel il n’est plus exercé de recours en récupération de l’allocation compensatrice ni contre la succession ni contre le donataire ou le légataire particulier, qu’il est dès lors indifférent que le recours en récupération ne puisse s’exercer prioritairement contre la succession puisqu’il ne peut depuis les dispositions transitoires de la nouvelle loi, l’être davantage contre le donataire ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Yonne tendant au rejet de la requête par les motifs que la loi du 11 février 2005 précise qu’en ce qui concerne les actions de récupération en cours, il est fait application des dispositions à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé, alors que le recours en récupération de l’espèce est à l’encontre de la donataire et qu’ainsi celle-ci ne peut se prévaloir des dispositions qu’elle invoque ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 avril 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que par sa décision département du Tarn du 24 mai 2004 (CJAS,04/5,81) la présente juridiction a jugé que les actions en récupération dont le fait générateur était antérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002 étaient privées de fondement légal postérieurement à cette entrée en vigueur dès lors qu’en l’absence de dispositions transitoires la loi nouvelle s’appliquait aux décisions prises postérieurement à cette entrée en vigueur ; qu’il y a lieu, en la confirmant, d’expliciter cette solution ;
    Considérant que la loi du 11 février 2005 a supprimé la récupération contre le donataire des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne ; que par décision du 30 novembre 2005 confirmée par la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne le 6 juillet 2006 la Commission d’admission à l’aide sociale de Sens Sud-Est a exercé un recours de la sorte contre la requérante à raison d’une donation faite par sa mère par acte du 6 mars 2003 pour recouvrer les arrérages d’allocation compensatrice versés à celle-ci à compter du 1er septembre 1994 ; que le fait générateur de la créance était ainsi la donation intervenue à une date où la loi du 11 février 2005 n’était elle même pas intervenue ; que les arrérages versés à compter du 1er septembre 1994 eussent été récupérables dans le cours du délai de prescription trentenaire, soit pour les plus anciens jusqu’au 31 août 2024 ;
    Considérant qu’en principe seules les lois de procédure sont d’application immédiate en l’absence de dispositions transitoires en décidant autrement ; que les règles de prescription de l’action en récupération, comme en l’espèce durant une période de 30 ans à compter du versement des arrérages, sont à la fois des règles de fond et des règles de procédure ; que s’agissant des règles de fond la jurisprudence considère en règle générale qu’en l’absence de dispositions transitoires la loi nouvelle ne s’applique pas lorsqu’une situation est définitivement constituée à la date de son entrée en vigueur ; que tel est bien le cas lorsque, comme en l’espèce, le fait générateur de cette situation est antérieur à cette date ;
    Considérant toutefois que lorsqu’une loi nouvelle modifiant le délai de prescription d’un droit abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable et court à compter de son entrée en vigueur, l’ancien délai ne demeurant applicable que s’il a commencé à courir avant l’entrée en vigueur des dispositions qui l’ont modifié et s’il expire avant la date d’expiration du délai nouveau ; que la même solution doit être retenue lorsque la loi nouvelle ne se borne pas à abréger le délai antérieurement institué mais le supprime ; que dans cette situation et par exception aux règles générales applicables ci-dessus rappelées relatives aux situations de fond du droit définitivement constituées il n’y a pas lieu de faire application de la loi applicable à la date du fait générateur de la récupération à laquelle celle-ci n’avait pas encore été supprimée mais bien de faire application de la loi nouvelle comportant cette suppression ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à la date d’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 supprimant notamment la récupération contre le donataire en matière de prestations d’allocation compensatrice avancées par l’aide sociale, le délai de prescription des arrérages litigieux avait commencé à courir, mais n’était pas expiré ; que la suppression de la récupération dont s’agit s’appliquait ainsi aux actions en récupération dont le fait générateur était antérieur à l’entrée en vigueur de la loi, mais dont le délai de prescription n’était pas expiré à la date de celle-ci ; qu’il suit de là que la requérante est fondée à demander l’annulation des décisions attaquées ;

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne et de la commission d’admission à l’aide sociale de Sens Sud en date des 6 juillet 2006 et 30 novembre 2005 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de Mme Catherine M... des arrérages d’allocation compensatrice versées par l’aide sociale à Mme Léocadie M..., décédée le 23 mars 2005.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 avril 2007 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 5 juin 2007.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer