Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3420
 
  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : ASPH - Placement - Prise en charge - Date d’effet
 

Dossiers nos 071576 et 071576 bis

Mlle B...
Séance du 11 avril 2008

Décision lue en séance publique le 9 juin 2008

        Vu enregistrées au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date des 16 et 17 août 2007, les requêtes présentées par 1) le directeur de la maison de retraite spécialisée « Les Cigales » à Mirabel - 30170 Pompignan 2) Mme M... tutrice de Mlle B... tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier du 26 juin 2007 de refus de prise en charge des frais d’hébergement en maison de retraite ;
        M. le directeur de la maison de retraite spécialisée soutient que durant la période du 1er octobre 2005 au 6 novembre 2006 Mlle B... n’a reçu aucune allocation ou pension de quelque ordre que ce soit et a pourtant été accueillie et hébergée à la maison de retraite du Centre ; que si effectivement une erreur a pu être commise dans l’élaboration des demandes, il n’en reste pas moins vrai que durant cette période, les frais d’hébergement relatifs à l’accueil de Mlle B... ont été réalisés pour un montant total de 28 391,72 euros ; que dès lors, il sollicite que l’on tienne compte de leur première demande de prise en charge à compter du 1er octobre 2005 ou, à défaut, permettre le maintien de l’allocation adulte handicapée du 1er octobre 2005 au 6 novembre 2007 jusqu’avant son admission en maison de retraite où Mlle B... était résidente au foyer occupationnel du Centre ; qu’il se permet d’insister sur les conséquences de cette prise en charge tant pour l’intéressée que pour l’établissement puisque celui-ci subit une perte qui a nécessairement un impact sur son bon fonctionnement et sur la qualité du service rendu ;
        Mme M... tutrice de Mlle B... soutient que de concert avec l’établissement qui l’accueille depuis 1952, elle souhaite apporter son témoignage ; que durant la période du 1er octobre 2005 au 6 novembre 2006 (date à laquelle l’établissement a reçu l’assurance de percevoir l’aide sociale versée par le département du Gard) ; que Mlle B... n’a reçu aucune allocation tout en étant accueillie et hébergée à la maison de retraite du Centre ; que si effectivement une erreur a pu être commise dans l’élaboration des demandes, il n’en reste pas moins vrai que durant cette période, les frais d’hébergement relatifs à l’accueil de Mlle B... ont été réalisés pour un montant total de 28 391,72 euros ; que dès lors, elle sollicite que l’on tienne compte de leur première demande de prise en charge à compter du 1er octobre 2005 ou, à défaut, permettre le maintien de l’allocation adulte handicapée du 1er octobre 2005 au 6 novembre 2007 jusqu’avant son admission en maison de retraite où Mlle B... était résidente au foyer occupationnel du centre ; qu’elle se permet d’insister sur les conséquences de cette prise en charge tant pour l’intéressée que pour l’établissement puisque celui-ci subit une perte qui a nécessairement un impact sur son bon fonctionnement et sur la qualité du service rendu ;
        Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Allier en date du 19 octobre 2007 qui conclut au rejet de la requête par les motifs que Mlle B... (DS Valigny) a déposé une demande d’aide sociale auprès du département de l’Allier le 7 novembre 2006 pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite de centre à compter du 1er octobre 2005 ; que par arrêté du 20 décembre 2006, la demande n’a été déclarée recevable qu’à compter du 7 novembre 2006, date de son dépôt ; que l’article R. 131-2 (131-1 en 2006) du code de l’action sociale et familles dispose que : « La décision d’attribution de l’aide sociale peut prendre effet à compter du jour d’entrée dans l’établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour ; que ce délai peut être prolongée une fois dans la limite de deux mois » ; que conformément à ce texte, la demande d’aide sociale de Mlle B... déposée le 7 novembre 2006 soit 13 mois à compter du 1er octobre 2005 est manifestement hors délais légaux et ne peut donc être recevable qu’à compter du 7 novembre 2006 ; qu’il est à noter que Mme M... tutrice de Mlle B... n’a pas fait appel de l’arrêté de recevabilité ; que de ce fait, le recours en commission centrale doit être regardé comme irrecevable ;
        Vu le nouveau mémoire de Mme M... en date du 11 novembre 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que dès octobre 2003 elle avait rappelé à la femme du directeur de l’établissement que sa protégée aurait 60 ans en septembre 2004 en lui demandant de lui préciser les modalités de demande de retraite ; que l’épouse du directeur lui avait alors confirmé qu’elle prenait en charge la mise en œuvre du dispositif ; que sur ses conseils elle a toutefois adressé le 16 décembre 2003 une demande de relevé trimestriel nécessaire pour justifier le dépôt du dossier auprès de la Caisse des dépôts et consignations ; que dès sa réception elle l’a adressé au centre le 17 janvier 2004 en vue de procéder à la demande de pension de vieillesse ; que malheureusement rien n’a été fait ; que l’AAH avait été directement versée à l’établissement jusqu’à fin septembre 2005 ; que la tutelle ne disposait d’aucune information sur les modalités de prise en charge de l’hébergement ; que le dossier à constituer venant du conseil général de l’Allier lui a été transmis par l’établissement le 7 novembre 2006 ; qu’elle l’a retourné à l’établissement le 26 novembre 2006 ; que l’arrêté du 20 décembre 2006 du conseil général de l’Allier déclarant la recevabilité de la demande d’aide sociale lui a été notifiée le 22 décembre 2006 ; qu’elle a certes entrepris avec retard les démarches nécessaires mais que rien n’est réglé ; que le président du conseil général de l’Allier s’appuie sur les textes de loi ; que, dès lors, sa conscience et celle de ses services sont tranquilles ; qu’elle se questionne cependant sur le nombre d’intervenants CRAM, CRAV, conseil général qui n’ont établi aucune liaison entre eux alors qu’il s’agit d’une seule personne lourdement handicapée ; que le droit est certes respecté, mais où est le respect de la personne ? que n’étant ni tutrice professionnelle, ni formée, elle assure cette charge avec ses activités professionnelles (à plein temps) en même temps que celle de mère de famille ayant un parent âgé en voie de sénilité à charge ; qu’elle n’est ni plus experte dans les domaines sociaux et qu’elle se demande comment procèdent ceux et celles qui n’ont pas les moyens de s’offrir une « tutelle » de métier ; que compte tenu de l’inanité de vouloir se battre contre les textes de loi et contre les structures administratives sûres de leur bon droit, elle refuse de donner une suite quelconque au recours dont elle nous a saisi le 15 août et dont seul, l’établissement d’accueil est victime ;
        Vu le nouveau mémoire de Mme M... en date du 16 décembre 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que ces nouveaux écrits ne remettent pas en cause sa décision de ne pas donner suite à ce recours ; qu’elle souhaite apporter quelques observations pour éclairer la commission ; que le conseil général écrit qu’elle n’a pas fait appel de l’arrêté de recevabilité ; que c’est parfaitement exact ; que les arguments développés lui ont semblé indiscutables puisque les dispositions légales sont incontournables et que la réunion de la commission avait lieu à un moment où elle n’avait pas la possibilité de s’y rendre ; qu’elle n’a donc pas fait appel dudit arrêté ; que quand dans les paragraphes 8 et 9 du mémoire le conseil général écrit que la tutrice a « délégué » ses missions à l’établissement et qu’elle n’a pas fait les démarches nécessaires » elle s’insurge ; que la « délégation » à l’établissement reposait sur une relation très ancienne Mlle B... y était pensionnaire depuis 1952 et l’intégralité des missions incombant à la tutelle précédente (sa mère) a toujours été assurée sans aucune difficulté ; qu’il n’est peut être pas utile de rappeler « qu’un tiers » n’était pas forcément bien vu par l’établissement lorsqu’il manifestait quelque curiosité ; que dans le paragraphe 9 du même mémoire le conseil général précise insidieusement que le compte rendu de la gestion 2006 de Jacqueline faisait apparaître une « rémunération pour la gestion de la tutelle ; que cette assertion est irrecevable, voire insultante car les 400 euros en cause comme précisés par le TGI de Melun représentent le remboursement partiel des frais directs que supporte la tutelle (frais de timbre de plus en plus importants, déplacement lié à une rencontre à Pompignan avec la nouvelle direction en octobre 2006 (nuit d’hôtel et repas) ; que si l’idée d’une rémunération ne lui est jamais venue à l’esprit la réalité des coûts directs liés à la tutelle devrait inclure au minimum les frais de téléphone (qui deviennent prohibitifs) sans compter le temps pris aux dépens d’autres activités ; qu’elle est aujourd’hui convaincue que rien ne s’oppose juridiquement aux arguments juridiques retenus par le conseil général ; qu’elle ose cependant penser que plutôt que de chercher à « se défendre » en accusant tel ou tel partenaire, il serait indispensable, voire prioritaire de tenter de résoudre le problème humain ; que des erreurs ont été commises dont les conséquences affectent gravement un établissement social dont la vocation n’est pas par nature de faire des bénéfices ; que comme tutrice elle assume son inconséquence tout en relativisant ; que les autres partenaires devraient en faire autant ; que comment le conseil général qui assure la prise en charge de Jacqueline depuis 1952 peut il ne pas reconnaître qu’une personne handicapée profonde dont il assure les frais d’hébergement depuis si longtemps est demeurée la même pensionnaire dans le même établissement sans discontinuité et que le passage du statut d’handicapée à celui de retraitée n’a généré aucune économie ni aucun surcoût pour l’établissement ; que ce point devrait mériter toute l’attention des travaux de cette commission ; que derrière la mission de service public qui concerne tous et chacun des partenaires de ce dossier, se cache une réalité humaine ; que rechercher des coupables permet de se laver les mains ; mais que trouver une solution particulière à un problème particulier nécessite intelligence et altruisme ; qu’elle persiste dans sa position de non recours, car la tutelle n’a rien à perdre ou à gagner dans cette affaire ; que le conflit s’achève « aux torts de tel ou tel » l’indiffère totalement ; que reconnaître que la continuité de la personne (sa permanence) est beaucoup plus importante que le respect de textes anonymes et aveugles prévus pour des situations classiques ; que laisser l’établissement se débattre dans les affres d’une gestion difficile quel qu’en soit le « fautif » serait avouer un déni de compétence ;
        Vu la décision attaquée ;
        Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
        Vu le code de l’action sociale et des familles ;
        Vu la lettre du 20 décembre 2007 invitant les parties à se présenter à l’audience ;
        Après avoir entendu à l’audience publique du 11 avril 2008, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
        Considérant que les deux requêtes susvisées de Mme M... tutrice de Mme B... et du directeur de la maison de retraite sont dirigées contre une même décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
        Considérant que par mémoire enregistré le 15 novembre 2007 Mme M... se désiste des conclusions de sa requête ; que quel que soit le contexte, qu’elle rappelle, dans lequel il intervient ce désistement ne peut qu’être regardé comme pur et simple et que rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte ;
        Sur la requête du directeur de la maison de retraite-foyer ;
        Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen ;
        Considérant qu’aux termes de l’article L. 131-4 du code de l’action sociale et des familles : « Les décisions attribuant une aide sous la forme d’une prise en charge de frais d’hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire » ; qu’à ceux de l’article 18 du décret 11 juin 1954 aujourd’hui codifié à l’article R. 131-2 : « pour la prise en charge des frais d’hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale (...) la décision d’attribution de l’aide sociale peut prendre effet à compter du jour d’entrée dans l’établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil général ou le préfet » ;
        Considérant que si en vertu de ces dispositions combinées la prise en charge des frais d’hébergement au titre de l’aide sociale peut prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans les deux mois après cette date, période éventuellement renouvelée pour une même durée, lesdites dispositions ne sont pas applicables lorsqu’antérieurement à l’entrée dans l’établissement l’intéressé bénéficiait déjà et à un même titre de l’aide sociale ;
    Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que Mlle B... était prise en charge depuis une cinquantaine d’années au « foyer-occupationnel » de l’établissement lorsqu’à 60 ans elle est passée à la maison de retraite du même établissement en continuant selon toute vraisemblance, même si le dossier ne permet pas de l’affirmer, à bénéficier de l’aide sociale dans les conditions antérieures à ce passage ; qu’au départ elle avait été prise en charge en hospice et qu’il y a lieu donc de présumer qu’après la loi du 11 février 2005 elle avait continué à bénéficier avant 60 ans de l’admission au foyer ; qu’il s’ensuit que si les deux structures - foyer et maison de retraite « spécialisée » - bien que situées matériellement dans le même établissement relèvent en principe de deux formes d’aide sociale à l’hébergement, l’une des personnes handicapées et l’autre des personnes âgées, il n’en reste pas moins que la poursuite du séjour de l’assistée dans la section maison de retraite s’effectue depuis l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 dans les mêmes conditions que la prise en charge antérieure au titre de l’aide aux personnes handicapées et que dans ces conditions la poursuite du séjour à la maison de retraite spécialisée après la fin de l’admission en foyer peut être regardée comme la continuation d’une aide dont l’intéressée bénéficiait déjà antérieurement au même titre ; que l’article L. 344-5-1 applicable à la date de l’admission dispose : « Toute personne handicapée qui a été accueillie dans un des établissements ou services mentionnés au 7o du I de l’article L. 312-1 bénéficie des dispositions de l’article L. 344-5 lorsqu’elle est hébergée dans un des établissements ou services mentionnés au 6o du I de l’article L. 312-1 du présent code (...) » (maison de retraite) ; qu’il s’ensuit bien que c’est effectivement de la poursuite d’une même forme d’aide que Mlle B... bénéficie après son passage du foyer à la maison de retraite spécialisée sans qu’il puisse être établi une solution de continuité juridique quant à la succession des deux placements qui s’inscrivent dans une même continuité matérielle et juridique du séjour dans un même établissement et relevaient ainsi d’une même aide accordée sur l’ensemble de la période « au même titre » ;
        Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le directeur de l’établissement requérant est fondé à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a rejeté la demande dont elle était saisie,

Décide

        Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier du 26 juin 2007 et la décision du président du conseil général de l’Allier du 20 décembre 2006 sont annulées.
        Art. 2. - Mlle B... est admise à l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite spécialisée à compter du 1er octobre 2005.
        Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
        Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 11 avril 2008 où siégeaient M. Levy, président, Mme Le Meur, assesseure, et Mlle Erdmann, rapporteure.
        Décision lue en séance publique le 9 juin 2008.
        La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer