Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Conditions - droits commun
 

Dossier n° 060986

M. S...
Séance du 25 mars 2008

Décision lue en séance publique le 1er juillet 2008

    Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet 2006 et 19 novembre 2007 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présentés pour M. S..., demeurant à S... ; M. S... demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o D’annuler la décision du 10 avril 2006 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général de l’Ardèche du 18 octobre 2004 relative à son droit au revenu minimum d’insertion pour la période du 1er mars 1999 au 30 novembre 2002, en tant qu’elle lui refuse le bénéfice du revenu minimum d’insertion pour la période du 1er novembre 2001 au 30 novembre 2002, et à l’annulation de la décision de la même autorité du 9 décembre 2004 relative au rappel des allocations qui lui sont dues pour la période du 1er mars 1999 au 31 octobre 2001, en tant qu’elle met à sa charge un indu au titre des allocations déjà versées pour la période du 1er février 2001 au 30 novembre 2002 ;
    2o D’enjoindre au président du conseil général de l’Ardèche de lui accorde le bénéfice du revenu minimum d’insertion à taux plein pour la période du 1er mars 1999 au 30 novembre 2002, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
    3o De condamner le département de l’Ardèche à lui verser la somme de 2 033,56 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 13 juin 2001, au titre des allocations de revenu minimum d’insertion qui lui restent dues, et d’enjoindre au président du conseil général de l’Ardèche de procéder au versement sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
    4o De mettre à la charge du département de l’Ardèche la somme de 2 500 euros à verser à Maître N... au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
    Le requérant soutient que le président du conseil général a méconnu l’autorité de la chose jugée par la décision de la commission centrale d’aide sociale du 2 juin 2004 qu’il devait exécuter, en se fondant sur l’article 16 du décret no 88-1111 du 12 décembre 1988 alors que la référence à cette base légale avait été censurée pour erreur de droit ; qu’à supposer que le président du conseil général se soit fondé sur l’article 21-1 du même décret, il en a fait une inexacte application en lui refusant le bénéfice du revenu minimum d’insertion pour des motifs que ne prévoient pas les dispositions de cet article, tels que l’absence de projet viable d’insertion ; qu’il a commis une erreur d’appréciation en estimant que la situation financière de l’entreprise qu’il dirige était dégradée et que son absence de rémunération procédait d’un choix délibéré ; que par sa décision du 9 décembre 2004 relative au paiement des allocations, il a méconnu sa propre décision du 18 octobre 2004 relative aux droits au revenu minimum d’insertion, en ce qu’il traite comme un indu les sommes déjà versées pour la période du 1er février au 31 octobre 2001 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les mémoires en défense, enregistrés les 8 août 2007 et 22 janvier 2008, présentés par le président du conseil général de l’Ardèche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu’il ne pouvait exécuter la décision de la commission centrale d’aide sociale du 2 juin 2004 sans faire application à M. S... des dispositions de l’article 16 du décret no 88-1111 du 12 décembre 1988, cette application étant une condition pour qu’il puisse faire usage des dispositions de l’article 21-1 du même décret ; que s’agissant d’une décision relative à la durée des droits au revenu minimum d’insertion et non à leur ouverture, il n’avait pas à tenir compte des contrats d’insertion signés sous l’empire des décisions préfectorales annulées par la commission centrale d’aide sociale ; que la situation financière dégradée de l’entreprise dirigée par M. S... ne permettait pas, à compter du 1er novembre 2001, de retenir son activité à ce titre comme un projet viable d’insertion, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de lui accorder la dérogation ; que compte tenu des responsabilités de M. S... dans l’entreprise qu’il dirige, la décision de ne pas lui verser de salaire doit être regardée comme ayant été prise par lui ; que le moyen soulevé contre la décision du 9 décembre 2004 tend en réalité à obtenir un double paiement d’allocations pour la période du 1er février au 31 octobre 2001 ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 février 2008, présenté pour M. S..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
    Vu le décret no 88-1111 du 12 décembre 1988 ;
    Vu la lettre en date du 3 septembre 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 25 mars 2008 M. Philippe Ranquet, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que par une décision du 2 juin 2004 devenue définitive, la commission centrale d’aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche du 9 octobre 2001 et les décisions du préfet de l’Ardèche du 5 mai 1999 et du 14 mai 2001, relatives au droit au revenu minimum d’insertion de M. S... pour la période du 1er mars 1999 au 30 novembre 2002, et a renvoyé l’intéressé devant l’autorité compétente pour qu’elle se prononce à nouveau, après avis de la commission locale d’insertion, sur son droit à l’allocation sur cette période ; qu’après avis de la commission locale d’insertion, le président du conseil général de l’Ardèche, par une décision du 18 octobre 2004, a accordé à M. S... le bénéfice du revenu minimum d’insertion pour la période du 1er mars 1999 au 31 octobre 2001, mais le lui a refusé pour la période du 1er novembre 2001 au 30 novembre 2002 ; que le 9 décembre 2004, la caisse d’allocations familiales du Haut-Vivarais, agissant par délégation du président du conseil général, a versé à M. S... une somme de 11 269,11 euros au titre du revenu minimum d’insertion qui lui est dû pour la période du 1er mars 1999 au 31 octobre 2001, dont elle a déduit la somme de 4 369,55 euros au titre du revenu minimum d’insertion qui lui a déjà été versé du 1er février 2001 au 30 novembre 2002 ;
    Considérant que dans le dernier état de ses écritures, tel qu’il résulte des mémoires présentés pour lui par ministère d’avocat, M. S... ne conteste plus la régularité de la décision du 10 avril 2006 de la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche ;
    Sur les conclusions dirigées contre la décision du président du conseil général de l’Ardèche du 18 octobre 2004 :
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article 21-1 du décret no 88-1111 du 12 décembre 1988, en vigueur à la date de la décision du président du conseil général de l’Ardèche du 18 octobre 2004 et codifié depuis à l’article R. 262-22 du même code : « Lorsqu’il est constaté qu’un allocataire ou un membre de son foyer exerce une activité non ou partiellement rémunérée, le président du conseil général peut tenir compte des rémunérations, revenus ou avantages auxquels l’intéressé serait en mesure de prétendre du fait de cette activité » ;
    Considérant qu’il résulte des motifs qui sont le support nécessaire de la décision de la commission centrale d’aide sociale du 2 juin 2004, que le président du conseil général devait se prononcer sur les droits de M. S... pour la période en cause en lui faisant application des dispositions de l’article 21-1 du décret no 88-1111 du 12 décembre 1988, sans qu’il ait en revanche à rechercher s’il y avait lieu de le faire bénéficier de la dérogation prévue à l’article 16 du même décret ; que le président du conseil général a refusé à M. S... le bénéfice du revenu minimum d’insertion pour la période du 1er novembre 2001 au 30 novembre 2002 au motif que la situation financière dégradée de l’entreprise où il exerce son unique activité comme mandataire social ne justifiait pas que soit prorogée en sa faveur la dérogation prévue à l’article 16 ; que, toutefois, la circonstance que le président du conseil général se soit fondé sur ces dernières dispositions n’est pas, en elle-même, suffisante pour entacher sa décision d’illégalité, si le motif qu’il a retenu est de nature à justifier la même décision en application de l’article 21-1 ;
    Considérant qu’en principe, lorsqu’il fait application de l’article 21-1 du décret précité, le président du conseil général doit déterminer un montant de ressources auxquelles l’intéressé peut prétendre du fait de son activité non rémunérée ; qu’il exerce toutefois ce pouvoir en tenant compte des buts assignés au revenu minimum d’insertion en vertu de la loi ; qu’il ne peut ainsi retenir un montant de ressources plus élevé que celui effectivement perçu sans rechercher si le versement effectif de cette rémunération plus élevée aurait été possible sans compromettre la pérennité financière de l’activité exercée par le bénéficiaire et, par suite, son projet d’insertion ; que toutefois, le revenu minimum d’insertion n’a vocation à se substituer à l’absence de revenu procédant de la situation financière d’une entreprise que pour autant que le développement de cette entreprise apparaisse comme un projet d’insertion viable, devant permettre au bénéficiaire d’en tirer des ressources suffisantes dans un avenir raisonnablement proche ; que s’il apparaît que cette dernière condition n’est pas remplie faute de perspectives de rentabilité crédibles, il est légalement possible d’estimer qu’un chef entreprise, nonobstant ses difficultés financières, peut prétendre à des ressources au moins égales au revenu minimum d’insertion, et de fonder sur ce motif un refus de lui allouer ce revenu ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, qu’à la date à laquelle le président du conseil général devait se placer pour déterminer le droit de M. S... au revenu minimum d’insertion, la SA S..., dont l’intéressé était président directeur général, présentait depuis plusieurs années une situation comptable nette négative de plus de 150 000 euros, dont seuls des apports des associés expliquent qu’elle se soit légèrement redressée, alors que le résultat d’exploitation demeurait constamment déficitaire ; que dans ces conditions, le président du conseil général a fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en estimant que la situation financière dégradée de la SA S... ne permettait plus de regarder l’activité de M. S... comme président directeur général de cette entreprise comme un projet d’insertion viable ; que sont sans influence, sur l’exactitude de cette appréciation, la circonstance que sous l’empire des décisions annulées par la décision de la commission centrale d’aide sociale du 2 juin 2004, des contrats d’insertion aient été conclus avec l’intéressé, ainsi que la question de savoir si l’absence de rémunération de M. S... procède d’un choix délibéré de sa part ; que dès lors, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, M. S... pouvait prétendre à une rémunération au moins égale au revenu minimum d’insertion ; que, par suite, c’est sans méconnaître la chose jugée par la commission centrale d’aide sociale ni les dispositions de l’article 21-1 du décret no 88-1111 du 12 décembre 1988 que le président du conseil général a refusé au requérant le bénéfice du revenu minimum d’insertion ;
    Sur les conclusions dirigées contre la décision du président du conseil général de l’Ardèche du 9 décembre 2004 :
    Considérant que dans le dernier état de ses écritures, tel qu’il résulte des mémoires présentés pour lui par ministère d’avocat, M. S... soutient seulement que le président du conseil général ne pouvait déduire, des sommes qui lui sont dues au titre de la période du 1er mars 1999 au 31 octobre 2001, les sommes déjà versées au cours de la même période, sans méconnaître la portée de sa propre décision du 18 octobre 2004 lui accordant le bénéfice du revenu minimum d’insertion pour cette période ; qu’en procédant à cette déduction, le président du conseil général n’a fait que remplir M. S... des droits qu’il lui avait reconnus, lesquels ne pouvaient consister que dans le versement des montants qu’ils n’avait pas encore perçus ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que M. S... n’est pas fondé à se plaindre que la commission départementale d’aide sociale de l’Ardèche a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des décisions du président du conseil général du 18 octobre et du 9 décembre 2004 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
    Sur les conclusions à fin d’injonction :
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles : « Un recours contentieux contre les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum (...) peut être formé par toute personne qui y a intérêt devant la commission départementale d’aide sociale (...) dans le ressort de laquelle a été prise la décision. (...) » ; qu’en revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne donne compétence aux juridictions de l’aide sociale pour adresser des injonctions aux autorités administratives ; que les conclusions présentées à cette fin doivent, par suite, être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Décide

    Art. 1er.  -  Les conclusions de M. S... à fin d’injonction sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
    Art. 2.  -  Le surplus des conclusions de la requête de M. S... est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 mars 2008 où siégeaient Mme Hackett, présidente, M. Vieu, assesseur, M. Ranquet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 1er juillet 2008.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer