Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Régime non salariés - Ressources
 

Dossier no 061389

M. P...
Séance du 25 mars 2008

Décision lue en séance publique le 21 avril 2008

        Vu la requête, enregistrée le 25 août 2006 au secrétariat de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Vaucluse, présentée par le président du conseil général de Vaucluse ; le président du conseil général demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 9 mai 2006 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse, à la demande de M. P..., a annulé sa décision du 27 mai 2005 mettant fin, à compter du 1er septembre 2005, à la dérogation dont ce dernier bénéficiait au titre de l’article R. 262-16 du code de l’action sociale et des familles, et a renouvelé cette dérogation pour une durée d’un an ;
        Le président du conseil général soutient que la commission départementale d’aide sociale a entaché sa décision d’irrégularité en se référant aux dispositions de l’article R. 262-12 du code de l’action sociale et des familles, alors qu’elles n’en sont pas la base légale ; qu’elle a méconnu l’étendue de sa compétence en prononçant elle-même le renouvellement de la dérogation, alors qu’elle devait se borner à contrôler la légalité de la décision contestée du président du conseil général ; que pour décider de pas renouveler la dérogation, il a fait une exacte application des dispositions réglementaires qui l’encadrent en recherchant si la situation de M. P... présentait le caractère exceptionnel qui justifie qu’elle soit accordée, et il a porté une juste appréciation sur les circonstances de l’espèce, dès lors que l’activité non salariée pour laquelle M. P... avait obtenu la dérogation se révélait déficitaire depuis plusieurs années, sans présenter de perspectives de rentabilité, et ne pouvait être regardée comme un projet d’insertion justifiant l’examen, à titre exceptionnel, des droits de l’intéressé au revenu minimum d’insertion ; qu’au demeurant, le contrat d’insertion établi avec M. P... sur le fondement de cette activité n’avait pas été renouvelé ;
        Vu la décision attaquée ;
        Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2006, présenté par M. P..., qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les difficultés financières alléguées par le président du conseil général pour motiver l’absence de renouvellement de la dérogation ne sont pas établies et, à supposer qu’elles existent, ne sont pas de son fait compte tenu de l’absence de suivi de son exploitation par les organismes en charge de l’insertion ; que sa situation est exceptionnelle dès lors qu’en raison des investissements requis par son exploitation, il n’a pu opter pour un régime d’imposition qui lui ouvre droit au revenu minimum d’insertion sans qu’il soit besoin de dérogation ; qu’une telle situation ne peut être assimilée à celle où l’absence de revenu procède des difficultés financières d’une société, dès lors qu’il n’exerce pas son activité sous cette forme juridique ;
        Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
        Vu le code de l’action sociale et des familles ;
        Vu le décret no 88-1111 du 12 décembre 1988 ;
        Vu la lettre en date du 19 octobre 2006 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
        Après avoir entendu à l’audience publique du 25 mars 2008 M. Philippe Ranquet, rapporteur, et M. P..., intimé, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
        Sur la régularité de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Vaucluse :
        Considérant, en premier lieu, qu’il résulte clairement des énonciations de la décision attaquée que la commission départementale d’aide sociale a entendu la fonder sur les dispositions du code de l’action sociale et des familles régissant le droit au revenu minimum d’insertion des personnes non salariées des professions agricoles ; que si elle fait pour cela référence à l’article R. 262-12 de ce code, qui ne porte pas sur ce point, cette erreur de plume ne saurait être regardée, dans ces circonstances et contrairement à ce que soutient le président du conseil général, comme constituant un défaut de motivation ;
        Considérant, en second lieu, que les juridictions de l’aide sociale statuent comme juges de plein contentieux sur les demandes dirigées contre les décisions relatives au revenu minimum d’insertion ; qu’il leur appartient dès lors, non seulement d’apprécier la légalité de ces décisions, mais aussi, dans la mesure où l’état du dossier le leur permet, de se prononcer elles-mêmes sur les droits des intéressés et de substituer leur propre décision à la décision attaquée ; que dans ces conditions, c’est sans méconnaître son office que la commission départementale d’aide sociale, après avoir annulé la décision du président du conseil général refusant le renouvellement de la dérogation dont bénéficiait M. P..., a elle-même prononcé ce renouvellement ;
        Au fond :
        Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 262-14 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes non salariées des professions agricoles répondant aux conditions fixées par l’article L. 262-1 peuvent prétendre au bénéfice de l’allocation de revenu minimum d’insertion lorsqu’elles sont soumises au régime prévu aux articles 64 et 76 du code général des impôts et qu’elles mettent en valeur une exploitation pour laquelle le dernier bénéfice agricole forfaitaire connu n’excède pas douze fois le montant du revenu minimum d’insertion de base fixé pour un allocataire » ; qu’aux termes de l’article R. 262-16 du même code : « Lorsque les conditions fixées aux articles R. 262-14 et R. 262-15 ne sont pas satisfaites, le président du conseil général peut, à titre dérogatoire et pour tenir compte de situations exceptionnelles, décider que les droits de l’intéressé à l’allocation de revenu minimum d’insertion seront examinés » ;
        Considérant que M. P..., qui venait alors de créer une exploitation agricole et n’était pas soumis au régime d’imposition prévu aux articles 64 et 76 du code général des impôts, s’est vu accorder par le préfet de Vaucluse, par une décision du 15 novembre 2002, la dérogation alors prévue à l’article 16 du décret du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du revenu minimum d’insertion, codifié depuis à l’article R. 262-16 précité du code de l’action sociale et des familles, et a en conséquence vu ses droits au revenu minimum d’insertion examinés et ouverts compte tenu de ses ressources ; que par une décision du 27 septembre 2004, le président du conseil général de Vaucluse a renouvelé cette dérogation ; que toutefois, par une décision du 27 mai 2005, le président du conseil général a mis fin à cette dérogation à compter du 1er septembre 2005 ;
        Considérant qu’il résulte de l’instruction que la dérogation a été accordée à M. P... afin de l’encourager dans son projet d’insertion par la création d’une exploitation d’agriculture biologique sur un terrain en friche ; que si le résultat de cette exploitation est resté déficitaire jusqu’à la date de la décision litigieuse du président du conseil général, ce seul fait, eu égard à l’importance des investissements initiaux inhérents au projet, ne permet pas d’estimer que l’exploitation ne présente aucune perspective de rentabilité dans un avenir raisonnablement proche, d’autant plus que son développement a été retardé par des accidents conjoncturels tels la sécheresse de 2003 et une mortalité anormale dans les ruches en 2004 ; qu’ainsi, la situation de M. P... conservait à cette date le caractère exceptionnel qui avait motivé la dérogation permettant que le président du conseil général examine ses droits au revenu minimum d’insertion et justifiait qu’elle soit prolongée au moins un an à compter du 1er septembre 2005 ;
        Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que le président du conseil général de Vaucluse n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale a annulé sa décision du 27 mai 2005 mettant fin à la dérogation accordée à M. P...,

Décide

        Art. 1er. - La requête du président du conseil général de Vaucluse est rejetée.
        Art. 2. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
        Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 mars 2008 où siégeaient Mme Hackett, présidente, M. Vieu, assesseur, M. Ranquet, rapporteur.
        Décision lue en séance publique le 21 avril 2008.
        La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer