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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Conditions
 

Dossier n° 071638

Mme X...
Séance du 3 avril 2009

Décision lue en séance publique le 14 mai 2009

    Vu enregistrés à la direction départementale des affaires sanitaires et sociale de l’Hérault le 28 septembre 2007 et au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 9 janvier 2008, la requête et le mémoire complémentaire présentés par et pour Mme S..., Mme G..., M. C..., Mme P..., Mme G... représentés par la SCP Thevenet-Tour-Laville, avocats, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale « réformer en toutes ses dispositions » la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 9 août 2007 rejetant leurs demandes dirigées contre la décision du 28 février 2006 de la commission d’admission à l’aide sociale du canton X... décidant de la récupération à leur encontre d’une créance d’aide sociale au titre de l’aide ménagère accordée à Mme X... du 2 juin 1987 au 31 décembre 2000, à titre subsidiaire réduire l’assiette du recours en la fixant à la somme de 10 870 euros, par les moyens que Mme X... n’avait pas d’intention libérale en procédant à la donation du bien donné ; que celle-ci était consentie avec charge, soit une rente viagère annuelle de 18 293 euros garantie par la mention d’une clause de résolution en cas de non paiement d’un seul terme de celle-ci ; que le montant de cette rente correspondait en réalité au frais d’hébergement de Mme X... en établissement pour personnes âgées ; que la mise en place de la rente s’avérant délicate il a été convenu que celle-ci serait provisoirement remplacée par le paiement par Mme S... des coûts de la maison de retraite, au montant approximativement identique, tant que les fonds disponibles déposés à la suite de la vente de la maison donnée seraient suffisants et qu’ensuite il serait fait retour à la rente viagère prévue initialement ; que celle-ci n’a donc jamais été annulée ; que les sommes déposées à cet effet par Mme S... sont supérieures au montant de la part reçue par Mme X... ; que jusqu’au décès de sa mère Mme S... a payé tous les frais de la maison de retraite médicalisée soit 18 100,48 euros pour l’année 2003, 12 293,17 euros pour l’année 2004 et 12 937 euros pour l’année 2005, soit au total 43 330 euros ; que pendant vingt-cinq années, Mme S... et ses quatre enfants ont assuré pleinement leur rôle d’aide et d’assistance à Mme X... ce qui représente un investissement pouvant être évalué à environ 70 000 euros ; qu’ainsi il ne s’agit pas d’une aliénation gratuite et la donation révocable consentie avec charge ne saurait être reconnue comme donation au sens de l’article 894 du code civil et que la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault ne pouvait par référence à cet article considérer que les conditions de récupération sur donation étaient bien remplies ; que faute de donation effective au sens du code civil le recours en donation ne pouvait avoir lieu au visa de l’article L. 132-8 ; que l’attestation sur l’honneur figurant au dossier d’aide sociale est contestée, les requérants ne reconnaissant par la signature de Mme X... ; que la comparaison de ladite signature avec les documents signés par elle avant son décès démontrent que la déclaration sur l’honneur n’a pas été signée par elle ; qu’en cet état le recours en récupération ne saurait prospérer à défaut d’information préalable du bénéficiaire des conséquences d’une telle admission ; qu’en l’occurrence l’attestation sur l’honneur arguée de faux en l’espèce est bien à l’origine de la situation actuelle ce qui doit conduire au seul titre de l’équité au rejet des prétentions du conseil général ; qu’à titre subsidiaire le recours ne peut être effectué que dans la limite de l’actif net successoral qui s’entend de la valeur des biens transmis par le défunt, déductions faites des charges grevant la succession et qu’en outre l’article L. 132-12 du code de l’action sociale et des familles précise que le recouvrement s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède 46 000 euros ; que les articles R. 132-11 et 12 doivent nécessairement trouver application comme le confirment au demeurant différentes décisions de la présente juridiction ; qu’en conséquence l’action du recours ne pourrait s’exercer, en toute hypothèse, que déduction faite de l’actif net successoral des dépenses de maison de retraite (43 330 euros), des obsèques (2 450 euros) et des frais de caveau (5 300 euros) et que c’est sur la seule somme de 10 870 euros que la récupération pourrait être recherchée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 16 novembre 2007, le mémoire du président du conseil général de l’Hérault tendant au rejet de la requête par les motifs que la rente viagère stipulée n’a pas été honorée ; que l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles a été correctement appliqué ; qu’aux termes de l’article R. 132-11 : « les recours sont exercés dans la limite du montant des prestations (...) » et « jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés (...) » ; que c’est dans ces limites que le quantum de la récupération a été fixé ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil, notamment l’article 894 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 21 janvier 2009 invitant les parties à se présenter à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 avril 2009, Mlle Erdmann, rapporteure, Me Francis Tour, pour les consorts S..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur l’application du 2e alinéa de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que les consorts S... soutiennent tout à la fois que la donation intervenue le 5 février 2002 constituait une donation rémunératoire comme prenant en compte les services antérieurement rendus à Mme X..., l’assistée, et une donation assortie du paiement d’une rente viagère et d’une mention de la révocation de la donation en cas d’une seule échéance de non paiement ; qu’ils ajoutent que même si postérieurement à l’acte de donation l’immeuble donné a été vendu et la rente viagère suspendue, ce n’est qu’au bénéfice de la prise en charge pour un montant approximativement équivalent à celui de la rente stipulée des frais de placement de Mme X...en établissement pour personnes âgées dépendantes par Mme S... ; qu’ils déduisent de ce qui précède que la donation dont la récupération est recherchée ne peut en réalité être regardée comme un acte à titre gratuit et qu’en conséquence la récupération litigieuse ne trouve pas son fondement dans les dispositions combinées de l’article L. 132-8 2o du code de l’action sociale et des familles et des articles 893 à 895 du code civil ;
    Considérant en premier lieu, que l’acte de donation du 5 février 2002 ne fait aucune référence aux services antérieurement rendus par Mme S... et ses quatre enfants à Mme X..., leur mère et grand-mère ; que si ceux-ci font état d’une prise en charge de frais, notamment de transport, pour permettre le maintien à domicile de Mme X... depuis environ vingt ans, d’un montant de 70 000 euros, une partie au moins de ces débours à les supposer établis ne peut être regardée que comme correspondant à l’exécution de l’obligation alimentaire des requérants à l’égard de leur ascendante ; que la valeur des biens donnés s’établit à 118 953,90 euros, soit 57 095,93 euros pour Mme S... et 15 092,45 euros pour chacun des quatre petits enfants ; qu’en cet état il n’est en toute hypothèse pas établi que le montant de la donation n’excède pas les services rendus au-delà de ceux procédant de l’obligation alimentaire des requérants ; que si l’administration a la preuve de l’intention libérale de la donatrice, elle apporte à tout le moins un commencement de preuve par la production de l’acte de donation en tant que celui-ci ne fait référence à aucune rémunération des services rendus antérieurement par les donataires à la donatrice et qu’il résulte de ce qui précède que compte tenu des montants respectifs des prestations antérieurement fournies susceptibles d’être prises en compte et de la valeur des biens donnés par Mme X..., il ne peut être tenu comme établi que la donation en raison des services antérieurement rendus présentait un caractère rémunératoire desdits services et qu’ainsi l’intention libérale de la donatrice n’était pas, de ce chef, manifestée lors de la signature de l’acte de donation ;
    Considérant en second lieu, que Mme X... a consenti la donation à près de 98 ans pour un bien, dans son chef, dont la valeur était de 118 958,90 euros ; qu’il était stipulé une rente viagère annuelle de 18 293 euros ; que : « le donateur se réserve en cas de besoin justifié la faculté à toute époque de percevoir de Mme S... ou de ses héritiers (...) » la rente dont s’agit ; qu’il résulte de l’instruction que le bien donné a été vendu le 27 janvier 2003 par Mme S... et les consorts C... et que sur le produit de cette vente Mme S... a acquitté durant 3 ans de 2003 à 2005, jusqu’au décès de Mme X..., les frais de l’hébergement médicalisé auquel avait été contrainte Mme X... de 18 100,48 euros pour 2003, 12 293,17 euros pour 2004 et 12 937 euros pour 2005, Mme X... étant décédée le 21 octobre 2005 ; qu’en admettant même que les sommes ainsi payées puissent être regardées comme équivalentes aux charges stipulées dans la donation, il ne résulte pas des faits énoncés ci-dessus que les charges stipulées équivalaient à la valeur des biens donnés eu égard tant au caractère aléatoire de la demande que se réservait Mme X..., qu’à l’âge de celle-ci lors de la donation et qu’au montant de la rente stipulée au regard de celui des biens donnés ; que dans ces conditions la donation au titre de laquelle la récupération est recherchée par le département de l’Hérault doit être regardée comme entrant dans les prévisions des dispositions du code civil relatives à cette libéralité, notamment celles de son article 894 comme un acte à titre gratuit procédant d’une intention libérale de Mme X... à l’égard de sa fille et de ses petits-enfants et non comme un acte à titre onéreux n’entrant pas dans les prévisions de 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles en raison du caractère rémunératoire de la donation et/ou des charges stipulées ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l’inapplicabilité de 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles à l’acte notarié intitulé donation intervenu le 5 février 2002 doit être écarté ;
    Sur la signature arguée de faux de Mme X... dans la déclaration sur l’honneur souscrite lors de l’admission à l’aide sociale ;
    Considérant qu’il est constant que Mme X... a perçu les prestations d’aide ménagère et qu’il n’est ni établi ni même allégué qu’elle ait jamais formulé la moindre réserve à cet égard ; qu’aucune disposition n’impose d’ailleurs l’information préalable du demandeur d’aide sociale sur les conséquences de l’admission à l’aide sociale et que si les requérants soutiennent que Mme X... n’aurait pas sollicité l’admission à l’aide sociale si elle avait été informée de ses conséquences en ce qui concerne l’exercice du droit à récupération contre le donataire et qu’ainsi, ce qui est la conséquence nécessaire de leur argumentation, les services du conseil général de l’Hérault auraient en 1996 et en 1997 établi de fausses déclarations sur l’honneur assorties d’une fausse signature de Mme X... qui n’aurait pu être le fait que d’un agent du département, il leur appartient s’ils s’y croient fondés de faire sanctionner telle infraction pénale que de droit devant la juridiction pénale compétente, de rechercher devant la juridiction compétente qui n’est pas la juridiction de l’aide sociale mais le Tribunal administratif la responsabilité de l’administration à raison des agissements qu’ils croient pouvoir lui imputer de fait ;
    Mais considérant d’une part, que dans la présente instance d’aide sociale le moyen tiré de ce que si la requérante avait été effectivement informée par la souscription effective de la déclaration sur l’honneur des conséquences de l’admission en ce qui concerne la récupération elle n’aurait pas sollicité l’aide sociale est inopérant et que la solution du présent litige n’en dépend pas ; d’autre part, d’ailleurs, les requérants n’établissent pas par la comparaison des différentes signatures de Mme X... dont ils déduisent que les signatures portées en 1996 et 1997 sur les différents formulaires étaient des faux que tel soit effectivement le cas eu égard à l’âge de la requérante, même si elle jouissait de toutes ses facultés, lors de la signature après 90 ans des différents documents souscrits, observation faite d’ailleurs pour la moralité des débats que si, ce qui n’est pas établi, les signatures portées sur les déclarations sur l’honneur ne devaient pas être celles de Mme X... elles n’en seraient pas nécessairement celles d’agents du conseil général, auteurs de fausses déclarations mais, de façon à tout le moins aussi vraisemblable au regard de l’expérience constante de la présente juridiction en la matière, celles de membres de l’entourage de la demanderesse l’ayant assistée pour l’établissement des formalités de demande d’aide sociale... ; que quoiqu’il en soit d’une part, le moyen tiré du faux argué est inopérant dès lors que son établissement serait sans incidence sur la solution du litige, d’autre part, et en tout état de cause, à supposer même qu’il en soit autrement, le caractère de faux de la signature portée par Mme X... sur les déclarations sur l’honneur, qu’il appartient en l’espèce au juge administratif d’apprécier sans qu’il y ait lieu à renvoi pour question préjudicielle à l’autorité judiciaire, ne peut être regardé comme établi ; qu’il suit de ce qui précède que le moyen sus analysé doit être écarté ;
    Sur la quotité récupérable ;
    Considérant que contrairement à ce que persistent à soutenir les requérants la présente instance concerne une récupération contre les donataires au titre du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles et non contre la succession au titre du 1o du même article ; qu’il suit de là que les moyens tirés de ce que le montant de la récupération ne saurait excéder le plancher prévu à l’article R. 132-12 du code de l’action sociale et des familles pour le cas de la succession ne peut qu’être écarté, de même que les prétentions des requérants tendant à la déduction « de l’actif net successoral » des frais d’obsèques et de caveau sans qu’il soit besoin d’examiner l’argumentation de l’administration quant au montant de ces frais éventuellement susceptibles d’être pris en compte dès lors que la déduction des frais de la sorte n’a lieu d’être au titre du passif de la succession qu’en cas de récupération contre la succession et n’a lieu en droit de l’être au titre du recours contre les donataires ;
    Considérant, toutefois, que le juge de plein contentieux de l’aide sociale n’est pas juge seulement de la légalité mais également du bien fondé des décisions administratives qui lui sont déférées ; que, quelle que soit, d’ailleurs, l’ambiguïté de cette dernière notion, il appartient en tout cas au juge de l’aide sociale statuant en matière de récupérations, en l’absence même de conclusions expresses en ce sens (à tout le moins s’il peut y être suppléé par l’interprétation du sens de l’argumentation des parties), d’accorder remise ou modération de la créance même légalement fondée ; qu’à cet égard les requérants demandent la déduction de l’assiette de la récupération du montant sus rappelé des frais d’hébergement en établissement pour personnes âgées médicalisé exposés par Mme S... à hauteur de 43 330 euros ; que si, contrairement à ce qu’ils soutiennent aucune disposition ne permet de déduire le montant de ces frais de celui de la donation stipulée dès lors que comme il a été jugé ci avant l’intention libérale de la donatrice doit bien être regardée comme établie, il n’en reste pas moins - et alors même que ne figurent pas au dossier de renseignements sur la situation en revenus et en patrimoine de Mme S... et de ses enfants dont il n’est pas établi qu’elle soit pour tel ou tel d’entr’eux précaire qu’il apparaitrait néanmoins inéquitable de ne pas modérer la créance à hauteur des frais de prise en charge en maison de retraite exposés par les consorts S... pour Mme X... sur le produit de l’utilisation de la donation par la vente intervenue le 27 janvier 2003 ; que même si les frais ont été payés par Mme S... et non par ses enfants, il peut être admis dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de modération du juge de l’aide sociale que les frais ainsi exposés peuvent bénéficier proportionnellement au montant à hauteur desquels ils sont recherchés aux cinq requérants ; qu’en conséquence il y a lieu de ramener à 9 318 euros en ce qui concerne Mme S... et à 3 043,31 euros en ce qui concerne Mme G..., Mme P..., Mme G... et M. C... le montant récupérable des prestations d’aide ménagère avancées par l’aide sociale à leur mère et grand-mère Mme X...,

Décide

    Art. 1er.  -  La récupération par le département de l’Hérault contre les donataires de Mme X... est ramenée à 9 318 euros en ce qui concerne Mme S... et à 3 043,31 euros en ce qui concerne Mme G..., Mme P..., Mme G... et M. C... ;
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de L’Hérault du 9 août 2007 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 1er.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête des consorts S... est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 avril 2009 où siégeaient M. Lévy, président, Mlle Balsera, assesseure, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 14 mai 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer