Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Ressources - Fraude
 

Dossier no 080897

M. X... et Mlle Y
Séance du 22 janvier 2009

Décision lue en séance publique le 27 janvier 2009

    Vu 1o ) la requête, enregistrée le 24 avril 2008 au secrétariat de la direction départementale de l’action sanitaire et sociale des Côtes-d’Armor, présentée par M. X..., demeurant dans les Côtes-d’Armor ; M. X... demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o D’annuler la décision du 15 février 2008 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor a sursis à statuer sur sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général des Côtes-d’Armor du 15 septembre 2007 suspendant le versement de son allocation de revenu minimum d’insertion ;
    2o Statuant immédiatement sur cette demande, d’annuler la décision du président du conseil général des Côtes-d’Armor ;
    Le requérant soutient que la commission départementale d’aide sociale a entaché sa décision d’irrégularité en ne statuant pas immédiatement alors qu’elle avait en sa possession tous les éléments nécessaires pour se prononcer ; que la décision de suspension est insuffisamment motivée ; qu’elle est intervenue au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que les éléments sur lesquels elle se fonde ne lui ont pas été communiqués au préalable ; qu’elle est entachée d’erreur matérielle sur la date du rapport de contrôle réalisé par les services de la caisse d’allocations familiales ; qu’elle ne pouvait légalement se fonder sur des éléments révélés postérieurement à l’unique enquête de ces services le concernant ; qu’en tout état de cause, aucun des éléments produits par le président du conseil général n’est de nature à établir l’existence d’une vie maritale entre lui et Mlle Y... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2008, présenté par le président du conseil général des Côtes-d’Armor, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu’eu égard à l’enquête préliminaire alors en cours et à la plainte qu’il a déposée du chef d’obtention frauduleuse du revenu minimum d’insertion, c’est à bon droit que la commission départementale d’aide sociale a sursis à statuer ; que l’instruction établit la réalité d’une vie maritale ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 août 2008, présenté par M. X..., qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
    Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2008, présenté par le président du conseil général des Côtes-d’Armor, qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu’une information judiciaire a été ouverte à l’encontre du requérant, notamment du chef d’obtention frauduleuse du revenu minimum d’insertion ;
    Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, présenté par M. X..., qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la plainte du président du conseil général sur le fondement de laquelle a été ouverte l’information judiciaire repose sur des faits inexacts ;
    Vu 2o ) la requête, enregistrée le 30 avril 2008 au secrétariat de la direction départementale de l’action sanitaire et sociale des Côtes-d’Armor, présentée par Mlle Y..., demeurant dans les Côtes-d’Armor ; Mlle Y... demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o D’annuler la décision du 15 février 2008 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor a sursis à statuer sur sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général des Côtes-d’Armor du 15 septembre 2007 suspendant le versement de son allocation de revenu minimum d’insertion ;
    2o Statuant immédiatement sur cette demande, d’annuler la décision du président du conseil général des Côtes-d’Armor ;
    La requérante soutient que la commission départementale d’aide sociale a entaché sa décision d’irrégularité en ne statuant pas immédiatement alors qu’elle avait en sa possession tous les éléments nécessaires pour se prononcer ; qu’elle est entachée d’erreur matérielle sur la date du rapport de contrôle réalisé par les services de la caisse d’allocations familiales ; qu’en tout état de cause, aucun des éléments produits par le président du conseil général n’est de nature à établir l’existence d’une vie maritale entre elle et M. X... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2008, présenté par le président du conseil général des Côtes-d’Armor, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu’eu égard à l’enquête préliminaire alors en cours et à la plainte qu’il a déposée du chef d’obtention frauduleuse du revenu minimum d’insertion, c’est à bon droit que la commission départementale d’aide sociale a sursis à statuer ; que l’instruction établit la réalité d’une vie maritale ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 septembre 2008, présenté par Mlle Y..., qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la décision de suspension est insuffisamment motivée ; qu’elle est intervenue au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que les éléments sur lesquels elle se fonde ne lui ont pas été communiqués au préalable ; qu’elle ne pouvait légalement se fonder sur des éléments révélés postérieurement à la date à laquelle l’unique enquête des services de la caisse d’allocations familiales la concernant est réputée « close » ;
    Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2008, présenté par le président du conseil général des Côtes-d’Armor, qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu’une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de la requérante, notamment du chef d’obtention frauduleuse du revenu minimum d’insertion ;
    Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 décembre 2008, présenté par Mlle Y..., qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la plainte du président du conseil général sur le fondement de laquelle a été ouverte l’information judiciaire repose sur des faits inexacts ;
    Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 5 août 2008 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 22 janvier 2009 M. Philippe RANQUET, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la requête de M. X... et celle de Mlle Y... présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
    Considérant que par deux décisions du 15 septembre 2007, la caisse d’allocations familiales des Côtes-d’Armor, agissant par délégation du président du conseil général, a suspendu le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion, d’une part, à M. X... et d’autre part, à Mlle Y..., au motif qu’ils n’avaient pas déclaré la vie maritale existant entre eux ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles : « Un recours contentieux contre les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum (...) peut être formé par toute personne qui y a intérêt devant la commission départementale d’aide sociale, mentionnée à l’article L. 134-6, dans le ressort de laquelle a été prise la décision. La décision de la commission départementale est susceptible d’appel devant la commission centrale d’aide sociale instituée par l’article L. 134-2. (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 262-41 du même code : « Tout paiement indu d’allocations (...) est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions, qu’il appartient aux juridictions de l’aide sociale de se prononcer non seulement sur la légalité des décisions mettant un indu à la charge d’un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion mais aussi sur l’étendue des droits de ce dernier et notamment, à cette fin, d’apprécier le bien-fondé de l’indu mis à sa charge à la lumière des éléments qui leur sont soumis, le cas échéant après avoir ordonné toutes mesures d’instruction qu’elles jugent utiles ; que cette appréciation n’est pas liée, dans le cas où des faits invoqués par l’administration comme motif de sa décision sont par ailleurs susceptibles de recevoir la qualification d’infraction pénale, à la décision du juge compétent pour se prononcer sur cette qualification ;
    Considérant qu’en prononçant, par ses décisions du 15 février 2008, un sursis à statuer sur les demandes de M. X... et de Mlle Y... tendant à l’annulation des décisions du président du conseil général mentionnées plus haut « dans l’attente des résultats de la procédure pour suspicion de fraude » qui devait résulter d’une plainte déposée par le président du conseil général à l’encontre des requérants du chef notamment d’obtention frauduleuse du revenu minimum d’insertion, la commission départementale d’aide sociale n’a pas ordonné une mesure d’instruction déterminée et nécessaire au jugement du litige, mais a en réalité subordonné l’intervention de ses propres décisions au fond à celles que prendront les autorités et juridictions saisies de la plainte ; qu’elle a ainsi méconnu son office et entaché ses décisions d’irrégularité ; que M. X... et Mlle Y... sont, par suite, fondés à en demander l’annulation ;
    Considérant qu’il y a lieu, pour la commission centrale d’aide sociale, d’évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. X... et Mlle Y... devant la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor ;
    Considérant qu’aux termes de l’article R. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire (...) est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article 1er (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article 1er ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’administration ne peut tenir compte des ressources d’un foyer composé, selon elle, de concubins qu’en recherchant si les intéressés mènent une vie de couple stable et continue et en l’établissant ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des rapports des enquêtes réalisées les 3 juillet et 9 août 2007 par les services de la caisse d’allocations familiales des Côtes-d’Armor, que M. X... et Mlle Y..., parents séparés d’un enfant, résident chacun à une adresse différente ; que s’ils ont par ailleurs des intérêts communs en ce qui concerne leurs activités d’insertion et sur le plan familial, la mère de M. X... hébergeant Mlle Y... et leur enfant résidant indifféremment chez l’un et l’autre de ses parents, ces circonstances ne sont pas de nature, à elles seules, à caractériser une vie de couple stable et continue ; que l’unique témoignage présentant les requérants comme un couple, qui consiste en des propos rapportés, est insuffisamment probant ; que le président du conseil général a, dès lors, inexactement apprécié la situation des requérants en retenant l’existence entre eux d’une vie maritale ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que M. X... et Mlle Y... sont fondés à demander l’annulation des décisions du président du conseil général des Côtes-d’Armor suspendant le versement à chacun d’eux de son allocation de revenu minimum d’insertion,

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions du 15 février 2008 de la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor sont annulées.
    Art. 2.  -  Les décisions du 15 septembre 2007 du président du conseil général des Côtes-d’Armor sont annulées.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 22 janvier 2009 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. RANQUET, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 27 janvier 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer