Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Décision - Compétence
 

Dossier n° 080452

Mme X...
Séance du 3 avril 2009

Décision lue en séance publique le 14 mai 2009

    Vu enregistrés au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 21 mars 2008 et le 19 juin 2008, la requête et le mémoire présentés par Mme S..., demeurant dans le Gard, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du 22 février 2008 de récupération partielle de la créance d’aide sociale « aide ménagère » aux motifs qu’elle n’a pas été donataire de Mme X... et qu’elle est dans l’impossibilité de régler cette aide ménagère dont sa tante était bénéficiaire étant en fin de droit ASSEDIC et ne disposant que de faibles revenus ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Hérault en date du 6 décembre 2007 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que de son vivant Mme X... a bénéficié de l’aide sociale « aide ménagère » du 25 décembre 1995 au 30 novembre 2002 pour un montant de 9 277,09 euros ; que Mme X... avait été informée des conséquences de l’admission à l’aide sociale ; qu’elle a souscrit en date du 9 mars 1996 une assurance-vie où dans un premier temps seul son fils était unique héritier ; qu’en 2002 le bénéficiaire a été modifié au profit de Mme S..., nièce de la défunte ; que les contrats d’assurance-vie font l’objet d’un recours au décès du souscripteur dans les mêmes conditions que les recours contre donation ; que de ce fait et conformément aux articles L. 132-8 et R. 132-11 du code de l’action sociale et des familles, un recours contre donataire peut être exercé à l’encontre du bénéficiaire de cette assurance et ce à partir du 1er euro ; que tous les courriers adressés à Mme S... sont restés sans réponse y compris la lettre recommandée concernant la décision du comité départemental d’aide sociale générale qui nous a été retournée non réclamée ; que Mme S... pourra solliciter des délais de paiement auprès de la Paierie départementale en lui adressant une proposition d’échéancier de remboursement accompagnée de tous les justificatifs nécessaires permettant d’apprécier sa situation ;
    Vu enregistré le 21 janvier 2009 le nouveau mémoire de Mme S... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’elle ne peut assister à l’audience par manque de moyens financiers ; qu’elle souhaite cependant recevoir les conclusions ;
    Vu enregistré le 16 février 2009 le nouveau courrier de Mme S... qui dans le cadre d’un supplément d’instruction adresse les pièces justificatives de ses ressources et de ses dépenses ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 18 décembre 2008 invitant les parties à se présenter à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 avril 2009, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que dans sa requête la requérante conteste le caractère de donation du contrat d’assurance-vie décès au titre duquel est récupérée la somme litigieuse ; que dans son mémoire enregistré le 19 juin 2008, elle sollicite remise de la créance de l’aide sociale ;
    Sans qu’il soit besoin de statuer sur les conclusions aux fins de remise ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée devenu l’article L. 132-8 2o du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par le département (...) 1) contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2) contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a bénéficié de l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’aide ménagère du 25 décembre 1995 au 30 novembre 2002 ; que la créance départementale s’élève à 9 277,09 euros ; que Mme X... a souscrit en date du 9 mars 1996 une assurance-vie dans un premier temps au bénéfice de son fils ; qu’en 2002 Mme X... a modifié le bénéficiaire de cette assurance-vie au profit de sa nièce Mme S... ; que Mme X... est décédée le 11 novembre 2006 ;
    Considérant d’abord qu’à la date de la décision attaquée du « Comité départemental d’aide sociale générale » qui se présente bien au dossier comme une décision et non un avis facultatif, les commissions d’admission à l’aide sociale avaient été supprimées et aucune disposition législative et, en toute hypothèse, réglementaire ne conférait compétence à une instance collégiale pour statuer à la place du président du conseil général sur les récupérations des prestations avancées par l’aide sociale ; qu’à supposer même qu’une disposition du règlement départemental d’aide sociale de l’Hérault ait disposé en ce sens elle n’aurait été compétente pour modifier l’ordre légal des compétences des autorités administratives mêmes décentralisées ; que dans ces conditions il y a lieu d’annuler la « décision » du « comité départemental d’aide sociale générale » du 10 septembre 2007 ;
    Considérant, ensuite, comme le relève le requérant qu’en admettant que toute souscription d’un contrat d’assurance-vie ne constitue pas au profit du bénéficiaire une donation indirecte susceptible d’être appréhendée par l’aide sociale sur le fondement de l’article L. 132-8 2o du code de l’action sociale et des familles alors applicable à hauteur du montant des primes, du seul fait de l’appauvrissement du stipulant à ladite hauteur au profit du bénéficiaire acceptant, sans contrepartie de celui-ci, un tel contrat ne peut être requalifié en donation que si l’administration de l’aide sociale établit l’intention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable en donation entre vifs, alors même que l’acceptation du bénéficiaire ne serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, qu’au moment où le promettant lui a versé les sommes dues en application du contrat après le décès du stipulant ;
    Considérant que la preuve de l’intention libérale doit être rapportée alors même que le contrat peut être qualifié non comme une donation déguisée mais comme une donation indirecte ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 894 du code civil « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’aux termes de l’article 312-14 du code des assurances « Le capital ou la rente garantie au profit d’un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes dans le cas indiqué par l’article L. 132-8 2e alinéa selon lequel les règles relatives au rapport à la succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « ne s’appliquent pas (...) aux sommes versées par le contractant à titre de primes à moins qu’elles n’aient été manifestement exagérées au regard de ses facultés » ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat d’assurance-vie ne peut être requalifié par le juge de l’aide sociale en donation que lorsqu’au regard de l’ensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant se dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat non aléatoire, l’intention libérale devant alors être regardée comme établie, et la stipulation par autrui peut être qualifiée en donation indirecte, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse de question préjudicielle à l’autorité judiciaire ;
    Considérant que l’assistée a souscrit en 1996 alors qu’elle était âgée de 60 ans une assurance décès d’un montant de 100 600 francs soit 15 082 euros alimentée par des versements mensuels de 30,64 euros au titre de laquelle est intentée la présente action en récupération ; qu’il n’est pas contesté et ne ressort pas du dossier que son état de santé et son espérance de vie fussent tels qu’au moment de la souscription du contrat il n’existât pas d’aléa quant au dénouement de celui-ci ; que dans ces conditions l’administration n’établit pas en toute hypothèse, alors qu’elle a la charge de la preuve et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la nature du contrat litigieux mise en cause par la requérante devant le premier juge, qu’eu égard aux perspectives de rendement des produits souscrits et à l’aléa que comportait le contrat, les faits sur lesquels elle se fonde permettent de le requalifier en donation indirecte ; qu’il ressort, d’ailleurs, en outre, des pièces du dossier que Mme S... qui a perçu la somme de 1 207,04 euros même si elle n’a pas réglé les frais d’enterrement, a supporté la charge d’une plaque funéraire d’un montant de 413 euros et a donné à son fils le solde du capital versé ; qu’elle ne dispose par ailleurs que de faibles revenus retenus par l’administration fiscale en 2006 à 6 398 euros de salaires ; qu’en 2007 ses ressources se sont élevées à 10 284 euros ; que dans l’ensemble de ces circonstances, dans l’hypothèse même où la légalité de la récupération aurait été constatée, il n’y aurait eu lieu à récupération de la créance litigieuse, nonobstant son faible montant et le montant plus important des prestations versées,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 22 février 2008, ensemble la décision du « comité départemental d’aide sociale générale » du 10 septembre 2007 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de Mme S... des prestations d’aide ménagère avancées par l’aide sociale à Mme X....
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 avril 2009 où siégeaient M. Lévy, président, Mlle Balsera, assesseure, et Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 14 mai 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer