Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Etrangers
 

Dossier n° 070560

M. T...
Séance du 1er juillet 2008

Décision lue en séance publique le 7 juillet 2008

    Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2007 au secrétariat de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Manche, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 13 avril, 21 mai et 10 juillet 2007 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présentés par M. T..., demeurant à C... ; M. T... demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 15 novembre 2006 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Manche a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général de la Manche du 31 août 2006 lui refusant le droit au revenu minimum d’insertion ;
    Le requérant soutient qu’étant demandeur d’emploi sans ressources, il a droit au revenu minimum d’insertion ; que la circonstance qu’il rembourse un emprunt immobilier ne démontre pas qu’il dispose de ressources supérieures au plafond, dès lors qu’il n’y parvient que grâce à l’aide de sa famille ; qu’en rejetant sa demande, le président du conseil général méconnaît les droits qui lui sont garantis en tant que citoyen de l’Union européenne et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2008, présenté par le président du conseil général de la Manche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le requérant ne remplit pas les conditions posées par le décret no 94-211 du 11 mars 1994 pour justifier d’un droit au séjour, et ne peut par suite bénéficier du revenu minimum d’insertion ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Vu le traité instituant la communauté européenne, notamment son article 39 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le décret no 94-211 du 11 mars 1994 ;
    Vu la lettre en date du 29 mars 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er juillet 2008, M. Philippe Ranquet, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-9-1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur à la date de la contestée du président du conseil général de la Manche : « Pour le bénéfice du revenu minimum d’insertion, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des autres Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen doivent remplir les conditions exigées pour bénéficier d’un droit au séjour » ; qu’aux termes de l’article 5 du décret du 11 mars 1994 réglementant les conditions d’entrée et de séjour en France des ressortissants des Etats membres de la communauté européenne bénéficiaires de la libre circulation des personnes, en vigueur à la même date, ont un droit au séjour les ressortissants de ces Etats remplissant les conditions fixées par l’article 1er de ce décret, soit notamment les personnes : « (...) c) « venant en France occuper un emploi salarié dans les conditions autres que celles qui sont prévues aux d) et e) ci-après ; d) Occupant un emploi salarié en France tout en ayant leur résidence habituelle sur le territoire d’un autre Etat membre (...), où ils retournent chaque jour ou au moins une fois par semaine ; e) Venant en France exercer une activité salariée à titre temporaire ou en qualité de travailleur saisonnier (...). » ; que le k) du même article prévoit que les personnes ne relevant pas d’autres dispositions de cet article bénéficient d’un droit au séjour s’ils disposent, pour eux-mêmes et leurs conjoints, leurs descendants et ascendants à charge, de ressources suffisantes et d’une assurance couvrant l’ensemble des risques maladie et maternité ;
    Considérant, d’autre part, que la libre circulation des travailleurs protégée par les stipulations de l’article 39 du traité instituant la communauté européenne implique le droit pour les ressortissants des Etats membres, qu’ils aient ou non exercé antérieurement une activité professionnelle, de circuler librement sur le territoire des autres Etats membres et d’y séjourner aux fins d’y rechercher un emploi durant un délai raisonnable qui leur permette de prendre connaissance, sur le territoire de l’Etat membre concerné, des offres d’emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés ; qu’il en résulte que les personnes venant en France pour rechercher un emploi salarié dans les conditions autres que celles qui sont prévues aux d) et e) de l’article 1er du décret du 11 mars 1994 bénéficient, sur le fondement du c) du même article, d’un droit au séjour pendant un délai raisonnable leur permettant de prendre connaissance des offres d’emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagées, sans avoir à justifier de ressources suffisantes et d’une assurance couvrant l’ensemble des risques maladie et maternité ;
    Considérant que M. T..., ressortissant britannique, a demandé le 8 août 2006 le bénéfice du revenu minimum d’insertion ; que, par une décision du 31 août 2006, le président du conseil général de la Manche a rejeté cette demande au motif que l’intéressé ne remplissait pas les conditions exigées pour bénéficier d’un droit au séjour ;
    Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’à la date de sa demande, M. T... résidait en France depuis plus d’un an en y recherchant un emploi et ne pouvait faire état de chances raisonnables d’être embauché dans un avenir proche ; que dans ces conditions, il ne pouvait être regardé comme une personne venant en France occuper un emploi salarié au sens du c) de l’article 1er du décret du 11 mars 1994 ; que, dès lors, en estimant qu’il relevait des dispositions du k) du même article et devait, pour justifier d’un droit au séjour, disposer de ressources suffisantes et d’une assurance couvrant l’ensemble des risques maladie et maternité, le président du conseil général a fait une exacte application des dispositions précitées et n’a pas méconnu, contrairement à ce que soutient le requérant, les droits garantis à ce dernier par le traité instituant la communauté européenne ; qu’il a pu légalement se fonder sur la circonstance, non contestée, que l’intéressé ne remplissait pas la condition de ressources et d’assurance posée au k) de l’article 1er du décret du 11 mars 1994 pour lui refuser le bénéfice du revenu minimum d’insertion ;
    Considérant, en deuxième lieu, que si M. T... soutient que la décision contestée du président du conseil général méconnaîtrait les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il n’assortit ce moyen d’aucune précision permettant d’en apprécier la portée ;
    Considérant, enfin, que le motif tiré de l’absence de droit au séjour suffit, à lui seul, à justifier la décision contestée du président du conseil général ; que, par suite, si M. T... conteste également le motif retenu par la commission départementale d’aide sociale pour confirmer cette décision, tiré de ce que les remboursements d’un prêt immobilier par l’intéressé révèlent l’existence de revenus supérieurs au plafond, cette contestation, à la supposer fondée, est sans influence sur l’issue du litige ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que M. T... n’est pas fondé à se plaindre que la commission départementale d’aide sociale de la Manche a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général lui refusant le bénéfice du revenu minimum d’insertion,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de M. T... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er juillet 2008 où siégeaient Mme Hackett, présidente, M. Vieu, assesseur, M. Ranquet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 7 juillet 2008.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer