Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur donation - Assurance-vie
 

Dossier no 070459

Mlle X...
Séance du 6 novembre 2009

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009

    Vu enregistré à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône le 9 octobre 2006, la requête présentée par Mme Y... demeurant dans le Val-de-Marne, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône du 20 juin 2006 réformant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du Rhône du 7 septembre 2004 décidant à son encontre d’une récupération contre le donataire des prestations avancées par l’aide sociale à Mlle X... du 1er juin 2001 au 16 novembre 2003 au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par celle-ci à son bénéfice et décider qu’aucune récupération ne sera pratiquée par les moyens que la décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône est « irrecevable » comme ne précisant pas le fondement juridique qui le justifie ; qu’elle n’est pas motivée, la commission n’indiquant pas quel type de recours elle exerce et ne visant aucun texte ; qu’un contrat d’assurance-vie n’est ni une donation comme l’a d’ailleurs rappelé la commission départementale d’aide sociale ni une succession ce que ne conteste pas le premier juge ; que sa décision porte atteinte tant à la bonne foi de la défunte qu’à celle de Mme Y... compte tenu des dates de souscription du premier et du second contrat (9 ans et 2 ans) avant de bénéficier des prestations récupérées ; que Mlle X... ne pouvait prévoir qu’elle allait vivre suffisamment longtemps pour devoir recourir un jour aux prestations d’aide sociale et que d’ailleurs elle a payé elle-même la maison de retraite tant qu’elle l’a pu ; que la commission d’admission à l’aide sociale n’a jamais justifié le montant de la récupération ; que sa situation doit être prise en considération s’étant toujours occupée de Mlle X... de façon intense et continue évitant ainsi le coût d’une tutrice ; qu’il y aurait lieu, dès lors, de prendre en compte les dépenses assumées et qu’en outre elle ne dispose que d’une petite retraite et a dû assister son conjoint handicapé ; qu’en toute hypothèse devraient être appliquées les dispositions des articles 757 b et 9901 du code général des impôts ;
    Vu l’absence de mémoire en défense du président du conseil général du Rhône ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 6 novembre 2009, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en tant que la décision litigieuse confirme la non récupération des avances correspondant aux arrérages de prestation spécifique dépendance, nonobstant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale et dans son article 2 réforme la décision attaquée en limitant la récupération à 16 908,63 euros, elle n’est pas contestée quelle que puisse en être la régularité et ne présente à juger à ce titre aucune question d’ordre public ;
    Considérant qu’au nombre des recours prévus par l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles figurent, notamment, le recours contre le donataire et le recours contre la succession ; qu’après avoir énoncé que « la libéralité résultant de la souscription par le bénéficiaire désigné d’un contrat d’assurance-vie (...) ne peut être qualifiée de donation », puis énoncé « surabondamment (...) que la requalification en donation (...) présenterait un caractère particulièrement inéquitable (...) par l’effet de la privation du seuil de récupération de la prestation spécifique dépendance » alors que le département du Rhône avait de son propre chef décidé, dès le 28 septembre 2004, que les arrérages de prestation spécifique dépendance ne seraient pas récupérés nonobstant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du Rhône du 7 septembre 2004 et d’ailleurs devant la commission départementale « renonçait à la récupération de la somme de 7 300,43 euros » le premier juge a néanmoins maintenu la récupération à hauteur de 16 908,63 euros (frais d’hébergement) au motif que « la souscription des contrats d’assurance-vie a, en l’espèce, pour effet d’éluder une partie des droits de récupération sur succession du département du Rhône puisqu’aucun seuil de récupération n’est prévu dans les dépenses d’hébergement en établissement pour personnes âgées » ; qu’il n’a pas pour autant légalement fondé la récupération sur le fondement du a) de l’article L. 132-8 relatif au recours contre la succession, l’actif net de la succession étant en fait inexistant ; qu’en conséquence en récupérant néanmoins la somme de 16 908,63 euros la commission départementale d’aide sociale du Rhône a entaché sa décision d’une contradiction des motifs et en toute hypothèse d’un manque de base légale ; qu’il y a lieu, toutefois, pour la commission centrale d’aide sociale saisie par l’effet dévolutif de l’appel, dès lors que contrairement à ce que soutient Mme Y... en appel l’insuffisance et le manque sus précisé ne concernent ni « la recevabilité » (?) ni la régularité de la décision du premier juge mais bien la légalité interne de cette décision, d’examiner les autres moyens soulevés par Mme Y... devant le premier juge et en appel ;
    Considérant que l’assistée a souscrit à 83 et 89 ans les deux contrats d’assurance-vie décès litigieux ; que le premier était d’un montant de 30 489,81 euros ; qu’au décès de Mlle X... à 94 ans il n’existait aucun actif successoral ; que dans ces conditions les stipulations pour autrui constituées par les souscriptions litigieuses peuvent être requalifiées en donation indirecte si elles procèdent d’une intention libérale de Mlle X... à l’égard de Mme Y... ; que le caractère rémunératoire de la donation ainsi requalifiée - lequel établirait l’absence de l’intention libérale de la donatrice - n’est pas établi, nonobstant l’accompagnement non contesté de Mlle X... par Mme Y... et les frais que celle-ci a exposés ;
    Considérant qu’aucune disposition ne fixe un plancher de récupération en matière de recours contre le donataire ;
    Considérant que l’antériorité des donations par rapport à la demande d’aide sociale demeure sans incidence sur la légalité de la récupération dès lors que le fait générateur de la créance est en l’espèce avéré à la date de la demande d’aide sociale postérieure à celles des souscriptions des contrats constitutifs de donations indirectes ; qu’à la date de la demande d’aide sociale l’article L. 132-8 prévoyait que pouvaient être recherchées les donations consenties dans les dix ans ayant précédés la demande d’aide sociale ;
    Considérant que la circonstance que les avis de sommes à payer délivrés postérieurement à la décision de la commission d’admission comportent par erreur matérielle un montant récupéré de 10 908,63 euros n’est pas de nature à justifier de l’inexactitude du montant de 16 908,63 euros recherché par l’administration dans la présente instance ;
    Considérant que la circonstance que Mme Y... ait engagé des frais en faveur de Mlle X... est en elle-même sans incidence, alors que le montant n’en est d’ailleurs pas établi, sur la légalité de la récupération à raison du montant des primes versées lors de la souscription des deux contrats d’assurance-vie décès litigieux ;
    Considérant que dès lors que, comme il a été dit, les donations indirectes ont bien été constituées dans le délai d’antériorité de dix ans prévu au b) de l’article L. 132-8, la bonne foi de Mlle X... qui ne pouvait selon Mme Y... envisager qu’elle vivrait suffisamment longtemps pour être ultérieurement bénéficiaire de prestations d’aide sociale demeure sans incidence sur la légalité et le bien-fondé de la récupération intervenue dans le délai dit ;
    Considérant que les dispositions dont l’application est revendiquée du code général des impôts relèvent d’une législation indépendante de la législation de l’aide sociale et sont sans application dans la présente instance ;
    Considérant que Mme Y... était le seul soutien de Mlle X... à l’égard de laquelle elle n’était pas tenue d’une obligation alimentaire ; que si le caractère rémunératoire de la donation n’est, comme il a été dit, pas établi et si les revenus du foyer de Mme Y... (environ 2 700 euros par mois pour deux personnes) ne sont pas de nature à justifier d’une remise ou d’une modération de la créance, nonobstant le handicap de l’époux de la requérante, il reste que Mme Y... a apporté pendant de nombreuses années une attention constante à Mlle X... sur les plans matériel et affectif, a assumé des frais non négligeables en sa faveur et a supporté des frais d’obsèques après son décès ; que dans l’exercice de ses pouvoirs de juridiction gracieuse il est loisible, compte tenu de l’intensité de l’engagement dont il s’agit qui n’est pas contestée, au juge de l’aide sociale de modérer la créance alors même que les revenus du foyer de la donataire ne le justifient pas quant à eux à soi seul ; qu’il sera fait une équitable appréciation des circonstances de l’espèce au vu des pièces du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale en ramenant la créance récupérée sur le fondement du b) de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles à 10 000 euros et en donnant en conséquence décharge de la somme de 6 908,63 euros,

Décide

    Art. 1er.  -  Les prestations avancées par l’aide sociale à Mlle X... sont récupérées à l’encontre de Mme Y... à hauteur de 10 000 euros.
    Art. 2.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône du 20 juin 2006 et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du Rhône du 7 septembre 2004 sont réformées en ce qu’elle ont de contraire à l’article 1er.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 novembre 2009 où siégeaient M. LEVY, président, M. JOURDIN, assesseur, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer