Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Répétition de l’indu - Suspension
 

Dossier n° 070786

Mme B...
Séance du 28 mai 2008

Décision lue en séance publique le 29 octobre 2008

    Vu le recours formé le 15 janvier 2007 par Mme B... et le mémoire complémentaire du 24 novembre 2007, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 25 octobre 2006 de la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir qui a rejeté le recours formé contre la décision du 6 juillet 2006 par laquelle le président du conseil général lui a refusé toute remise sur sa dette provenant d’ un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 13 584,59 euros correspondant à l’absence de déclaration par la requérante des revenus ASSEDIC de son conjoint pour la période du 1er juin 2004 au 31 mai 2006 ;
    La requérante soutient que son époux a quitté le domicile conjugal le 25 mai 2003, que se retrouvant seule avec deux enfants à charge et devant faire face aux factures impayées, elle a déposé une demande de revenu minimum d’insertion à la permanence du centre communal d’action sociale d’Anet ; qu’elle a bénéficié de l’allocation de revenuminimum d’insertion à partir du 1er juin 2003 ; que pendant la séparation, son époux M. B... était domicilié au foyer X... de C... ; que le 13 mars 2004, il est revenu au domicile conjugal ; qu’il a signalé la reprise de la vie maritale à la permanence de la caisse d’allocations familiales de C... et auprès de l’assistante sociale chargée de son dossier ; que malgré la déclaration de changement de situation, la caisse d’allocations familiales a continué à lui verser l’allocation de revenu minimum d’insertion, que cette aide a été perçue par le couple comme une aide justifiée par la précarité de leur situation financière difficile ; que la requérante est analphabète et qu’elle dépend complètement de son entourage pour remplir les formulaires administratifs ; qu’elle et son époux sont âgés et ont des difficultés à se déplacer ; que leurs trois premiers enfants sont éloignés et ne peuvent les aider dans leur démarches, que les deux derniers, encore au foyer, ne sont pas toujours présents ; qu’ils ne bénéficient d’aucun suivi dans le traitement correct de leur courrier ; que la situation financière du couple les met dans l’incapacité de faire face eu remboursement de la dette de 13 584,59 euros qui leur est réclamée ; que leurs ressources se composent essentiellement de la pension de retraite de M. B... qui est de 536,50 euros ; que les charges s’élèvent à 660 euros mensuels ; que compte tenu de cette situation, la requérante sollicite une remise de sa dette ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Vu le mémoire en défense du 18 juillet 2007 présenté par le président du conseil général d’Eure-et-Loir tendant au rejet de la requête de Mme B... en raison du défaut d’intérêt à agir de sa fille, auteur du recours ; que l’indu est directement lié à l’absence de déclaration des ressources de M. B... son époux, que la faible connaissance de la langue française ne saurait justifier l’absence de déclaration par la requérante des revenus du foyer ; que, toutefois, si Mme B... venait à lui faire part de nouvelles difficultés financières, il lui appartiendra d’examiner sa situation et de lui accorder une remise supplémentaire de sa dette ;
    Vu la décision du président du conseil général du département d’Eure-et-Loir du 30 août 2007 par laquelle il a été procédé à une remise partielle de la dette de Mme B... de 7 584,59 euros, laissant à sa charge la somme de 6 000 euros ;
    Vu les observation présentées par Mme B... le 24 novembre 2007 qui conclut, que lors de la reprise de la vie commune, elle croyait de bonne foi que l’allocation de revenu minimum d’insertion était justifiée compte tenu de la situation financière précaire du couple ; qu’elle ne comprend pas pour qu’elle raison elle a fait l’objet d’une plainte du président du conseil général et a reçue une convocation devant le tribunal correctionnel pour une audience qui se tiendra le 14 février 2008 après avoir été convoquée à la gendarmerie où il a été procédé à des prélèvement de salive, des prises d’empreintes, des photographies de profil, de face ainsi qu’à interrogatoire alors qu’elle ne comprend pas le français et qu’elle a signé des documents sans les comprendre, alors qu’elle n’a jamais contesté l’indu ni ne s’est opposé à un règlement amiable du litige pour la somme restant à sa charge ; la requérante sollicite cependant le rééchelonnement de la dette étant dans l’incapacité de régler cette somme en un seul versement ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 mai 2008, Mme Dridi, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 134-4 du code de l’action sociale et des familles : « Tant les recours devant la commission départementale que les recours et les appels devant la commission centrale peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs d’aliments, l’établissement ou le service qui fournit les prestations, le maire, le président du conseil général, le représentant de l’Etat dans le département, les organismes de la sécurité sociale et de mutualité agricole intéressé ou par tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 262-3 du code de l’action sociale et des familles : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant à la présente sous section, l’ensemble des ressources, de quelques nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article R. 261-1, et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. », qu’aux termes des dispositions de l’article R. 262-44 dudit code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments » ; qu’aux termes de l’article L. 262-41 dudit code : « Tout paiement d’indu est récupéré sur le montant des allocations à échoir ou si le bénéficiaire opte pour cette solution, ou s’il n’est plus éligible au revenu minimum d’insertion, par remboursement de la dette en une ou plusieurs versements. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39. (...). En cas de précarité du débiteur, la créance peut être remise ou réduite selon des modalités fixées par voie réglementaires » ; qu’aux termes de l’article L. 262-42 dudit code : « Le recours mentionné à l’article L. 262-41 et l’appel contre cette décision devant la commission centrale d’aide sociale ont un caractère suspensif, le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance et la contestation de la décision prise sur cette demande, devant la commission départementale et la commission centrale d’aide sociale » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que Mme B... a été admise au bénéfice de l’allocation de revenu minimum d’insertion le 1er juin 2003 à la suite du départ de son époux du domicile conjugal intervenu le 25 mai 2003, que le couple a repris une vie maritale à partir du 13 mars 2004, qu’elle n’a pas ultérieurement mentionné les indemnités ASSEDIC perçues par M. B... son époux qui les a déclarées auprès des assistantes sociales ; qu’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 13 584,59 euros a été notifié au couple le 14 juin 2006 par la caisse d’allocations familiales pour la période du 1er juin 2004 au 31 mai 2006 ; que Mme B... a formé une demande de remise gracieuse devant le président du conseil général d’Eure-et-Loir qui a rejeté sa requête ; qu’elle a formé le 6 juillet 2006, un recours devant la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir qui a également rejeté sa requête ; que le président du conseil général a déposé une plainte pour escroquerie le 24 novembre 2006, qu’il a ensuite retirée le 27 juin 2007 ; que la requérante a formé le 10 janvier 2007 une nouvelle demande de remise gracieuse ; que par décision du 23 février 2007, le président du conseil général a rejeté sa demande, puis par décision du 30 août 2007 lui a accordé une remise partielle laissant à sa charge la somme de 6 000 euros ;
    Considérant, d’une part, que le président du conseil général d’Eure-et-Loir, dans son mémoire du 18 juillet 2007, conclut au rejet de la requête formée par Mlle B..., fille de Mme B... comme irrecevable car formée par une personne n’ayant pas un intérêt direct à la réformation de la décision ;
    Considérant qu’en vertu des article 203 et suivants du code civil, Mlle B... est débitrice d’aliments à l’égard de ses ascendants, en l’espèce, sa mère Mme B... ; qu’elle a un intérêt à agir en application de l’article L. 134-4 du code de l’action sociale et des familles ; qu’ainsi, le recours formé le 15 janvier 2007 et le mémoire complémentaire produit le 24 novembre 2007 par Mlle B... devant la commission centrale d’aide sociale tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du 25 octobre 2006 sont recevables ;
    Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions des articles L. 134-1 et suivants et de l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles, que les commissions départementales d’aide sociales sont des juridictions administratives lorsqu’elles statuent sur les décisions relatives à l’allocation revenu minimum d’insertion ; qu’il suit de là que ces juridictions doivent observer les règles générales de procédure qui n’ont pas été écartées par une disposition législative expresse ou qui ne sont pas incompatibles avec leur organisation, qu’au nombre de ces règles figurent notamment celles suivant lesquelles ces décisions doivent être motivées et répondre à l’ensemble des moyens soulevés par les parties lorsqu’ils ne sont pas inopérants ;
    Considérant qu’en se bornant à confirmer la décision du 5 mai 2006 du président du conseil général d’Eure-et-Loir, sans répondre à l’argumentation soulevée par la requérante quant à sa demande de remise gracieuse, la commission départementale d’aide sociale a méconnu l’étendu de ses pouvoirs ; qu’en sa qualité de juge de plein contentieux, il lui appartenait de se prononcer d’après l’ensemble des circonstances de fait qui lui étaient soumises au regard de la situation de précarité de l’intéressée ; qu’elle a insuffisamment motivé sa décision du 25 octobre 2006 conformément aux textes sus-rappelés ; que par suite, celle-ci doit être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;
    Considérant que, l’indu n’est pas contesté par la requérante, mais que Mme B... et son époux font état dans leur requête d’une situation financière difficile, vivant d’une retraite de 536,50 euros mensuels et d’une pension de retraite complémentaire ARRCO ainsi que d’une pension d’invalidité ; qu’il ont un enfant à charge ; qu’il y a lieu de constater que le président du conseil général eu égard au retrait de sa plainte et à la décharge partielle qu’il a consentie de l’indu par une décision postérieure à la requête, a expressément admis qu’il n’y a pas eu de manœuvres frauduleuses, et que la situation du couple révèle une précarité ; qu’il y a dès lors lieu de limiter à 3 000 euros l’indu laissé à la charge du couple ; qu’il appartiendra à la requérante, si elle s’y estime fondée, de demander un échelonnement de la dette resté à sa charge auprès du payeur départemental ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, nonobstant le caractère suspensif du recours formé par la requérante conformément aux dispositions de l’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles sus-rappelé, des sommes ont été illégalement prélevées ; que celles-ci doivent être intégralement remboursées à Mme B..., ou venir en déduction de l’indu de 3 000 euros laissé à son débit,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 25 octobre 2006 de la commission départementale d’aide sociale d’Eure-et-Loir, ensemble la décision du 6 juillet 2006 du président du conseil général, sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu de statuer sur la décision du 30 août 2007 par laquelle le président du conseil général d’Eure-et-Loir a procédé à une remise partielle de la dette de Mme B... de 7 584,59 euros ;
    Art. 3.  -  L’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion laissé à la charge de Mme B... est limité à la somme de 3 000 euros.
    Art. 4.  -  Les sommes illégalement prélevées seront restituées à Mme B... ou viendront en déduction de l’indu de 3 000 euros laissé à sa charge.
    Art. 5.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 6.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 mai 2008 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Culaud, assesseur, Mme Dridi, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 29 octobre 2008.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer