Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : ASPA - Aide ménagère - Récupération sur donation
 

Dossier no 080867

Mme X...
Séance du 16 décembre 2009

Décision lue en séance publique le 12 janvier 2010

    Vu le recours formé le 25 août 2008 par Mme Y..., tendant à l’annulation de la décision, en date du 10 juin 2008, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Eure a maintenu la décision du président du conseil général, en date du 26 décembre 2007, de récupérer à l’encontre de la donataire de Mme X... la somme de 9 146,94 euros qui lui a été avancée par le département au titre des services ménagers à domicile du 9 juillet 1981 au 30 juin 1996 ;
    La requérante conteste cette décision de récupération intervenant dix ans après le décès de sa tante, soutenant que son époux a des problèmes de santé et que le montant à rembourser est trop élevé ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général, en date du 26 janvier 2009, proposant le maintien de la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu les lettres, en date du 5 juin 2009, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale, informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 16 décembre 2009, Mlle SAULI, rapporteure, et en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article 146 (b) du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, (...) » par l’administration « 2o Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 devenu l’article R. 132-11 dudit code : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire. » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a bénéficié de 30 heures mensuelles de services ménagers à domicile du 9 juillet 1981 au 30 juin 1996, date au-delà de laquelle elle a été radiée du bénéfice de cette aide pour ressources supérieures au plafond de ressources requis ; que les sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le département se sont élevées au total à 40 269,37 euros ; que Mme X... - qui était née le 27 novembre 1902 - avait souscrit le 13 février 1992 un contrat d’assurance vie au profit d’une de ses nièces, la requérante, par le versement d’une prime de 9 146,94 euros ; qu’à son décès, le 4 novembre 1997, Mme X... laissait un actif net successoral d’un montant de 23 026,53 euros et comme héritiers trois frère et sœurs et trois nièces, dont la requérante ;
    Considérant qu’en se fondant sur l’âge de Mme X... (90 ans) à la date de la souscription du contrat d’assurance vie rapproché de sa durée, ainsi que sur l’importance de la prime versée, eu égard de ses ressources qui la rendaient éligibles depuis le 9 juillet 1981 à l’aide sociale départementale à domicile, et la bénéficiaire désignée, alors même qu’elle avait, outre ses frère et sœurs, deux autres nièces, le président du conseil général a estimé, au vu de l’ensemble de ces éléments, qu’il y avait eu manifestation d’une intention libérale de la part de celle-ci et que, légalement, il pouvait en déduire que la bénéficiaire désignée devait être regardée comme bénéficiaire d’une donation, à l’encontre de laquelle un recours en récupération de la créance départementale pouvait être exercé, et, a, en conséquence, prononcé, par décision, en date du 26 décembre 2007, la récupération de la créance départementale de 40 269, 37 euros sur la donataire dans la limite du montant de la prime de 9 146,95 euros versée par Mme X... ; que cette décision a été confirmée par décision, en date du 10 juin 2008, de la commission départementale d’aide sociale de l’Eure ;
    Considérant que la donation a bien été faite dans le délai mentionné à l’article L. 132-8 susvisé, qu’aucun seuil n’est opposable dans les actions en récupération à l’encontre des donataires et que la prescription applicable aux actions en récupération du département étant, en l’absence de disposition particulière, celle prévue par l’article 2262 du code civil, l’action en récupération attaquée n’est pas atteinte par la prescription ; que précisément si effectivement Mme X... est décédée en 1997, cette action a été décidée au vu de la mention d’un contrat d’assurance vie dans sa déclaration de succession transmise le 19 novembre 2007 au département par les services fiscaux de l’Eure en application de l’article 158 du livre des procédures fiscales portant dérogation du service fiscal ; que la somme dont il est décidé la récupération ne dépasse pas le montant de la donation ; que, dans ces conditions, la commission départementale d’aide sociale de l’Eure a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la récupération partielle de la créance départementale à l’encontre de la donataire de Mme X... ; que, dès lors, le recours susvisé ne saurait être accueilli ; qu’il appartient à la requérante de solliciter, le cas échéant, auprès des services du Trésor public l’octroi de délais tenant compte de sa situation financière pour s’acquitter de la somme lui incombant,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 décembre 2009 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. BROSSAT, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 12 janvier 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer