Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Succession
 

Dossier no 081359

Mme X...
Séance du 18 décembre 2009

Décision lue en séance publique le 22 janvier 2010

    Vu enregistrée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Alpes-Maritimes le 23 juin 2008, la requête de Mme Y... et de Mme Z..., représentées par maître Frédérique MASCHI, avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 4 mars 2008 rejetant leur demande dirigée contre une décision du 5 juin 2007 du président du conseil général des Alpes-Maritimes décidant d’une récupération de 30 490 euros à l’encontre de la succession de Mme X..., leur grand-mère ; fixer le montant de l’actif net de la succession à 1 500 euros ; les décharger de toute récupération ; à titre subsidiaire leur accorder les plus larges délais par les moyens que la valeur du bien immobilier à prendre en considération s’entend au jour du décès ; qu’en l’espèce l’estimation de la valeur de 30 490 euros a été faite le jour de l’acte du notaire établi en 2006 et non au jour du décès selon un marché immobilier qui n’avait rien de commun avec le marché immobilier de 1995 ; que Mme X... a laissé pour toute succession la moitié indivise d’une maison à l’abandon en état de total délabrement et insalubrité ; qu’une estimation du 15 décembre 1997 par le cabinet C... indique une valeur estimée à 80 000 francs (12 000 euros) ; qu’elles versent également une estimation de la valeur du bien en 1995 établie par le cabinet D... et divers autres pièces établissant l’excès de la valeur retenue ; que le recours ne pourrait excéder la somme de 12 000 euros soit en ce qui concerne la succession de Mme X... la moitié indivise soit 6 000 euros ; que l’actif net successoral doit prendre en compte l’intégralité des charges supportées par la succession ; que depuis 1985 elles ont exposé un montant de 3 000 euros de taxe foncière soit 1 500 euros à déduire de la valeur dont s’agit ; que les circonstances particulières du dossier justifient compte tenu de ce que pour remettre la maison en état elles doivent exposer des travaux de 30 000 euros ; qu’elles soient déchargées de toute récupération ; que si elles devaient régler outre le montant des travaux la créance de l’aide sociale l’appartement demeurerait inhabité et inhabitable ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré le 3 novembre 2008 le mémoire en date du 6 octobre 2008 du président du conseil général des Alpes-Maritimes tendant au rejet de la requête par les motifs que les requérantes n’ont pas souscrit comme il leur appartenait de le faire dans les six mois du décès la déclaration de succession ; que cette carence est sanctionnée par les articles 1727 et suivants du code général des impôts ; qu’une attestation immobilière établie le 28 mars 2006 près de 11 ans après le décès de Mme X... estime le bien à 60 890 euros ; que d’ailleurs les taxes foncières réglées jusqu’en 2006 étaient au nom de M. X... ; que les requérantes ont accepté l’actif de la succession et refusent d’en régler le passif ; que les héritiers sont tenus de payer les charges de la succession dont le passif les comprend ; que la responsabilité de la déclaration tardive incombe ainsi aux héritières qui en acceptant la succession demeurent solidaires du passif ; que dans une lettre du 18 juillet 1994 Mme Z... a indiqué qu’elle ne fréquentait plus sa grand-mère depuis 1974 et que néanmoins elle acceptait la succession de celle-ci ;
    Vu enregistré le 10 décembre 2008 le mémoire en réplique présenté pour les requérantes persistant dans les conclusions de la requête par les mêmes moyens et les moyens qu’elles versent au débat une correspondance de Maître W..., notaire chargé de la succession, d’où il résulte que la valeur totale fixée le 28 mars 2006 n’est pas la valeur vénale du bien au jour du décès mais que l’évaluation « tenait compte de la valeur du bien à neuf » alors qu’il « s’avère que ce bien n’a jamais été restauré »et qu’un expert immobilier a évalué ledit bien à la somme de 12 000 euros ; qu’aucune déclaration de succession selon le notaire instrumentaire n’a été déposée « en raison de la faiblesse de l’actif de succession représenté par le seul bien à B... (aucun droit n’était dû) » ;
    Vu enregistré le 20 janvier 2009 le mémoire du président du conseil général des Alpes-Maritimes persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que la moitié indivise de l’appartement propriété de Mme X... est estimée en date du 20 février 1986 à 120 000 francs soit 18 320 euros ; que cet élément est de nature à introduire un doute supplémentaire sur le caractère probant d’une estimation immobilière réalisée 12 ans plus tard ; que le délabrement actuel est encore la preuve de la négligence des requérantes ; que la correspondance du notaire dont les requérantes se prévalent dans leur mémoire en réplique ne peut prévaloir ; qu’en effet les requérantes ne peuvent fournir d’évaluation du bien immobilier objet de la succession le seul document produit n’étant pas probant puisqu’établi en mars 2006 ; qu’en 1995 les cas de dispense de la déclaration de succession concernait l’actif net successoral dont le montant brut ne dépassait pas 10 000 francs (1 500 euros) et que même en considérant que le bien devait être estimé à 12 000 euros la déclaration restait obligatoire ; que la collectivité d’aide sociale n’est pas concernée par les rapports entre la succession et son notaire ; que les débours que les requérantes prétendent avoir exposés sont de la responsabilité de tout propriétaire d’un bien immobilier et ne sauraient venir en déduction de l’aide sociale ;
    Vu enregistré le 24 février 2009 le nouveau mémoire présenté pour Mme Y... et Mme Z... ramenant à 5 500 euros le montant de l’actif net de la succession et ainsi à 4 000 euros le montant sur lequel le recours en récupération pourrait s’exercer si compte tenu des circonstances particulières de l’espèce il était décidé qu’il y a lieu à récupération ; elles persistent dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et ajoutent qu’un constat d’huissier que Mme Y... a fait établir le 8 novembre 2005 indique que la toiture avait déjà été refaite ; que les circonstances particulières du dossier justifiant la décharge de toute récupération procèdent de ce que les consorts X... ont déjà effectué de nombreux travaux de remise en état et que si elles devaient régler le montant de la récupération recherchée elles devraient arrêter les dits travaux faute de moyens financiers alors qu’il appartient aux commissions d’aide sociale de fixer les sommes à récupérer compte tenu des circonstances particulières à chaque espèce ;
    Vu enregistré le nouveau mémoire du président du conseil général des Alpes-Maritimes en date du 27 mars 2009 persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et le motif que la déclaration de succession effectuée le 17 février 2009 a été faite de mauvaise foi 14 ans après le décès de Mme X... et qu’elle est destinée à éluder les droits de la collectivité d’aide sociale ;
    Vu enregistré le 18 décembre 2009 à 15 heures 30 le mémoire présenté par Mme Y... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’elle est la seule requérante à s’occuper du dossier aidée par Maître MASCHI ; que sa sœur qui a rompu ses liens avec la famille paternelle déclare depuis toujours ne rien accepter de sa grand-mère ; qu’elle seule s’est occupée de sa grand-mère durant ses dernières années étant l’unique personne de la famille à lui rendre visite et à s’organiser ses funérailles ; qu’elle a fait entière confiance à l’étude notariale qui avait déjà assuré la succession de tous les autres membres la famille décédés avant sa grand-mère ; qu’elle ne savait pas que pour celle-ci seulement l’étude n’avait pas fait de déclaration de succession auprès du service des impôts et que la mauvaise foi qui lui est imputée est ainsi contestable ; que l’appartement litigieux ne lui a apporté que tracas, soucis et frais ; que d’importants travaux sont à faire mais que devant les difficultés rencontrées ils sont passés au second plan ; qu’elle n’a jamais rien retiré du bien ; que c’est lors de la création d’un règlement de copropriété que l’étude a demandé une estimation de la valeur du bien une fois les travaux terminés ; que sa seule demande était que les sommes réclamées soient en lien avec la valeur du bien tel qu’il était au moment du décès de sa grand-mère et tel qu’il est encore n’ayant pu finir les travaux pour mettre l’appartement aux normes ; qu’elle est toujours disponible pour rencontrer l’administration et s’expliquer de vive voie ; qu’elle est infirmière à mi-temps de nuit au service des accidentés de voie publique, et à mi-temps de jour au Samu-social auprès des plus démunis et des sans domicile stable ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 18 Décembre 2009, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le recours contre la succession prévu au 1 de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles s’effectue dans la limite de l’actif net successoral à la date du fait générateur de la récupération, soit le décès de l’assisté ;
    Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que l’actif net successoral hors créance d’aide sociale auquel se réfère à bon droit la requête est de 11 100 euros dont la moitié 5 500 euros au titre de la part indivise afférente à la succession de Mme X..., l’assistée ; qu’il résulte d’ailleurs d’une estimation de valeur établie par la C..., analyste immobilier relevant du Crédit agricole en date du 15 décembre 1997, confirmée par une évaluation détaillée de la société D..., expert immobilier, établie le 28 mars 2006 sans que sa valeur probante corroborant l’estimation antérieure en soit affectée et en tout cas sans que le département des Alpes-Maritimes n’apporte pour sa part aucun élément précis à l’encontre des deux estimations dont il s’agit qu’au jour du décès de l’assistée la valeur du bien pouvait être évalué à 12 000 euros s’agissant d’un appartement inhabité et inhabitable et nécessitant des travaux importants pour être vendu ; que la circonstance que les requérantes se soient abstenues d’établir une déclaration de succession pendant 11 ans si elle est susceptible d’avoir les conséquences que lui attribue la loi fiscale demeure en l’espèce sans incidence sur le montant de la créance de l’aide sociale dès lors qu’il est suffisamment établi par l’évaluation qui précède et l’ensemble des pièces du dossier que la valeur du bien était de 12 000 euros en 1995 et en conséquence l’actif net successoral sur lequel s’exerce seule la récupération avant intégration au passif de la créance de l’aide sociale est de 11 100 euros ; qu’au demeurant à supposer même qu’il y ait lieu d’intégrer à la déclaration de succession la créance de l’aide sociale à la récupération de laquelle le département entend pourvoir l’actif net deviendrait négatif ; que le président du conseil général des Alpes-Maritimes n’est dans ces conditions pas fondé à soutenir que les requérantes auraient entendu accepter l’actif de la succession et non ses charges alors que les travaux qu’elles ont effectué ultérieurement sont des décisions de gestion qui relèvent de leurs décisions et non des charges intégrées au passif de la succession ; qu’il suit de ce qui précède que le département des Alpes-Maritimes n’est fondé à récupérer que dans la limite de l’actif net successoral procédant de la valeur du bien au moment du décès déterminée comme ci-dessus soit 5 500 euros et non à hauteur comme il entend le faire de 30 490 euros ;
    Considérant par contre que les requérantes ne sont pas fondées à demander la déduction au titre de charges de la succession des taxes foncières qu’elles auraient acquittées pendant 23 ans en lieu et place des propriétaires à hauteur de 50 % soit 1 500 euros ; que de même les « circonstances particulières » du dossier dont les requérantes se prévalent ne sont pas fondées à justifier légalement la décharge totale de la récupération, les travaux effectués ou à effectuer par elles pour environ 30 000 euros ne s’analysant pas comme des charges de la succession, comme il a été dit, et pas davantage comme des dépenses devant être prise en compte pour interdire la récupération de l’actif net successoral ; qu’il résulte de tout ce qui précède que la récupération litigieuse doit être ramenée à 5 500 euros ;
    Considérant qu’à supposer même que le mémoire présenté personnellement par Mme Y... ait été enregistré antérieurement à la clôture de l’instruction soit l’heure à laquelle son affaire a été appelée dans une séance qui a débuté en fait à 15 heures et présenté par la requérante elle-même toujours représentée par avocat soit également à cet égard recevable, il doit être interprété en ce sens que Mme Y... se borne à demander la prise en compte de la valeur réelle du bien au moment du fait générateur de la récupération, prétention à laquelle il est fait droit ci-dessus ; qu’au demeurant aucun moyen nouveau et opérant de légalité n’est présenté dans ce mémoire ; qu’en admettant qu’en faisant valoir qu’elle s’est constamment occupée de sa grand-mère à la différence de sa sœur elle entend solliciter en outre remise ou modération du quantum ci-dessus maintenu de la récupération de la créance de l’aide sociale, ces conclusions ne seraient pas appuyées de précisions suffisantes notamment quant à sa situation financière pour permettre d’en apprécier la pertinence,

Décide

    Art. 1er.  -  La récupération des prestations d’aide sociale avancées à Mme X... est ramenée à 5 500 euros.
    Art. 2.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 4 mars 2008 et du président du conseil général des Alpes-Maritimes du 5 juin 2007 sont réformées en ce qu’elles ont de contraires à l’article 1er.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête des consorts X... est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 18 décembre 2009 où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 22 janvier 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer