Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur donation - Assurance-vie
 

Dossier no 061624

M. X...
Séance du 6 novembre 2009

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009

    Vu enregistré à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône le 8 novembre 2006, la requête du président du conseil général du Rhône tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône en date du 20 juin 2006 réformant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Lyon 5e, du 29 octobre 2004, en limitant à 2 343,13 euros la récupération à l’encontre de Mme V... en qualité de donataire de M. X..., bénéficiaire de l’aide sociale, au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par celui-ci par les moyens qu’en application de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles le département est fondé en droit à exercer un recours en récupération de la totalité de sa créance à l’encontre des donataires ou bénéficiaires d’un contrat assurance-vie assimilé à une donation et qu’il interjette appel de la décision déférée afin d’assurer une équité entre les bénéficiaires de l’aide sociale ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 4 janvier 2007 le mémoire de Mme V... exposant qu’elle avait accepté la décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône sans faire appel et qu’elle ne comprend pas celui formulé par le président du conseil général du Rhône, l’ensemble des péripéties de cette affaire l’empêchant de faire son deuil ; qu’elle avait organisé le maintien à domicile de ses parents et était très présente auprès d’eux ; que lorsque son père a été conduit dans un centre de soins de longue durée elle n’a eu de cesse d’indiquer que sa famille n’avait pas les moyens d’acquitter les frais de séjour et qu’il lui a été répondu que ses parents ont droit à l’aide sociale et que « l’on » s’occupait de tout ; qu’ainsi la « consommation » de l’aide sociale est intervenue malgré eux et malgré elle ; que sa situation familiale s’est détériorée avec le décès brutal d’un de ses fils laissant 2 petits-enfants et la précarisation de ses trois autres enfants ; que les économies de ses parents décédés ont eu dès 2003 leur utilité au nom de la solidarité familiale ; qu’elle touche une petite retraite et que son époux devra prendre la sienne, « après avoir prolongé sa vie active en raison de la situation générée », en mars 2007 ; que le capital versé au titre de l’assurance-vie ne fait pas partie de la succession et que l’aide sociale ne peut donc être récupérée sur ce capital ;
    Vu enregistré le 25 septembre 2009, la lettre du 20 septembre 2009 par laquelle Mme V... transmet à nouveau son précédent mémoire et expose en outre qu’elle a depuis remboursé la somme 6 643,13 euros malgré une retraite de 869,47 euros et qu’elle ne comprend pas « ce nouveau recours » 6 ans et 5 mois après le décès de ses parents alors que l’aide sociale remise en question en décembre 2006 a été réévaluée en février 2008 par la commission centrale d’aide sociale ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 6 novembre 2009, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que les parents de Mme V... sont décédés respectivement, M. X... le 16 juin 2003 et Mme X... le 13 juillet 2003 ; que la commission d’admission à l’aide sociale de Lyon 5e a par deux décisions du 29 octobre 2004 récupéré 5 439 euros à l’encontre de la succession de Mme X... (actif net 16 239,79 euros) au titre de l’avance de frais d’hébergement consentie à Mme X... et 3 995,94 euros à l’encontre de la succession de M. X... (montant de l’actif net) ainsi que 690,32 euros à, raison de la souscription par M. X... de contrats d’assurance-vie décès regardée comme donation indirecte ; que par deux décisions du 20 juin 2006 la commission départementale d’aide sociale du Rhône a dans l’exercice de son pouvoir de juridiction gracieuse limité à la moitié des sommes récupérées respectivement par les deux décisions de la commission d’admission à l’aide sociale la somme récupérée ; que le président du conseil général du Rhône a déféré ces deux décisions à la commission centrale d’aide sociale par deux requêtes concernant la succession de Mme X... enregistrée sous le no 061625 et la succession et la donation indirecte de M. X... enregistrée sous le no 061624 ; que par une décision du 18 janvier 2008 la commission centrale d’aide sociale a statué sur la seule requête 061625 relative à la récupération contre la succession de Mme X... et réduit l’assiette de la récupération en fixant celle-ci à 4 000 euros ; que dans la présente instance no 061624 le président du conseil général du Rhône se pourvoit contre la décision de la commission départementale d’aide sociale concernant la succession et la donation indirecte dans le chef de M. X... ; que cette décision bien qu’elle ne statue au titre de la légalité de la récupération qu’en ce qui concerne la donation indirecte accorde une modération de la moitié de la créance globale (succession + donation indirecte) alors que l’insuffisance de sa motivation qui n’est pas d’ordre public n’est pas contestée en tant qu’elle ne statue pas en droit sur la légalité de la récupération contre la succession ;
    Considérant dans ces conditions qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale de statuer sur les conclusions formulées dans la présente instance par le président du conseil général du Rhône appelant et Mme V... intimée ; que la décision de la commission centrale d’aide sociale du 18 janvier 2008, qui porte sur un litige ayant une cause juridique et en toute hypothèse un objet différent de celui du litige soulevé dans la présente instance, a été rendue dans une instance de plein contentieux et n’a pas autorité de la chose jugée dans la présente instance ;
    Considérant que dans sa lettre d’appel, seul mémoire qu’il ait produit au dossier de la présente instance le président du conseil général appelant se borne à soutenir que sa requête est formulée « afin d’assurer une équité entre les bénéficiaires de l’aide sociale » ; qu’un tel motif est entaché à la fois d’insuffisance de motivation rendant la requête irrecevable et en toute hypothèse d’erreur de droit puisqu’il est de la nature même des pouvoirs de juridiction gracieuse du juge de l’aide sociale statuant en matière de récupération de tenir compte à situation légale identique des situations financières, sociales et humaines différentes des personnes recherchées en récupération ;
    Considérant que dans la présente instance le président du conseil général ne fournit aucun document permettant d’apprécier à la date de la présente décision la situation financière et sociale du foyer des époux V... non plus d’ailleurs qu’à une date antérieure ; que le seul mémoire produit est la requête d’appel sur les moyens de laquelle il vient d’être statué ; qu’ainsi la requête présentée dans la présente instance doit être rejetée comme irrecevable et en tout état de cause comme reposant sur un unique moyen entaché d’erreur de droit ;
    Considérant que le mémoire juridiquement autodidacte de Mme V... enregistré le 4 janvier 2007 doit être regardé comme comportant recours incident à l’encontre de la décision attaquée au motif, d’une part qu’en droit la récupération en tant qu’elle porte sur les primes souscrites au titre de contrats d’assurance-vie décès ne peut être exercée sur les capitaux versés en application de ces contrats ne faisant pas partie de la succession, d’autre part que la situation financière, humaine et sociale de son foyer compte tenu des charges entrainées par la charge de deux petits-enfants après le décès de leur père et la situation précaire de trois autres enfants des époux V... justifient remise ou à défaut modération plus importante de la créance récupérée laissée à sa charge par le premier juge ;
    Considérant que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions contestant la légalité de la récupération contre le donataire, l’unique moyen formulé au soutien de telles conclusions est inopérant dès lors que la récupération dont il s’agit est exercée au titre d’une donation indirecte et non contre la succession et qu’ainsi la circonstance que le capital versé par l’assureur promettant au décès de M. X... ne fasse pas partie de la succession est sans incidence sur le droit du département à rechercher la récupération des primes qui l’ont généré au titre d’une donation indirecte ;
    Considérant que les conclusions interprétées comme tendant à la remise ou à défaut à une modération plus étendue de la créance de l’aide sociale ne présentent pas à juger un litige distinct de celui introduit par l’appel du président du conseil général du Rhône qui ne porte que sur l’usage par le premier juge de ses pouvoirs de juridiction gracieuse de remise ou de modération ;
    Considérant que, comme il a été dit, la décision de la commission centrale d’aide sociale du 18 janvier 2008 n’a pas autorité de chose jugée dans la présente instance ; que le juge de plein contentieux de l’aide sociale statue au vu des éléments de fait à la date de sa décision ; qu’à la date de la présente décision, comme d’ailleurs il en est déjà à celle de la décision de la commission centrale d’aide sociale du 18 janvier 2008, il n’est pas contesté que M. V... a fait valoir ses droits à la retraite après avoir retardé leur exercice en raison des sommes mises à charge du foyer par l’aide sociale et de leurs incidences sur la situation financière de celui-ci compte tenu de ces charges ; que dans ces conditions les revenus à prendre en compte ne sont pas ceux résultant de l’avis d’imposition 2003 mais bien ceux perçus en 2007 qui ont connu une diminution très significative après la mise à la retraite de M. V..., même si les avis d’imposition 2007 et 2008 ne sont pas versés au dossier ; que, comme il a été dit, le premier juge a récupéré 2 343,13 euros au titre des deux récupérations décidées par la commission d’admission à l’aide sociale tant contre la succession que contre le donataire ;
    Considérant qu’eu égard au montant des revenus du foyer, après la mise à la retraite de M. V..., et aux charges de celui-ci au titre desquelles il n’est pas allégué et ne ressort pas du dossier que la mise en œuvre de l’obligation alimentaire à l’égard des deux petits-enfants précités et des autres enfants du couple en situation de précarité comme du devoir de secours à l’égard de ces derniers des époux V... ait cessé d’être nécessaires, il y a lieu, nonobstant la perception par Mme V... de capitaux d’environ 15 000 euros (après déduction des 4 000 euros récupérés par l’aide sociale sur la succession de Mme X... et de M. X...) et des capitaux correspondant aux primes d’environ 15 000 euros en qualité de bénéficiaire d’une donation indirecte de M. X... de porter le montant de la remise à accorder dans la présente instance de la moitié au trois quarts des sommes globalement en cause (succession + donation indirecte) en récupérant ainsi contre la succession de M. X... une somme ramenée à 1 171,56 euros ; qu’en application de la présente décision il appartient à la collectivité d’aide sociale de reverser à Mme V... la somme de 1 171,56 euros qu’elle a déjà versée en soldant globalement sa dette à son égard après le décès de ses deux parents en septembre 2008 au titre des sommes avancées à ceux-ci, telle que cette dette procédait de la décision de la commission centrale d’aide sociale du 18 janvier 2008 et de la décision présentement litigieuse de la commission départementale d’aide sociale du Rhône du 20 juin 2006,

Décide

    Art. 1er.  -  La récupération à l’encontre de Mme V... en qualité d’héritière de son père M. X... est limitée à 1 171,56 euros. Il n’y a lieu à récupération à son encontre en qualité de donataire indirecte.
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône no 9247 en date du 20 juin 2006 est réformée en ce qu’elle a de contraire à l’article 1er.
    Art. 3.  -  Les conclusions de la requête d’appel du président du conseil général du Rhône et le surplus des conclusions de Mme V... devant la commission centrale d’aide sociale sont rejetés.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 novembre 2009 où siégeaient M. LEVY, président, M. JOURDIN, assesseur, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer