Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours - Service d’accompagnement et de suite - Compétence
 

Dossier no 071592

M. V...
Séance du 11 avril 2008

Décision lue en séance publique le 9 juin 2008

        Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date du 24 septembre 2007, la requête présentée par le Président du conseil général de la Vienne tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale déterminer la collectivité qui doit prendre en charge les frais d’accompagnement au service de suite du centre d’aide par le travail de M. V... par les moyens que celui-ci est accueilli au service de suite du CAT depuis le 16 octobre 2000 ; qu’avant son admission son domicile de secours était en Charente ; que le département de la Charente a admis M. V... pour une période de 3 mois du 16 octobre 2000 au 13 janvier 2001 pour son accueil, puis a transmis le dossier au département de la Vienne ; que par courrier du 26 février 2001 le département de la Vienne a confirmé au département de la Charente le maintien du domicile de secours de M. V... en Charente et a donc refusé de prendre en charge les frais de séjour de l’intéressé ; que depuis ce jour, malgré de nombreux échanges entre les deux départements, aucun accord n’a pu être trouvé ; qu’étant originaire de la Charente, M. V... est né et relevait de ce département avant son admission au service de suite du CAT ; qu’il n’a quitté ce département que pour intégrer un établissement qui répondait à la spécificité de son handicap (sourd aveugle) ; que le CAT est en effet un des rares établissements au niveau national à accueillir des adultes handicapés présentant ce type de handicap ; que par conséquent M. V... s’est absenté de son domicile de secours en Charente du fait de la spécificité de son handicap excluant ainsi toute liberté de choix de son lieu de séjour ; que le délai de trois mois ne peut commencer à courir M. V... présentant toujours les difficultés liées à son handicap (art. L. 122-3 du code de l’action sociale et des familles) ; que de plus la loi du 2 janvier 2002 prévoit que les établissements et services accueillants des personnes handicapées sont des établissements médicaux-sociaux, donc non acquisitifs de domicile de secours ; qu’au vu de ces éléments, M. V... ne semble pas relever d’une prise en charge du département de la Vienne ;
        Vu le courrier du 20 septembre 2007 du Président du conseil général de la Vienne qui transmet des pièces justificatives ;
        Vu le nouveau mémoire du président du conseil général de la Vienne en date du 16 novembre 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
        Vu la décision attaquée ;
        Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
        Vu le code de l’action sociale et des familles ;
        Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
        Vu la lettre du 21 décembre 2007 invitant les parties à se présenter à l’audience ;
        Après avoir entendu à l’audience publique du 11 avril 2008, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que selon les seuls éléments soumis à la commission centrale d’aide sociale par le président du conseil général de la Vienne, le président du conseil général de la Charente n’ayant pas produit en défense, M. V... est admis en centre d’aide par le travail ; qu’il réside dans un logement indépendant dont le dossier ne permet pas d’établir qu’il n’est pas un logement ordinaire ; qu’ainsi ce logement sera tenu comme tel ; qu’il bénéficie de la supervision d’un « service de suite » (égal SAVSA dans la situation issue de la loi du 2 janvier 2002) dépendant du centre d’aide par le travail et non d’un foyer ; que le 13 septembre 2004 le directeur du centre d’aide par le travail expose que « l’arrêt de l’accompagnement éducatif dans le cadre du service de suite obligerait (M. V...) à intégrer le foyer d’hébergement, ce qui ne correspond pas à sa demande ni à ses capacités actuelles » ; qu’il apparait également du dossier, alors que le litige était pendant entre les deux départements sans saisine de la commission centrale d’aide sociale avant le 13 septembre 2007 et que la trésorerie de l’établissement supporte les frais, que, sauf s’ils sont en fait pris en charge au titre des déficits des années N + de manière d’ailleurs anormale en imputant à l’ensemble des départements d’imputation financière des dépenses de tous les résidents la charge afférente pour un seul d’entre eux à un seul département, il appartiendrait au gestionnaire de l’établissement de rechercher la réparation d’un éventuel préjudice subi du fait d’une telle situation en recherchant la responsabilité de la collectivité en charge de la dépense ;
        Considérant qu’un service de suite d’un centre d’aide par le travail n’est pas un établissement d’hébergement ; qu’un centre d’aide par le travail ne l’est d’ailleurs pas davantage ; que seul l’est un foyer en internat ; que l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ne met à charge des collectivités d’aide sociale que les frais d’hébergement et d’entretien ; qu’en toute hypothèse l’article R. 314-140 applicable aux foyers et qui met à charge des tarifs dans ces établissements « les frais d’accompagnement à la vie sociale » est sans application en l’espèce ;
        Considérant que la loi du 2 janvier 2002 a soumis à autorisation au titre de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles non plus seulement les établissements mais également les services notamment pour adultes handicapés du type, sans doute, de celui de l’espèce ; mais que nonobstant le 5 du VIII de l’article L. 314-105 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction en vigueur, l’article L. 344-5 dudit code ne prévoit toujours la prise en charge que des frais « d’hébergement et d’entretien » dans les établissements ; qu’ainsi ces services doivent toujours être tenus comme relevant de l’aide sociale facultative ; que la charge des frais qu’ils génèrent est, compte tenu de la convention liant le gestionnaire du service au département qui en a autorisé le fonctionnement, au département d’implantation du service et/ou à celui de résidence de la personne bénéficiant de son intervention ; qu’en l’espèce la charge des frais d’intervention du service de suite du centre d’aide par le travail est au département de la Vienne ;
        Considérant d’ailleurs, à supposer non fondée l’analyse qui précède conforme à une jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale datant du début de la présente décennie qui n’a pas encore été soumise à l’examen du juge de cassation, que si les frais de la sorte relevaient de l’aide sociale légale, la charge n’en serait pas davantage au département de la Charente où M. V... avait un domicile de secours qu’il a perdu après trois mois passés hors du département de la Charente dans le département de la Vienne dans une structure dont aucune pièce du dossier ne révèle, comme il a été dit, qu’il s’agisse d’un établissement social avec hébergement ;
        Considérant en effet qu’à supposer qu’un tel cadre juridique eut été applicable en l’espèce en premier lieu le domicile de secours s’acquiert dans le département d’implantation d’un centre d’aide par le travail sans hébergement nonobstant l’intervention d’un « service de suite » d’un tel centre en supervision d’une personne handicapée résidant non dans un foyer d’hébergement mais dans un logement ordinaire ce qu’est, comme il a été dit, la situation de M. V... au vu du dossier ; qu’ainsi trois mois après avoir quitté le département de la Charente où il avait antérieurement son domicile de secours M. V... aurait acquis ce domicile dans le département de la Vienne dès lors que le dossier ne révèle pas que le séjour dans ledit département ait été établi dans un établissement sanitaire ou social au sens susprécisé ;
        Considérant en deuxième lieu que la circonstance que le centre d’aide par le travail de la (Vienne) accueille des personnes atteintes de handicaps rares dont les schémas d’implantation applicables prévoient la localisation en fonction des besoins régionaux, interrégionaux ou nationaux et non en fonction des besoins départementaux demeure sans incidence sur la situation juridique au regard du droit de l’aide sociale qui procède de la situation de fait ci-dessus décrite et sur l’imputation financière des dépenses qui s’en déduit dès lors que même s’il s’agit d’un établissement pour personnes atteintes de « handicap rare » (M. V... est sourd-aveugle) il n’en demeure pas moins qu’un centre d’aide par le travail n’est pas un établissement d’hébergement et qu’un service de suite (assimilé - voire non assimilé - à un SAVSA) n’est pas un établissement mais un service et qu’une personne atteinte d’un « handicap rare » n’en acquiert pas moins son domicile de secours dans le département de l’établissement où elle travaille dans un centre d’aide par le travail et où elle réside, même suivie par le service, dans un logement qui ne fait pas partie d’un foyer d’hébergement, en internat autorisé au titre de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles (ce qui n’est en aucun cas soutenu ou ne ressort du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale) ; qu’ainsi la circonstance que le centre d’aide par le travail accueille des personnes atteintes de « handicaps rares » et que sa desserte ne soit pas départementale mais régionale voire nationale est bien sans incidence sur la situation de l’espèce ;
        Considérant en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient le Président du conseil général de la Vienne, le fait qu’en raison de son handicap M. V... ait été amené à changer sa résidence pour pouvoir être accueilli dans un établissement pour « handicaps rares » ne constitue pas une situation extérieure à la personne handicapée qui permette de tenir comme exclusif de toute liberté de choix le changement de résidence, généré par la prise en charge de l’espèce au centre d’aide par le travail de « La Chaume », au sens de l’article L. 122-3 dernier alinéa, qui exclut la perte de domicile de secours lorsque l’absence d’un département « résulte de circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour », une telle exclusion ne pouvant être opposée, comme il vient d’être dit, lorsque les circonstances qui imposent le changement de résidence procèdent du handicap même de la personne concernée ce qui, comme il vient également d’être dit, est le cas de l’espèce ;
        Considérant enfin que le Président du conseil général de la Vienne expose que « la loi du 2 janvier 2002 prévoit que les établissements et services accueillants (sic) des personnes handicapées sont des établissements médico-sociaux donc non acquisitifs de domicile de secours » ; que la loi du 2 janvier 2002 n’a pas eu pour objet et n’a pu avoir, d’ailleurs, sémantiquement pour effet de qualifier d’établissements des services comme celui de l’espèce et que si le législateur a étendu l’autorisation de l’article L. 312-1 des établissement aux services il n’a pas pu qualifier des services comme des établissements, d’autant qu’en toute hypothèse à supposer même, comme il a été dit, qu’une telle assimilation eut dû être admise et qu’il y ait eu lieu en conséquence d’appliquer comme il vient d’être fait subsidiairement les règles de l’aide sociale légale M. V... n’en aurait pas moins été pris en charge dans le département de la Vienne par un centre d’aide par le travail et un service de suite d’un tel centre et qu’une telle prise en charge n’aurait pu être considérée au titre des règles de l’aide sociale légale comme une prise en charge en établissement d’hébergement seule de nature à faire obstacle à l’acquisition du domicile de secours dans un département ;
        Considérant ainsi qu’il y ait lieu de se placer comme le fait la présente commission dans le cadre des règles de l’aide sociale facultative ou qu’il y eut eu lieu, au contraire, de se placer dans celui des règles de l’aide sociale légale, que la requête du Président du conseil général de la Vienne ne peut être ou n’aurait pu être que rejetée ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du président du conseil général de la Vienne est rejetée.
    Art. 2.  -  Les frais d’intervention du « service de suite » du centre d’aide par le travail de « La Chaume » auprès de M. V... sont à charge du département de la Vienne pour la période litigieuse courant du 13 janvier 2001.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée par les soins du secrétariat de la commission centrale d’aide sociale au président du conseil général de la Vienne, au président du conseil général de la Charente et au directeur du centre d’aide par le travail « La Chaume ».
        Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 11 avril 2008 où siégeaient M. Levy, président, Mme Le Meur, assesseure, et Mlle Erdmann, rapporteure.
        Décision lue en séance publique le 9 juin 2008.
        La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer