Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur succession - Etablissement
 

Dossier no 090575

M. X...
Séance du 6 novembre 2009

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009

    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 9 mars 2009, la requête de M. Y..., demeurant dans le Tarn, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn du 26 janvier 2009 rejetant sa requête dirigée contre la décision du président du conseil général du Tarn du 9 juillet 2008 décidant d’une récupération à l’encontre de la succession de M. X..., ensemble à l’annulation de ladite décision par les moyens que les dates retenues ne sont pas exactes M. X... n’étant plus au centre de B... pour avoir été hospitalisé dans plusieurs établissements du 31 juillet 2007 jusqu’à son décès le 9 décembre 2007 ; que l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles précise que le recouvrement s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède le seuil de 46 000 euros ; que l’actif net successoral est de 51 501,65 euros comme indiqué sur le relevé délivré par le notaire et non de 58 485 euros comme indiqué par le conseil général du Tarn ; qu’ainsi la somme réelle à récupérer ne s’élève pas à 54 521,33 euros mais à 51 996,75 euros et la part à récupérer compte tenu du seuil récupérable de l’actif net à 5 501,65 euros ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 15 juin 2009 le mémoire en défense du président du conseil général du Tarn tendant au rejet de la requête par les motifs que l’article L. 121-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit l’édiction d’un règlement départemental d’aide sociale ; que selon le règlement départemental les dépenses engagées au titre de l’accompagnement à la vie sociale donnent lieu à récupération sur la succession du bénéficiaire sur la partie de l’actif net successoral dès le premier euro et pour une dépense dès le premier euro ; que le curateur de M. X... a signé les demandes de renouvellement de prise en charge par l’aide sociale des frais engendrés par le placement de son protégé en SAVS ; que ce dernier et le curateur ont cosigné chaque notification de décision de prise en charge ou de renouvellement de prise en charge ; que l’actif de la succession s’élève à 89 658,00 euros et le passif à 4 173 euros, soit un actif net successoral de 85 485 euros selon un état des forces et charges envoyé par le notaire alors que le recours contre la succession s’exerce à hauteur de 54 521,33 euros représentant l’intégralité de la créance départementale et inférieur à l’actif net successoral ; que M. Y... n’a pas évoqué dans le présent recours les mêmes arguments qu’il avait évoqués dans son recours devant la commission départementale ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 6 novembre 2009, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il ressort du dossier que le rapporteur de la commission départementale d’aide sociale du Tarn était le fonctionnaire en charge du suivi du dossier soumis à la commission dans les services du département du Tarn ; que le principe d’indépendance et d’impartialité des juridictions administratives a été méconnu ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que, statuant par la voie de l’évocation, la commission centrale d’aide sociale est saisie des moyens de l’appelant dans sa demande au premier juge comme en appel ; qu’ainsi la circonstance que les moyens d’appel soient différents de ceux invoqués en première instance est sans incidence sur l’étendue de la saisine du juge d’appel auquel il revient d’examiner l’ensemble des moyens de première instance et d’appel ;
    Considérant que le dossier établit suffisamment la présentation de différentes demandes d’aide sociale pour la prise en charge des frais litigieux depuis le 3 janvier 2000 jusqu’au 8 décembre 2007 ; que la plupart de ces demandes sont signées par le curateur avec pouvoirs renforcés de l’assisté ; qu’en toute hypothèse celui-ci ne pouvait ignorer l’intervention du service qu’il n’a jamais contestée ; que dans ces conditions l’existence de prestations d’aide sociale récupérables sur la succession de l’assisté est suffisamment justifiée ;
    Considérant que malgré la formulation inappropriée des termes employés par l’administration (« placement », « établissement ») pour désigner le SAVS il est constant que le litige porte sur la récupération des frais d’intervention d’un service d’accompagnement à la vie sociale intervenant auprès de M. X... pour l’assister dans sa vie à domicile ; qu’ainsi les moyens tirés de l’autonomie de M. X... vivant à son domicile, locataire d’un appartement et payant ses repas du midi au centre d’aide par le travail qu’il fréquentait sont inopérants s’agissant de l’intervention d’un service d’accompagnement, alors même qu’un tel service ne fournit de prestations ni d’hébergement ni d’entretien ;
    Considérant que l’état des frais produit par le gestionnaire du service n’a pas été sérieusement contesté quant à leur montant et à leur durée ; qu’en cet état le montant des frais à récupérer est suffisamment justifié ;
    Considérant que l’article L. 132-8 ne s’applique qu’aux prestations d’aide sociale légale ; que le « service d’accompagnement à la vie sociale » est intervenu ainsi qu’il a été dit de 2000 à 2007 soit avant la loi du 2 janvier 2002, après la publication de cette loi mais avant l’entrée en vigueur du décret du 22 octobre 2003 et après celle-ci, mais qu’en toute hypothèse aucune des « sous périodes » de l’intervention du service ne peut être regardée comme régie par les textes relatifs aux prestations d’aide sociale légale aux adultes handicapés ; qu’en effet même si les services sont dorénavant au nombre des interventions visées par le 7 de l’article L. 312-1, l’article L. 344-5 édicte que le champ d’intervention de l’aide sociale légale ne concerne toujours que les frais « d’hébergement et d’entretien » ; que comme il résulte de ce qui a été précisé plus haut un service d’accompagnement à la vie sociale ne peut selon la jurisprudence constante de la présente formation de la commission centrale d’aide sociale non infirmée à ce jour par le Conseil d’Etat dispenser des prestations « d’hébergement et d’entretien » ; qu’au surplus, ledit article L. 344-5 concerne les frais exposés dans les « établissements » relevant du 7 de l’article L. 312-1 et qu’un service n’est pas un établissement au sens dudit 7 comme à celui de la langue française ; qu’ainsi la commission centrale d’aide sociale maintient que les frais d’intervention des services ne sont pas des frais d’hébergement et d’entretien dans les établissements en charge de l’aide sociale légale même si elle a récemment, par sa décision Président du conseil général de la Côte-d’Or contre Président du conseil général des Alpes-Maritimes no 080044 du 6 février 2009, abandonné sa jurisprudence selon laquelle dans un foyer fonctionnant en externat il n’était pas exposé des frais « d’hébergement et d’entretien » au sens de l’article L. 344-5 d’où il suivait que l’intervention de l’aide sociale dans de tels foyers relevait de l’aide sociale facultative pour appliquer désormais la jurisprudence du conseil d’Etat CANCIANI selon laquelle l’intervention dans de tels externats relève bien de l’aide sociale légale ; que dans l’attente d’une modification des textes applicables leur conférant pour sa compréhension une intelligibilité sur laquelle elle appelle l’attention depuis près de dix ans, elle n’entend pas pour autant, notamment dans la présente instance, abandonner sa jurisprudence selon laquelle l’intervention d’un service d’accompagnement à la vie sociale ne peut être considérée comme celle d’un établissement au sens de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ; que dans ces conditions, avant comme après l’intervention respectivement de la loi du 2 janvier 2002 et du décret du 23 octobre 2003, il n’existe aucun fondement législatif à l’intervention de l’aide sociale légale pour la prise en charge de frais d’intervention d’un service de la sorte ; qu’une telle intervention relève de l’aide sociale facultative ; qu’en conséquence l’article L. 132-8 relatif aux récupérations notamment contre la succession qui s’applique aux prestations d’aide sociale légale est sans implication sur l’existence d’un fondement légal aux récupérations des prestations de la sorte ; qu’un tel fondement relève de la compétence du règlement départemental d’aide sociale ; qu’en l’espèce, malgré un supplément d’instruction diligenté auprès du département du Tarn, celui-ci n’a pas été en mesure de justifier l’existence des dispositions réglementaires prévoyant la récupération contre la succession pour l’intervention des SAVS dans son règlement départemental d’aide sociale que pour compter de la date d’opposabilité aux tiers de la délibération du conseil général du 26 juin 2006 insérant au règlement départemental d’aide sociale la fiche 46 « accueil par un service d’accompagnement à la vie sociale » notamment son article 46-05 « actions en récupération » contre la « succession du bénéficiaire » récupération sur l’actif net successoral dès le premier euro et pour une dépense dès le premier euro ;
    Considérant qu’ainsi il y a lieu d’accorder décharge à M. Y... de la récupération des frais exposés pour l’intervention du service entre le 3 janvier 2000 et le lendemain de la date de publication au recueil officiel des actes du département de la délibération du 26 juin 2006 ;
    Considérant que M. Y... soutient sans contestation que son fils a été hospitalisé du 31 juillet 2007 à son décès le 9 décembre 2007 ; que la mission des SAVS ( qui sont des services d’intervention « sociale » et « non médico-sociale ») définie au 7o du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles applicable durant la période litigieuse concerne le soutien à domicile ; que bien que l’intervention de ces services relève, comme il a été dit, de l’aide sociale facultative le département ne saurait dans son règlement départemental d’aide sociale étendre ladite mission au-delà de celle qui est définie par la loi en prévoyant la possibilité de récupération des prestations correspondantes ; qu’ainsi la « définition » du service d’accompagnement à la vie sociale donnée à l’article 46-01 du règlement départemental d’aide sociale du Tarn qui le défini à tort comme structure « médico-sociale » alors qu’il s’agit d’une structure « sociale » n’est pas opposable dans la présente instance à M. Y... ; qu’il suit de là, que quelle qu’ait pu être la « densité » de l’intervention du service lors de l’hospitalisation de l’assisté, les prestations qui y auraient été dispensées lors de celle-ci ne sont pas récupérables contre la succession dès lors qu’elles n’entrent pas dans la définition de l’intervention des services sociaux constitués par les SAVS donnée par le 7o de l’article L. 312-1 ; qu’il y a lieu, en conséquence, de décharger la succession de M. X... de la partie de la récupération correspondant aux interventions du service à compter du 1er août 2007 ;
    Considérant par contre que l’intervention des services d’accompagnement à la vie sociale relevant, comme il a été dit, de l’aide sociale facultative M. Y... n’est en tout état de cause pas fondé à se prévaloir de la limitation de la récupération par l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles relatif à celle des prestations légales d’aide sociale sur la partie de l’actif net successoral excédant un seuil déterminé par décret et que le règlement départemental d’aide sociale du Tarn était fondé à prévoir la récupération de la dépense dans son intégralité « dès le premier euro et pour une dépense dès le premier euro » ;
    Considérant que compte tenu de ce qui précède les frais récupérables de la date d’opposabilité de la délibération du 26 juin 2006 au 31 juillet 2007 sont en toute hypothèse inférieurs au montant de l’actif net successoral que celui-ci soit fixé à 58 485 euros comme le soutient l’administration ou à 51 501,65 euros comme le soutient M. Y... ; qu’ainsi le moyen tiré par celui-ci de ce que l’actif net successoral à considérer est de 51 501,65 euros est sans incidence sur le montant de la récupération à pratiquer ;
    Considérant enfin que les circonstances que M. X... acquittait ses repas au centre d’aide par le travail et qu’il n’a jamais « touché ou reçu d’argent concernant une aide sociale quelconque », le coût des tarifs étant directement versé au gestionnaire du service par le département, demeure sans incidence, compte tenu de ce qui précède, sur la légalité et le bien-fondé de la récupération,

Décide

    Art. 1er.  -  La récupération à l’encontre de la succession de M. X... des frais d’intervention du service d’accompagnement à la vie sociale par le département du Tarn est limitée à la période correspondant à l’intervention du service à compter du lendemain de la date de publication au recueil officiel du département du Tarn de la délibération du 26 juin 2006 jusqu’au 31 juillet 2007.
    Art. 2.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale du Tarn en date du 26 janvier 2009 et du président du conseil général du Tarn en date du 9 juillet 2008 sont réformées en ce qu’elles ont de contraire à l’article 1er.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 novembre 2009 où siégeaient M. LEVY, président, M. JOURDIN, assesseur, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer