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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession - Personnes handicapées - Charge effective et constante
 

Dossier no 061503

M. X...
Séance du 26 octobre 2007

Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date du 30 septembre 2005, la requête présentée par M. et Mme X... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Calvados du 12 juillet 2005 confirmant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Z... du 14 juin 2004 de récupération sur la succession des avances consenties au titre de l’aide sociale aux handicapés par les moyens qu’ils déplorent l’absence totale de compassion sur le drame qu’ils ont vécu de la disparition de leur fils ; qu’ils dénoncent le profit que tire le département de la mort de leur fils ; qu’ils n’ont jamais disposé ou signé de document les informant d’une quelconque récupération sur succession à l’encontre des personnes handicapées ; que ces manœuvres du département du Calvados sont inqualifiables ; qu’ils sont scandalisés ; qu’ils ont perdu leur fils à l’âge de 32 ans par maltraitance médicale et que l’aide sociale en profite ; que les 16 511 euros représentent neuf ans de sacrifice pour les parents ; qu’ils n’étaient pas au courant du fonctionnement interne du conseil général ; qu’ils réitèrent qu’ils n’ont jamais rien signé et qu’ils déclarent sur l’honneur qu’il ne peut exister de signature portant sur une récupération sur succession ; qu’ils souhaitent informer par voie de presse tous les autres parents d’enfants handicapés afin de protéger ces familles ; qu’ils transmettent également un double de cette requête et l’acte de notoriété auprès du ministre de la santé ; que l’épargne accumulée sur l’allocation aux adultes handicapés ne regarde pas le département, mais uniquement le père, tuteur et le juge des tutelles ; que les agissements d’une aide sociale digne de ce nom ne correspond pas à la réalité ; que les moyens avancés par le département sont infondés et inacceptables ; qu’ils souhaitent le rejet pur et simple de la demande intentée par l’aide sociale et le versement des 16.511 euros aux parents ; qu’aucune récupération ne doit légitiment avoir lieu sans leur accord signé ; qu’ils déplorent le manque de précision des doléances du conseil général et notamment le montant exact réclamé et le rapport incomplet ; que d’autre part la commission se dispense de mettre en évidence l’acte de notoriété établi le 6 avril 2004 par le Tribunal de Grande Instance en pleine conformité avec la loi ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le courrier de la directrice départementale des affaires sanitaires et sociales du Calvados en date du 11 janvier 2007 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que le courrier de M. X... n’a été adressé à la DDAS du Calvados que le 27 mars 2006 ; qu’un courrier de leur service en date du 28 mars 2006 lui a été adressé lui demandant copie de l’accusé de réception puisqu’il a noté sur le courrier la mention RAR ; que par lettre du 28 avril 2006 sur laquelle figure également la mention RAR. 3 mais qui a été adressé en courrier simple, M. X... précise d’ailleurs « car nous avons pris la décision de vous faire parvenir notre réplique (fondée) le 27 mars 2006 uniquement et ce pour des raisons strictement personnelles... » qu’elle suggère de prononcer l’irrecevabilité de la décision de la commission départementale d’aide sociale ; que celui-ci mentionne en effet en référence « Noto CDAS 12.7.5 MPH » et a été reçu par M. X... le 12 septembre 2005 ;
    Vu le mémoire du président du conseil général du Calvados en date du 14 février 2007 qui conclut au rejet de la requête par les motifs que M. Y... a perçu l’allocation compensatrice pour tierce personne à compter de 1992 et la prise en charge par l’aide sociale de ses frais d’accueil de jour depuis 1995 et d’hébergement depuis 1997 au foyer d’accueil médicalisé V... ; qu’à la suite de son décès le 27 février 2004, le président du conseil général du Calvados a proposé à la commission d’admission à l’aide sociale de Z... , réunie le 14 juin 2004 la récupération des avances d’aide sociale consenties au titre de la prise en charge des frais d’hébergement en établissement du 3 novembre 1997 au 27 février 2004 pour un montant de 111 900,53 euros dans la limite de l’actif net successoral conformément à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; que cette décision a été notifiée le 1er juillet 2004 aux parents et à Me B..., notaire à T... chargé du règlement de la succession ; qu’un titre de recette de 16 511,83 euros (montant de l’actif net successoral indiqué par Me B...) a été émis à l’encontre de la succession de M. Y... le 29 juillet 2004 ; que dans son article L. 132-8, le code de l’action sociale et des familles stipule « des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le Département : 1o contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire » ; il est complété par l’article L. 241-4 « Il n’y a pas lieu à l’application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d’aide sociale lorsque les héritiers ou légataires sont le conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante la charge du handicapé » ; au regard du montant de l’actif net successoral présenté par Me B..., soit 16 511,83 euros, un état partiel des avances consenties au titre de l’hébergement, avances récupérables au 1er euro d’actif net, a été présenté à la commission d’admission à l’aide sociale pour un montant de 111 900,53 euros ; que les héritiers de M. Y... étant ses parents et sa sœur, aucune disposition ne s’oppose à ce que le département effectue la récupération des avances ; que par ailleurs la notion de tierce personne ne pourrait être reconnue aux héritiers puisque M. Y... était accueilli en établissement et que le personnel du foyer assumait le rôle de tierce personne auprès de lui ; qu’aucun nouveau élément n’étant apporté par M. X..., le département demande le rejet de la requête ;
    Vu le nouveau mémoire de M. et Mme X... en date du 7 février 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que si les parents avaient été informés ils n’auraient pas sollicité de placement au nom de leurs fils ; que le fils M. Y... est décédé indignement à la suite d’un manque de vigilance et d’un disfonctionnement imputable au foyer V... ;
    Vu le nouveau mémoire de M. et Mme X... en date du 28 février 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu la lettre du 19 juin 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 octobre 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la recevabilité de l’appel ;
    Considérant que la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale du Calvados a été notifiée non le 13 comme le soutient le requérant mais le 12 septembre 2005 ; qu’elle lui indiquait que l’appel pouvait être formé au « ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, ministère de la santé et des solidarités, commission centrale d’aide sociale » ; que le requérant justifie qu’il a saisi le ministère le 3 octobre 2005 et que le pli y a été distribué le 5 octobre 2005 ; que s’il est vrai que conformément à la confusion faîte par la plupart des requérants devant la présente juridiction entre les services ministériels dans les locaux desquels est hébergée la commission centrale d’aide sociale et le juge faute d’avoir idée des caractères propres de l’administration et de la juridiction en raison non pas tant du niveau de leur formation juridique que des modalités de confusion des deux instances constatées dans la plupart des départements, l’appel a été adressé à « ministère de la santé, M. Xavier Bertrand, M. le ministre » qu’il appartenait toutefois au ministre, comme il l’a fait, de transmettre cet appel à la commission centrale d’aide sociale ; que dans ces conditions contrairement à ce qu’envisage d’ailleurs, non pas le président du conseil général du Calvados qui ne conteste pas la recevabilité de l’appel, mais le préfet du Calvados - secrétariat de la commission départementale d’aide sociale - l’appel des époux X... est bien recevable ;
    Sur le fond, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête en tant que celle-ci demande décharge de la somme de 8.250 euros correspondant à la part des époux X... dans l’actif de la succession de leur fils M. Y... ;
    Considérant que dans le dernier état de leurs conclusions devant la commission centrale d’aide sociale les époux X... soutiennent de manière générale dans le mémoire enregistré le 1er mars 2007 que « l’article 48-II de la loi du 30 juin 1975... dans sa version en vigueur en 2004 relatif aux frais d’hébergement et d’entretien des personnes handicapées accueillies notamment en foyer d’hébergement les exonère de toute récupération » à raison de la part de la succession de leur fils qu’ils ont perçu ; que dans les divers documents présentés à la commission départementale d’aide sociale concomitamment à la saisine de celle-ci et qui devaient eu égard à la confusion inévitable en l’état de l’organisation du contentieux de l’aide sociale des recours gracieux et contentieux en première instance être joints au dossier du premier juge et notamment dans leur lettre du 30 août 2004 adressée à la présidente du conseil général, fut ce à « Mme Anne d’O..., mairie de W... », laquelle leur a d’ailleurs répondu es qualité de présidente du conseil général le 1er octobre 2004, les époux X... faisaient valoir que « nous...demandons à juste titre sur l’aspect humain pour la maman de M. Y... qui s’est occupée de lui durant 32 ans le courage d’une mère mérite franchement la conservation du plan épargne au nom de notre fils » ; que dans cet état du dossier, et eu égard au caractère totalement autodidacte des démarches des requérants et de la requête, les époux X... seront regardés comme soutenant que Mme X... a assumé au sens de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable en l’espèce, compte tenu de ce que tant le fait générateur de la créance que de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005, laquelle a prévu la dispense de récupération pour les parents de la personne handicapée venant à sa succession, la charge effective et constante de la personne handicapée décédée à 32 ans tant avant que durant son admission au foyer ; que cette prétention n’a pas été utilement contestée par l’administration qui s’est toujours bornée et se borne encore devant la présente juridiction à soutenir que « la notion de tierce personne ne pourrait être reconnue aux héritiers susindiqués puisque M. Y... était accueilli en établissement et que le personnel du foyer assumait le rôle de tierce personne auprès de lui » témoignant ainsi, de manière surprenante s’agissant d’un département dont les services sont en général mieux informés de ce que par une décision de section Levesque datant de 1991, et constamment confirmée tant par le juge de cassation que par la présente juridiction, le Conseil d’Etat a considéré que l’aide « effective et constante » dont il s’agit n’était nullement celle de la tierce personne mais celle de caractère familial consistant en un soutien psychologique et moral constant apporté par son entourage à la personne handicapée hébergée en établissement ; qu’il doit être retenu comme acquis, dès lors que par son erreur de droit l’administration n’a jamais défendu sur le terrain où elle devait le faire et ainsi empêché toute discussion contradictoire sur ce terrain, que, comme il est d’ailleurs parfaitement vraisemblable au vu de l’ensemble des éléments du dossier, Mme X... (comme M. X... père d’ailleurs) a (ont) apporté à M. Y... tant avant qu’après son entrée au foyer le soutien requis par la loi pour être déchargés de la récupération sur leur part de la succession de leur fils ;
    Considérant dès lors que ceux-ci doivent être ainsi déchargés à hauteur de 8 250 euros ;
    En ce qui concerne les conclusions de la requête tendant à la décharge de la somme litigieuse en ce qui concerne Mme R... née X... ;
    Considérant que si Mme R... n’est pas personnellement requérante les époux X... ont en première instance et plus nettement encore en appel entendu se pourvoir dans le dernier état de leurs conclusions également en son nom ; que s’ils n’étaient pas habilités à la représenter la demande et la requête n’ont pas été régularisées en pourvoyant à sa présentation par Mme R... elle-même ; que dans ces conditions, et sans qu’il y ait lieu à ce stade de la procédure, qui n’a déjà qu’assez duré, de rouvrir l’instruction, il y a lieu de considérer comme recevables les conclusions présentées pour Mme R..., née X... le 2 octobre 1970, considérée comme requérante en son nom propre dans la présente instance ;
    Considérant d’une part qu’il n’est ni établi ni même allégué que Mme R... ait apporté à son frère en complément ou en substitution des ses parents l’aide effective et constante requise par les dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles notamment durant l’hébergement de celui-ci au foyer V... (Calvados) ;
    Considérant d’autre part que les conditions alléguées dans lesquelles est décédé M. Y... au foyer V... de nature à engager, le cas échéant, devant la juridiction compétente la responsabilité de l’association gestionnaire du foyer V... ou du département du Calvados au titre des fautes commises dans l’exercice de leurs compétences de gestion et de contrôle de l’établissement sont en toute hypothèse sans incidence sur la suite à donner à la demande de récupération formulée par le président du conseil général du Calvados dans la présente instance ;
    Considérant par ailleurs qu’il résulte des dispositions législatives ci-dessus rappelées que la requérante n’est pas fondée à soutenir comme elle semble le faire essentiellement que dès lors qu’elle est en application des règles du droit civil héritière du défunt le département du Calvados ne saurait en toute hypothèse la priver des conséquences de cette qualité en pourvoyant à la récupération litigieuse qui constitue une dette d’un tiers venant grever l’actif net de la succession ;
    Considérant, toutefois, qu’il est demandé la déduction de la créance récupérée du montant afférent à l’érection d’une pierre tombale au lieu de sépulture de M. Y... ; que de tels frais sont, le cas échéant, susceptibles d’être déduits de l’actif net successoral récupérable ; qu’il n’est pas contesté qu’ils aient été ou qu’ils doivent être engagés ; que leur montant de 7 063 euros n’est pas contesté ; que toutefois n’est déductible de la part de la succession de Mme R... de 8 250 euros que la moitié de cette somme soit 3 531,50 euros ; qu’il suit de là que le montant de la récupération doit être ramené à 4 718,50 euros ;
    Considérant enfin qu’en l’absence de tout élément fourni sur la situation financière des époux R... et leurs charges il n’y a pas lieu à remise ou modération de la créance de l’aide sociale en ce qui concerne Mme R... ;

Décide

    Art. 1er.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre des époux X... à hauteur de leur part dans la succession de leur fils M. Y... de la somme de 8 250 euros.
    Art. 2.  -  Le montant de la récupération des prestations avancées par l’aide sociale à M. Y... à l’encontre de Mme R... est ramené à 4 718,50 euros.
    Art. 3.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale du Calvados du 12 janvier 2005 et de la commission d’admission à l’aide sociale de Z... du 11 juin 2004 sont réformées en ce quelles ont de contraire aux articles 1 et 2 ci-dessus.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 octobre 2007 où siégeaient M. Lévy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer