Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Aide effective et constante
 

Dossier no 070336

M. L...
Séance du 26 octobre 2007

Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date du 3 septembre 2006, la requête présentée par Mlle Bernadette L... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Morbihan du 16 juin 2006 de récupération sur succession par les moyens qu’elle demande que sa situation de tierce personne reconnue par la commission cantonale de Vannes du 21 février 2006 lui soit restituée ; que la charge effectuée de « façon effective et constante » par un tiers de la personne handicapée n’est pas celle nécessaire à l’accomplissement des actes essentiels de l’existence que l’allocation compensatrice pour tierce personne a pour objet de compenser ; qu’il s’agit de la charge affective, relationnelle et morale de la personne handicapée assumée de façon suffisamment intense et continue ; qu’elle se considère être tout à fait dans ce champ d’actions ; qu’elle souhaite donc être rétablie dans ses droits et que soient reconnus les efforts qui ont été les siens ; que son frère Jean-Pierre était un grand malade psychique et que malgré la distance qui les séparait, elle se rendait fréquemment à son domicile afin de lui venir en aide pour son bien être matériel et affectif ; que sa présence continuelle lui apportait une aide précieuse sur le plan moral et psychique ; qu’elle l’a accompagné tout au long de sa maladie (voir les courriers qu’il lui écrivait) dans le respect de sa personne car il avait sa dignité ; que sa présence et son écoute lui étaient d’un grand réconfort pour assumer sa vie au quotidien ; qu’il demandait difficilement de l’aide du personnel du CAT mais qu’il en était autrement de sa famille et d’elle en particulier ; que le directeur actuel pourrait en témoigner ; qu’elle cite plusieurs exemples ; qu’elle allait le voir lorsqu’il l’appelait pour lui apporter des antalgiques et antispasmodiques lors de maux de dents et d’estomac ; qu’elle lui préparait des potages moulinés le soir ; que lors de gastro-entérites elle lui préparait du riz ; qu’il la remerciait et en était heureux ; qu’elle lui faisait parfois le ménage ; qu’elle l’a aidé à emménager dans son nouvel appartement ; qu’elle le sortait (voir courrier adressé à M. H... le 10 janvier 2006) ; qu’ils se téléphonaient très souvent ; qu’étant aide-soignante c’était son métier mais qu’en ce qui concerne son frère, c’était son devoir d’être disponible et de lui venir en aide et ceci depuis le début de sa maladie ; qu’elle l’a toujours suivi ; qu’il lui a souvent dit qu’il avait de la chance d’avoir une telle sœur ; qu’elle sollicite par ailleurs la remise totale de la dette ; que son frère travaillait au CAT et percevait un salaire de 4 573,72 francs en janvier 1999 et probablement bien plus en 2005 ; qu’elle ne comprend pas qu’une telle dette puisse exister compte tenu des règlements effectués chaque mois par son frère pour son hébergement (voir attestation de l’ancien directeur du CAT du 16 novembre 2000) ; qu’elle adresse par ailleurs plusieurs copies de courriers adressés à Me Grandjean le 27 février 2006, à la commission départementale d’aide sociale le 24 avril 2006, à M. H... le 25 avril 2006, une attestation du directeur du CAT établie le 25 août 2006, une attestation de l’ancien directeur du CAT établie le 16 novembre 2000, une lettre blanche qui lui est adressée le 29 octobre 2005 intitulée chère sœur qui a pour elle beaucoup de valeur ainsi que beaucoup de courriers pouvant démontrer qu’elle a toujours été une sœur présente à ses côtés lors de sa maladie et jusqu’à son décès ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du Morbihan du 15 septembre 2006 tendant au rejet de la requête par les moyens que M. Jean-Pierre L... né le 20 septembre 1945 a bénéficié de l’aide sociale à l’hébergement du 1er janvier 1987 au 31 mars 2002 ; que la créance départementale s’élève à 116 508,91 euros ; qu’il a également bénéficié de la prise en charge de cotisations d’assurance volontaire d’un montant de 3 091,91 euros et de prise en charge par l’aide sociale de frais d’hospitalisation d’un montant de 230 euros ; que l’actif net successoral s’élève à 17 301,66 euros et n’est composé que de liquidités ; que M. Jean-Pierre L... laisse trois héritiers un frère et deux sœurs (Guy L... célibataire, Anne-Marie L..., épouse G... et Bernadette L..., célibataire) ; que les éléments fournis par Mlle L... avant la commission cantonale ainsi que les différents entretiens téléphoniques avaient conduit le service à proposer à la commission de considérer celle-ci comme tierce personne ; que la commission cantonale avait suivi cette proposition ; que lors du recours collectif des héritiers devant la commission départementale d’aide sociale, le département avait mis en évidence que la demande de reconnaissance en tant que tierce personne de Guy L... et Anne-Marie G... était un élément nouveau sur lequel la Commission cantonale n’avait pu se prononcer ; qu’il avait toutefois été précisé que si « par charge effective et constante », il n’y a pas lieu d’entendre la charge matérielle de la personne handicapée mais un engagement actif et continu auprès de la personne handicapée, voire affectif, cette notion ne doit pas être interprétée de façon extensive ; qu’ainsi les attestations fournies par M. Guy L... et Mme Anne-Marie G... illustrent des relations familiales normales et non un engagement actif et continu auprès de leur frère ; que la reconnaissance en tant que tierce personne de Mlle Bernadette L... n’avait alors pas été contestée ; qu’il laisse ainsi à la commission le soin d’apprécier la qualité de Mlle L... ;
        Vu le nouveau mémoire de Mlle Bernadette L... en date du 25 juin 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que sa sœur Anne-Marie G... était, lors du décès de leur frère dans un profond chagrin ayant perdu un fils de vingt-trois ans en 1992 ; que sous le coup du chagrin et après discussions entre frère et sœurs, ils ne comprenaient pas que leur frère, qui réglait toutes ses dettes, puisse avoir une aussi lourde créance, en connaissait-il l’existence ? ; qu’elle précise que lors de la procédure d’appel en commission départementale, elle avait fait le recours au nom de tous les héritiers en vue de l’annulation de la dette et elle pensait que sa qualité de tierce personne lui serait maintenue ; qu’il était par ailleurs normal que sa sœur et son frère fassent valoir leur qualité de tierce personne puisqu’ils n’avaient pas été avertis par courrier du passage en commission cantonale du dossier ; qu’ils n’ont donc pas eu la possibilité de s’exprimer par écrit lors de cette commission ; qu’ils étaient donc en droit de réagir face à l’incompréhension des administrations ;
    Vu le nouveau courrier du président du conseil général du Morbihan en date du 7 juin 2007 qui ne présente aucune observation complémentaire au mémoire déjà présenté en décembre 2006 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu la lettre du 26 juin 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 octobre 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que M. Jean-Pierre L..., l’assisté, avait de son vivant perçu des prestations d’aide sociale à l’hébergement des personnes handicapées, de prise en charge de cotisations d’assurance personnelle et de frais d’hospitalisation (aide médicale ?) ; qu’à son décès il laissait comme héritiers un frère et deux sœurs Mlle Bernadette L..., la requérante, M. Guy L... et Mme Anne-Marie G... ; que la commission d’admission à l’aide sociale de Vannes a le 20 février 2006 déchargé Mlle Bernadette L... de toute récupération non seulement en ce qui concerne les prestations d’hébergement mais également les deux autres prestations susprécisées à raison de l’aide effective et constante apportée par Mlle L... à son frère de son vivant ; que par demande du 24 (et non du 22 comme indiqué par la commission départementale d’aide sociale) avril  2006 Mlle L seule - et non conjointement - a formé recours auprès de la commission départementale d’aide sociale faisant valoir qu’il serait « plus humain et plus juste » que les troi  héritiers soient déchargés de toute récupération compte tenu de l’assistance prodiguée à leur frère non seulement par elle-même mais par M. L... et Mme G... ; que par la décision attaquée la commission départementale d’aide sociale du Morbihan qui n’était saisie d’aucun recours incident du président du conseil général du Morbihan tendant à remettre en cause ce qui avait été décidé par la commission d’admission à l’aide sociale de Vannes en ce qui concerne Mlle Bernadette L..., a néanmoins non seulement maintenu cette décision en ce qui concerne M. L... et Mme G... mais encore décidé de la récupération à hauteur de sa part successorale également à l’encontre de la demanderesse Mlle Bernadette L... en considérant que les trois héritiers faisaient « appel de la décision » mais qu’aucun « ne justifie de la qualité de tierce personne et même des visites régulières ne permettent pas de faire valoir la charge effective et constante de la personne handicapée » ;
    Considérant que cette décision était entachée d’une double erreur de droit en ce que d’une part elle statuait à l’encontre du bénéficiaire de la décision administrative attaquée non remise en cause par l’administration, d’autre part pour les trois intéressés elle assimilait prioritairement l’aide effective et constante prévue à l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles à la seule dispense de l’assistance d’une tierce personne ;
    Considérant que seule Mlle Bernadette L... fait appel ; qu’ainsi et en toute état de cause la décision de la commission d’admission à l’aide sociale n’est plus susceptible d’être mise en cause en ce qui concerne M. L... et M. G... que si en effet Mlle L... maintient sa demande de décharge de la récupération pour son frère et sa sœur elle n’est pas recevable à le faire à l’appui d’une requête d’appel qu’elle effectue pour elle-même et alors, en tout état de cause, que comme il a été dit ses conclusions devant les premiers juges étaient présentées uniquement en son nom personnel et ne pouvaient être regardées comme l’étant au nom de M. Guy L... et de Mme Anne-Marie G... qui n’ont en réalité jamais contesté devant les juridictions de premier degré comme d’appel, qui n’avaient pas à les mettre en cause dans les circonstances de l’espèce alors qu’ils ne pouvaient en toute hypothèse être représentés par Mlle Bernadette L..., leur obligation de pourvoir à hauteur de leur quote-part dans la succession à la récupération litigieuse ;
    Considérant, toutefois, que devant le juge d’appel Mlle Bernadette L... conteste également l’obligation mise à sa charge en faisant valoir qu’elle a effectivement apporté à son frère avant et pendant son placement en foyer l’aide effective et constante consistant en un soutien psychologique et moral matérialisé par des visites, des séjours au domicile, des attentions diverses d’intensité telle que les conditions de la loi peuvent être regardées comme réunies ; qu’une telle intensité est clairement avérée en l’espèce et que d’ailleurs le président du conseil général du Morbihan ne le conteste pas ; qu’au contraire ses services avaient bien proposé, par une application exacte de la jurisprudence contraire à celle inexacte du premier juge, de reconnaître la requérante comme « tierce personne » (sic) ; qu’il résulte de l’instruction que c’est à bon droit, en tout état de cause, en se saisissant d’ailleurs, ainsi qu’il a été dit, d’une question qui ne lui était pas soumise, qu’ils avaient pris cette position et que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale a infirmé en ce qui concerne la requérante la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vannes ; qu’il y a lieu en conséquence de l’annuler dans cette mesure et de rétablir Mlle Bernadette L... dans ses droits ;

Décide

    Art. 1er  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Morbihan du 16 juin 2006 est annulée en tant qu’elle concerne Mlle Bernadette L... pour laquelle s’applique la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Vannes du 21 février 2006 la déchargeant de toute récupération à raison de la succession de M. Jean-Pierre L....
    Art. 2  -  Le surplus des conclusions de Mlle Bernadette L... devant la commission départementale d’aide sociale du Morbihan et la commission centrale d’aide sociale est rejeté.
    Art. 3  -  Le président du conseil général du Morbihan est fondé à récupérer les prestations avancées par l’aide sociale à l’encontre de M. Guy L... et de Mme Anne-Marie G... dans la limite de leurs parts respectives dans l’actif net de la succession de M.  Jean-Pierre L....
    Art. 4  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 octobre 2007 où siégeaient M. Levy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer