Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Etrangers - Conditions - Séjour
 

Dossier n° 071752

Mlle X...
Séance du 7 avril 2009

Décision lue en séance publique le 29 avril 2009

    Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 17 septembre 2007 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présentés par le président du conseil général de la Savoie qui demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 27 mars 2007 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Savoie, d’une part, a annulé, à la demande de Mlle X..., sa décision du 3 novembre 2006 par laquelle il lui a refusé l’ouverture du droit au revenu minimum d’insertion et, d’autre part, a accordé à l’intéressée le bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter du 1er octobre 2006 ;
    Le président du conseil général soutient que la commission départementale d’aide sociale se réfère, dans le dispositif de sa décision, à un article inexistant du code de l’action sociale et des familles ; que Mlle X..., qui à la date de sa demande d’allocation avait cessé de bénéficier d’un droit au séjour en tant qu’étudiante disposant de ressources suffisantes et d’une assurance maladie, n’aurait pu voir ce droit au séjour maintenu qu’à la condition, qu’elle ne remplit pas, que son changement de situation soit la conséquence d’un accident de vie ; qu’eu égard à son intention de retourner vivre en Suisse au terme de l’année scolaire 2006-2007, elle ne pouvait s’engager à participer aux actions nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2008, présenté par Mlle X..., qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient qu’eu égard à sa situation et notamment au fait qu’elle recherchait un emploi, le bénéfice du revenu minimum d’insertion ne pouvait lui être refusé sans méconnaître l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité dans l’application du droit à la libre circulation des citoyens européens, dont elle peut se prévaloir en vertu des accords liant la communauté européenne, ses Etats membres et la confédération suisse ; que la circonstance qu’elle ait finalement renoncé à s’établir en France en raison des difficultés qu’elle a rencontrées ne démontre pas qu’elle n’ait pas été disposée, à la date de sa demande d’allocation, à s’engager dans une démarche d’insertion ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 avril 2008, présenté par le président du conseil général de la Savoie, qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le traité instituant la communauté européenne, notamment son article 18 ;
    Vu l’accord du 21 juin 1999 entre la communauté européenne, ses Etats membres et la confédération suisse sur la libre circulation des personnes ;
    Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 ;
    Vu la décision C-184/89 du 20 septembre 2001 de la Cour de justice des communautés européennes ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    Vu le décret no 94-211 du 11 mars 1994 ;
    Vu la lettre en date du 6 février 2008 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 7 avril 2009 M. Philippe RANQUET, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la régularité de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Savoie :
    Considérant qu’ainsi que le relève le président du conseil général, le dispositif de la décision attaquée mentionne un article L. 262-9-6 du code de l’action sociale et des familles inexistant ; que toutefois, dès lors que la décision vise par ailleurs l’article L. 262-9-1 du même code et qu’il ne peut y avoir de doute qu’elle se réfère en réalité à ses dispositions, cette simple erreur matérielle est sans influence sur la régularité de la décision ;
    Au fond :
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mlle X..., ressortissante suisse, après avoir résidé quatre ans en Savoie pour y suivre des études, a demandé le 3 octobre 2006 le bénéfice du revenu minimum d’insertion ; que par une décision du 3 novembre 2006, le président du conseil général de la Savoie le lui a refusé au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions pour justifier d’un droit au séjour ;
    Sur le moyen tiré de ce que Mlle X... ne bénéficiait pas du droit au séjour :
    Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-9-1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée du président du conseil général de la Savoie : « Pour l’ouverture du droit à l’allocation, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des autres Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen doivent remplir les conditions exigées pour bénéficier d’un droit de séjour et avoir résidé en France durant les trois mois précédant la demande. (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont les dispositions procèdent à l’adaptation de la législation nationale à la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, tout citoyen de l’Union européenne, tout ressortissant d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s’il satisfait à l’une des conditions suivantes : 1o S’il exerce une activité professionnelle en France ; 2o S’il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4o de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance maladie ; 3o S’il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d’une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5o afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale (...) » ;
    Considérant, d’autre part, que le droit de tout citoyen de l’Union européenne de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres garanti par les stipulations de l’article 18 du traité instituant la communauté européenne, éclairées par la jurisprudence de la cour de justice des communautés européennes, s’exerce aussi longtemps que le ressortissant d’un autre Etat membre ne devient pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’Etat membre d’accueil ; qu’est ainsi admise une certaine solidarité financière des ressortissants de cet Etat avec ceux des autres Etats membres qui implique que ces derniers ressortissants, s’ils ont d’abord légalement séjourné sur le territoire de l’Etat membre d’accueil puis viennent à recourir à son système d’assistance sociale, ne perdent pas automatiquement de ce fait leur droit au séjour, notamment si les difficultés qu’ils rencontrent sont d’ordre temporaire ;
    Considérant, enfin, que l’accord du 21 juin 1999 entre la communauté européenne, ses États membres et la confédération suisse sur la libre circulation des personnes soumet la circulation et le séjour des ressortissants suisses dans un Etat membre de l’Union européenne aux mêmes conditions que la circulation et le séjour des ressortissants des autres Etats membres ; qu’en vertu de son article 2, toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite envers les ressortissants suisses qui séjournent légalement sur le territoire d’un Etat membre ; que, dès lors, ces ressortissants peuvent invoquer tant les principes énoncés ci-dessus que les dispositions relatives à l’allocation du revenu minimum d’insertion aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que les dispositions précitées de l’article L. 262-9-1 du code de l’action sociale et des familles et de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doivent être entendues comme permettant à un ressortissant suisse, qui a bénéficié du droit au séjour en France sur le fondement du 2o ou du 3o du même article L. 121-1 et cesse de faire état de ressources suffisantes au sens de ces dispositions, de conserver ce droit pendant un délai approprié pour faire face à des difficultés temporaires et de se voir accorder, pendant le même délai et si les autres éléments de sa situation le justifient, le bénéfice du revenu minimum d’insertion ; que si le président du conseil général invoque les termes d’une note d’information du 24 mars 2005 du ministre chargé de l’emploi selon lesquels une telle possibilité ne serait ouverte qu’aux citoyens de l’Union européenne et ressortissants étrangers assimilés qui, ayant bénéficié d’un droit au séjour, cesseraient d’en remplir les conditions à la suite d’un « accident de vie tel que perte d’emploi, séparation d’un conjoint ou cessation de vie maritale », une telle note d’information ne saurait avoir pour objet ni légalement pour effet d’ajouter, à l’exercice du droit de séjour de ces ressortissants, des conditions autres que celles définies par les normes de droit international et communautaire ainsi que législatives et réglementaires pertinentes ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté que jusqu’au mois précédant celui où elle a déposé sa demande de revenu minimum d’insertion, Mlle X... disposait de ressources suffisantes, qui lui étaient procurées par des libéralités de membres de sa famille, et d’une assurance maladie ; qu’il n’est pas davantage contesté qu’elle a immédiatement cherché à suppléer à la perte de ces ressources en s’engageant dans une recherche d’emploi ; que dans ces conditions et contrairement à ce que soutient le président du conseil général, elle ne faisait pas supporter par un choix purement personnel une charge déraisonnable au système français d’assistance sociale, mais se trouvait confrontée, à la date de sa demande, à des difficultés depuis un délai suffisamment bref pour lui permettre d’avoir recours à ce système sans perdre pour autant son droit au séjour ;
    Considérant que, dès lors, le président du conseil général ne pouvait légalement se fonder sur le motif que l’intéressée ne remplissait plus les conditions posées par les 2o et 3o de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour lui refuser, à cette même date, le bénéfice du revenu minimum d’insertion ; qu’il lui était seulement loisible, une fois ce bénéfice accordé si les autres éléments de sa situation le justifiaient, de réexaminer ultérieurement son droit à cette allocation et, le cas échéant, d’y mettre fin si elle demeurait, au-delà d’un délai raisonnable, une charge pour le système français d’assistance sociale ;
    Sur le moyen tiré de ce que Mlle X... ne pouvait s’engager dans une démarche d’insertion :
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que, postérieurement à sa demande de revenu minimum d’insertion, Mlle X... a renoncé à se maintenir en France plus d’un an après cette demande, en raison des difficultés qu’elle a rencontrées tant dans sa recherche d’emploi que du fait de son absence de ressources ; qu’une telle circonstance n’est pas de nature à établir qu’elle n’était pas disposée, à la date de cette demande, à s’engager dans une démarche d’insertion ; que dès lors, le moyen tiré de l’impossibilité pour elle de conclure un tel engagement manque en tout état de cause en fait ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que le président du conseil général de la Savoie n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale a annulé sa décision refusant à Mlle X... le bénéfice du revenu minimum d’insertion et le lui a accordé,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du président du conseil général de la Savoie est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 avril 2009 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. RANQUET, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 29 avril 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer