Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - règlement départemental d’aide sociale - Suspension
 

Dossier n° 061658

Mlle R... Cindy
Séance du 27 avril 2007

Décision lue en séance publique le 4 juin 2007

    Vu la requête en date du 17 septembre 2006 de Mme Ghislaine C..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Meuse en date du 16 juin 2006 rejetant sa demande dirigée contre la décision du Président du conseil général de la Meuse suspendant le versement de l’allocation compensatrice pour tierce personne de Mlle Cindy R... hébergée à la maison d’accueil spécialisé de Mont-Saint-Martin par les moyens que la décision ne s’appuie pas sur la réalité de la nécessité de tierce personne mais sur une lecture de l’article R.245-10 du code de l’action sociale et des familles liant le versement de l’allocation à la nécessité d’être en accueil de jour alors que le 3e alinéa de cet article ne se réfère en rien à l’accueil de jour objet de l’alinéa précédent, mais précise bien, par contre, que la réduction n’est opérée que pendant les périodes où la personne handicapée est effectivement accueillie dans l’établissement ; que Mlle R... rentre toutes les fins de semaine et davantage quand sa famille le peut, retours indispensables à son équilibre affectif ; que les relevés des périodes de retour ont été fournis, que les moyens d’investigation de la commission centrale devraient lui permettre de vérifier qu’aucun handicapé ne perçoit cette allocation lors des retours à domicile notamment en Meurthe-et-Moselle et en Moselle ; que le placement s’explique par l’absence cruelle de structures d’accueil dans le sud de département de la Meuse et que les frais de transport sont assumés sans aucun soutien ; que les lois du 17 janvier 2002 et du 11 février 2005 sur l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire dont l’Etat est le garant, doivent être prises en compte et que la charge qui lui est laissée pour les retours de sa fille est en complète contradiction avec ces textes ;
    Vu le mémoire en défense en date du 8 novembre 2006 du président du conseil général de la Meuse tendant au rejet de la requête par les motifs que Mme C... fait une inexacte interprétation de l’article R.245-10 dont le 3e alinéa concerne la situation du 2e alinéa soit réduction en cas d’accueil de jour ; que les dispositions relatives à la suspension de l’allocation en tant que placement en internat ont été au contraire exactement appliquées ; que les dispositifs mis en place par d’autres départements ne lui sont pas opposables ; que les lois dont elle se prévaut n’ont pas abrogé ou modifié les dispositions sur lesquelles la commission départementale s’est fondée ;
    Vu enregistré le 30 janvier 2007 le mémoire en réplique de Mme C... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que les charges qu’ils assument ne se limitent pas à celles exposées les jours de présence de leur fille à leur domicile ; que l’Etat a un devoir d’aide et de soutien et non de charité vis à vis des familles de personnes handicapées et doit respecter les lois sans les vider de leur sens par des décrets d’application inappropriés voire inexistants ;
    Vu la décision attaquée et les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 avril 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte des mentions de la décision attaquée que siégeait « M. Renard, rapporteur des dossiers du département » ; que celui-ci est en charge des questions d’aide sociale concernant les personnes handicapées dans le département de la Meuse puisqu’il est, notamment, la personne référente du mémoire de défense en appel - le département de la Meuse n’ayant pas encore recours à la formulation « service des appels » pour désigner une telle personne -  ; que dans ces conditions le dossier soumis à la présente juridiction établit la méconnaissance du principe d’indépendance et d’impartialité qui s’impose à la commission départementale d’aide sociale comme à toute juridiction administrative ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que le président du conseil général de la Meuse soutient qu’il résulte des dispositions de l’article R. 245-10 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable (à l’allocation de compension pour tierce personne) que l’allocation est suspendue après quarante cinq jours de « séjour » en maison d’accueil spécialisé et que Mlle R... « réside » depuis plus de quarante cinq jours à la Maison d’accueil spécialisé de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) à la date de la décision attaquée ;
    Considérant d’abord que si Mme C... a fait valoir que la situation des personnes admises à la maison d’accueil spécialisé relevant des départements de Meurthe-et-Moselle et de Moselle est différente de celle des ressortissants de la Meuse, les règlements départementaux d’aide sociale applicables aux différents départements ne sont pas pour ce motif illégaux, dès lors que celui de la Meuse ne méconnaît pas les dispositions de l’article R. 245-10 du code de l’action sociale et des familles qui seules s’imposent à lui ;
    Considérant par ailleurs que si ces dispositions sont ambiguës il y a lieu de les interpréter en fonction de leurs termes, mêmes ce à quoi ne font pas obstacle les dispositions générales et dépourvues de portée normative précise des lois du 17 janvier 2002 et 11 février 2005 invoquées par la requérante, prévoyant la dispense de l’aide aux handicapés dans des conditions garantissant l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, qui n’ont eu ni pour objet ni pour effet d’imposer au pouvoir réglementaire de modifier l’article 12 du décret du 26 décembre 1978 complété par le décret du 26 mars 1983 codifié aujourd’hui à l’article R. 245-10, en prévoyant par une interprétation plus claire que les dispositions relatives à la réduction de l’allocation quant à l’accueil en MAS devaient s’appliquer non seulement, comme tel est le cas actuellement, en cas d’accueil en section d’accueil de jour, mais également en cas d’accueil en internat ;
    Considérant que la question est ainsi seulement à nouveau d’interpréter l’article R. 245-10 du code de l’action sociale et des familles ; que la présente juridiction a procédé à cette interprétation dans diverses décisions rendues à l’encontre du département de la Marne actuellement soumises à examen du Conseil d’Etat et publiées aux cahiers de jurisprudence de l’aide sociale ; qu’elle confirmera dans la présente instance son interprétation dans l’attente de la position de la juridiction régulatrice sur l’interprétation d’un texte dont la rédaction est ambiguë au regard des finalités médico-sociales qui sont celles de l’allocation compensatrice ;
    Considérant que les dispositions dont il s’agit prévoient que « le service de l’allocation compensatrice est maintenu durant les quarante cinq premiers jours de séjour du bénéficiaire en maison d’accueil spécialisé ; au delà de cette période le service en est suspendu ou si le bénéficiaire est reçu en accueil de jour est réduit dans les conditions déterminées par la COTOREP (devenue commission des droits et de l’autonomie) » ;
    « Toutefois la réduction de l’allocation n’est opérée que pendant les périodes où la personne handicapée est effectivement accueillie dans l’établissement à l’exclusion des périodes de congés et de suspension de prise en charge » ;
    Considérant que s’il est clair que les dispositions relatives à la réduction ne s’appliquent qu’à l’hypothèse d’accueil de jour contrairement à ce que soutient Mme C... ce constat ne suffit pas à permettre l’interprétation des dispositions du 1er alinéa applicables à la situation d’internat ; que la Direction générale de l’action sociale a dans la circulaire citée dans les précédentes décisions de la commission centrale annoncé il y a plusieurs années une modification des textes imposée, comme elle l’expose avec raison, par leur ambiguïté mais qu’il n’y a toujours pas été pourvu ; que l’intervention de loi du 11 février 2005 est sans incidence sur la situation normative de l’espèce ;
    Considérant que pour interpréter les dispositions du 1er alinéa de l’article R. 245-10 issu du décret du 26 décembre 1978 il y a lieu de se référer aux dispositions de l’article 6 bis du décret 77-1549 relatives à l’allocation compensatrice selon lesquelles « par dérogation aux articles 5 et 6 l’allocation compensatrice pour aide d’une tierce personne est versée pendant les quarante cinq premiers jours d’hospitalisation du bénéficiaire, au delà de cette période son service est suspendu » ; que les articles 5 et 6 prévoient la nécessité pour les titulaires de l’allocation au taux de sujétions de plus de 80 %, ce qui n’est pas le cas de l’espèce, de rémunérer une tierce personne, sauf cécité ; que « l’exception » du 1er alinéa de l’article R. 245-10 n’est donc pas en cause ; que l’article 6 bis impose selon la jurisprudence de la présente juridiction une période de quarante cinq jours d’hospitalisation continue pour que le service de l’allocation puisse être suspendu y compris pendant les jours de maintien à domicile postérieurs à cette période continue de quarante cinq jours ; que selon la jurisprudence précitée concernant les maisons d’accueil spécialisé qui sera encore appliquée dans la présente instance, il en va de même s’agissant de l’article 12 du décret du 26 décembre 1978 dont l’interprétation doit se faire au seul regard de son texte même et non en référence à la situation d’accueil de jour dans laquelle seulement le décret du 31 mars 1983 a prévu des modalités de réduction qui s’appliquent à la seule hypothèse dudit accueil et non à celle de la suspension ; que dès lors il y a lieu de considérer que comme lorsqu’une personne est hospitalisée une personne admise en internat de Maison d’accueil spécialisé ne voit ses droits à l’allocation suspendus durant les jours où elle n’est pas accueillie à la Maison d’accueil spécialisé, les prestations de la tierce personne sont effectuées par le personnel de l’établissement aux frais de l’assurance maladie, que lorsque la personne admise a passé une période continue de quarante cinq jours de « séjour », notion qui se réfère effectivement à une telle période continue, dans la Maison d’accueil spécialisé ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que Mlle R... qui rentre chaque fin de semaine et durant les périodes de vacances au foyer de sa mère Mme C... n’a jamais passé quarante cinq jours continus à la maison d’accueil spécialisé de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) ; qu’il résulte de ce qui précède que dans de telles conditions le Président du conseil général de la Meuse n’était pas fondé à suspendre l’allocation compensatrice pour tierce personne durant les jours où elle se trouvait au domicile de sa mère et du concubin de celle-ci, et où il n’est nullement contesté qu’elle recevait dans l’entourage familial l’aide nécessitée par son état de la nature de celle compensée par l’allocation de tierce personne pour une personne dont le taux de sujétions est inférieur à 80 % ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à la requête,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Meuse en date du 16 juin 2006, ensemble la décision du Président du conseil général de la Meuse en date du 12 février 2005 sont annulées.
    Art. 2.  -  Mlle R... est renvoyée devant le Président du conseil général de la Meuse pour liquidation de ses droits à l’allocation compensatrice pour tierce personne au taux de sujétions de 60 % dont les jours d’absence de la maison d’accueil spécialisé de Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle) pour la période courant du 1er décembre 2005 conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 avril 2007 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 juin 2007.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer