Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Suspension - Insertion
 

Dossier no 080749

Mme X...
Séance du 15 octobre 2009

Décision lue en séance publique le 21 octobre 2009

    Vu la requête présentée par Mme X... le 17 décembre 2007, qui demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Marne en date du 24 septembre 2007 en tant qu’elle n’a fait que partiellement droit à sa demande et a confirmé la décision du président du conseil général de la Marne de suspendre les droits au revenu minimum d’insertion de la requérante à compter du 11 octobre 2006 ;
    La requérante soutient qu’elle a pleinement rempli les objectifs présents dans ses contrats d’insertion, visant notamment à engager une recherche d’emploi et à s’occuper de son fils malade ; que le non renouvellement de son contrat d’insertion ne saurait lui être imputé ; qu’elle n’a quitté le département de la Marne que de façon provisoire contrainte par la suspension de ses allocations et afin d’être hébergée gracieusement par des amis ; qu’elle a fourni l’ensemble des pièces relatives à sa situation professionnelle, à ses ressources et à ses charges ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces du dossier dont il résulte que la requête a été transmise au président du conseil général de la Marne, qui n’a pas produit d’observations ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 15 octobre 2009, M. ROUSSEAU, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’en vertu d’un principe général du droit du contentieux administratif applicable devant toute juridiction administrative, une personne qui est en relation de dépendance hiérarchique avec une des parties en litige, et qui est susceptible d’avoir eu à le connaître en cette qualité ne saurait siéger à l’audience de la juridiction en exerçant les fonctions de rapporteur ; qu’en vertu de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles relatif à la composition des commissions départementales d’aide sociale : « Le secrétaire de la commission assure les fonctions de rapporteur. Il peut lui être adjoint un ou plusieurs rapporteurs (...) [ils] ont voix délibérative dans les affaires qu’ils rapportent » ;
    Considérant qu’il ressort de la minute de la décision attaquée, que Mme Delphine NOU a siégé en qualité de rapporteur à la séance de la commission départementale d’aide sociale de la Marne du 24 septembre 2007 ; que l’intéressée, agent territorial exerçant les fonctions d’adjointe à la chef du service insertion et logement social de la direction de la solidarité départementale du conseil général de la Marne y suit les dossiers d’aide sociale, et qu’elle a eu à connaître directement du litige entre Mme X... et le conseil général ; qu’elle apparaît d’ailleurs dans l’en-tête de différents courriers relatifs à la situation de la requérante comme agent suivant cette affaire ; qu’en conséquence Mme Delphine NOU ne pouvait participer à la séance publique et au délibéré de la commission départementale d’aide sociale de la Marne sans entacher d’irrégularités la décision rendue à leur issue ; que le moyen relatif à la composition de la juridiction de première instance doit être soulevé d’office par le juge d’appel ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède, qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande présentée par Mme X... devant la commission départementale d’aide sociale de la Marne ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi 88-1088 du 1er décembre 1988, devenu l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources (...) n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2 (...) a droit, dans les conditions prévues par la présente section, à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 262-20 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction alors en vigueur : « Le droit à l’allocation est renouvelable, par périodes comprises entre trois mois et un an, par décision du président du conseil général, après avis de la commission locale d’insertion sur la mise en œuvre du contrat d’insertion mentionné à l’article L. 262-37 et, le cas échéant, au vu du nouveau contrat d’insertion » ; que l’article L. 262-21 du même code dispose : « Dans le cas où le contrat est arrivé à échéance si, du fait de l’intéressé et sans motif légitime, le contrat n’a pas été renouvelé ou un nouveau contrat n’a pas pu être établi, le versement de l’allocation peut être suspendu par le président du conseil général, après avis de la commission locale d’insertion, après que l’intéressé, assisté, le cas échéant, de la personne de son choix, a été mis en mesure de faire connaître ses observations. La suspension ne peut pas être prononcée lorsque la responsabilité du défaut de communication du contrat d’insertion est imputable aux services chargés de le conclure avec l’intéressé » ; que le deuxième alinéa de l’article L. 262-23 de ce code précise que : « Si le non-respect du contrat incombe au bénéficiaire de la prestation, le versement de l’allocation peut être suspendu. Dans ce cas, le service de la prestation est rétabli lorsqu’un nouveau contrat a pu être conclu » ;
    Considérant que Mme X... est bénéficiaire du droit au revenu minimum d’insertion depuis 2003 dans le département de la Marne ; qu’elle a signé cinq contrats d’insertion avec le conseil général de ce département ; que dans le dernier contrat signé le 9 juin 2006 pour la période du 10 juillet au 10 octobre 2006, les objectifs fixés à Mme X... étaient d’engager une recherche autonome d’emploi et de mener parallèlement des démarches liées à la santé pour faire face à la situation médicale de son fils ; que par un courrier du 10 juillet 2006 le conseil général contestait la validité du contrat au motif que les objectifs arrêtés étaient trop imprécis ; que le président du conseil général a dès lors suspendu le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion de Mme X... ; que celle-ci a formé un recours gracieux contre cette décision le 11 août 2006 ; que devant le silence gardé par l’administration, la requérante a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par une ordonnance de son président en date du 16 avril 2007, a renvoyé l’affaire à la commission départementale d’aide sociale de la Marne, qui a partiellement fait droit à la demande de Mme X... en tant qu’elle devait être regardée comme bénéficiaire d’un contrat d’insertion jusqu’au 10 octobre 2006, tout en confirmant la décision du président du conseil général de suspendre les droits au revenu minimum d’insertion à compter du 10 octobre 2006, faute pour la requérante de bénéficier d’un contrat d’insertion ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que Mme X... a bien signé avec le conseil général de la Marne des contrats d’insertion pour l’année 2005, pour des périodes allant du 10 janvier 2005 au 9 avril 2005 et du 11 avril 2005 au 10 octobre 2005 ; que des contrats d’insertion ont également été signés en 2006 pour les périodes du 15 mai au 15 août et parallèlement du 10 juillet au 10 octobre 2006 ; que le président du conseil général ne peut utilement soutenir que ces contrats auraient été signés par erreur, alors même qu’ils sont revêtus de toutes les mentions et signatures attestant de la compétence de la signataire pour les parapher ; qu’il suit de là que Mme X... a disposé d’un contrat d’insertion dûment validé par l’autorité territoriale jusqu’au 10 octobre 2006 et doit à ce titre bénéficier du versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion jusqu’à cette date ;
    Considérant que Mme X... a exercé durant les années 2003, 2004 et 2005 une activité artistique la conduisant ponctuellement à vendre des œuvres ; que cette activité, ne lui permettant pas d’obtenir des revenus suffisants et ne semblant pas viable, la requérante s’est orientée vers la recherche d’un emploi salarié ; que cette réorientation s’est traduite dans les contrats d’insertion signés en 2006 par Mme X... avec le conseil général par la mention comme objectif principal de l’allocataire d’une recherche d’emploi à temps plein ; qu’en tout état de cause, Mme X... n’a jamais exercé une activité de travailleur indépendant inscrit au registre du commerce ; que si le président du conseil général, ainsi qu’il résulte de l’instruction, l’a enregistrée dans cette catégorie, cette qualification n’est pas établie ;
    Considérant que le président du conseil général de la Marne ne démontre par ailleurs à aucun moment que Mme X... n’aurait pas respecté les clauses de ses contrats d’insertion ; que les motifs énoncés pour ne pas reconduire ce contrat sont particulièrement sommaires et ne correspondent pas aux objectifs fixés à la requérante dans les derniers contrats qu’elle a signés avec le conseil général ; que d’une part si le président du conseil général soutient que Mme X... n’aurait pas fourni les éléments relatifs à son chiffre d’affaires de 2005, il résulte de l’instruction que ces éléments avaient été transmis par la requérante à la caisse d’allocations familiales au mois de mars 2006 ; que d’autre part si, pour fonder sa décision, le président du conseil général soutient que le revenu minimum d’insertion n’a pas vocation à se substituer à l’activité déficitaire d’un travailleur indépendant, en s’appuyant sur le fait que Mme X... aurait disposé de ressources insuffisantes en 2005, année où elle n’aurait tiré qu’un revenu de 700 euros de son activité artistique, dans les contrats signés en 2006 par Mme X... et le conseil général, celle-ci avait pour objectif de trouver un emploi salarié et non de rendre viable son activité indépendante de graphiste ; que si le conseil général soutient que Mme X... n’a pas fourni les éléments nécessaires permettant d’établir qu’elle avait renoncé à son activité de travailleur indépendant, la requérante soutient sans être contredite qu’elle n’a jamais été inscrite au registre du commerce et ne pouvait dès lors attester de sa radiation de ce même registre ;
    Considérant en outre, qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 262-21 du code de l’action sociale et des familles que Mme X... aurait dû être mise en état de présenter ses observations devant la commission locale d’insertion, avant que celle-ci ne propose au président du conseil général le non renouvellement du contrat d’insertion et la suspension du versement de l’allocation ; que la requérante conteste avoir pu bénéficier de ces garanties de procédure ; que le président du conseil général de la Marne n’apporte aucun élément permettant de considérer que la procédure prévue par le code de l’action sociale et des familles aurait été respectée, et notamment que la suspension des droits de Mme X... a bien été précédé d’un avis de la commission locale d’insertion ; que les éléments versés à l’instruction ne permettent pas de s’assurer que cette procédure a été respectée ; que l’examen de la chronologie de l’affaire permet de considérer que la commission locale, si elle avait examiné la situation de Mme X..., ne l’aurait fait, en tout état de cause, qu’au premier semestre 2006, sans rechercher de ce fait si cette dernière avait rempli les engagements pris dans le contrat d’insertion dont elle bénéficiait jusqu’au mois d’octobre 2006 ; qu’il suit de là que le non renouvellement du contrat d’insertion de Mme X... peut être regardé comme procédant d’une volonté unilatérale de l’administration, sans que le président du conseil général de la Marne ait établi le non respect par la requérante du contrat qui la liait au conseil général ;
    Considérant enfin, que le président du conseil général ne saurait utilement exciper du déménagement de Mme X... dans le département de la Charente-Maritime dès 2006, dans la mesure où, d’une part, Mme X... établit que ce déménagement provisoire, alors même qu’elle a conservé son domicile dans la Marne, procède de la suspension de ses allocations et de la recherche pour elle et son fils d’une solution d’hébergement gracieuse auprès d’amis ; que, d’autre part, il résulte de l’instruction que l’installation effective de Mme X... en Charente-Maritime n’est établie qu’à compter du mois de décembre 2007, date à la quelle elle a déclaré une vie commune avec M. Y..., comme en témoigne une enquête menée, à la demande des services du conseil général de la Marne, par la caisse d’allocations familiales de ce département ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que le président du conseil général de la Marne n’était pas fondé à suspendre le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion à Mme X... à compter du mois de juin 2006 ; que le bénéfice de cette allocation doit lui être rétabli,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Marne du 24 septembre 2007, ensemble la décision du président du conseil général de la Marne du 10 juillet 2006 sont annulées.
    Art. 2.  -  Les droits au revenu minimum d’insertion sont rétablis au profit de Mme X... pour la période du 1er juin 2006 au 30 novembre 2007.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 octobre 2009 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. ROUSSEAU, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 21 octobre 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer