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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession
 

Dossier no 090050

Mme X...
Séance du 10 juin 2010

Décision lue en séance publique le 30 juin 2010

    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 16 janvier 2009, le recours par lequel M. Y..., assisté de Me S..., avocat à Paris, demande à la juridiction de céans d’annuler et de réformer la décision du 6 novembre 2008 de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier ayant rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté du président du conseil général de l’Allier fixant à 1 735,98 euros le montant de l’actif net à récupérer sur la succession de Mme X..., dont les frais d’hébergement au centre de long séjour de l’hôpital H..., du 13 mars 2002 au 21 janvier 2006, ont été pris en charge par l’aide sociale, et ce par le moyen que l’administration n’a pas tenu compte des frais funéraires acquittés par M. Y..., soit 2 614,42 euros, pour déterminer la somme à recouvrer le cas échéant ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Allier tendant au rejet des conclusions du recours susvisé par les motifs que les frais funéraires en cause n’ont pas à être pris en compte dès lors que le domicile de Mme X... a été occupé durant son séjour sans que celle-ci ait reversé, au titre de sa participation aux frais d’hébergement, l’équivalent de 90 % de la valeur représentative des loyers qu’aurait dû percevoir l’intéressée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 10 juin 2010, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que MM. V... et W... requérants de première instance contestant le recours contre le donataire effectué à leur encontre n’ont pas interjeté appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale ; que les développements consacrés par le défendeur à justifier le bien fondé du recours contre le donataire dont il s’agit sont en conséquence sans objet ; que le présent litige concerne seulement le recours contre la succession d’ailleurs dirigé par le président du conseil général à l’encontre du seul M. Y... ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire » ; qu’à ceux de l’article L. 132-1 : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et de la valeur en capital des biens non productifs de revenus dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ; que l’article R. 132-1 dispose que « pour l’appréciation des ressources des postulants (...) les biens non productifs de revenus, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la collectivité débitrice de l’aide sociale, lorsqu’elle examine la demande, tient compte des fruits que produirait un capital laissé en jachère pour déterminer les ressources de la personne prise en charge et fixer, par suite, le montant de sa participation à ses frais d’entretien et d’hébergement ; qu’en revanche, le législateur n’a pas prévu de réintégrer fictivement dans l’actif net successoral donnant lieu à récupération au décès de l’assisté les loyers, ou plus largement les fruits de son capital, que celui-ci aurait pu percevoir mais n’a pas perçus de son vivant ; que le cumul des deux dispositions conduirait, en effet, à prendre en compte deux fois les revenus qu’un assisté a négligé de tirer de son capital alors qu’il est pris en charge au titre de l’aide sociale ; que la collectivité publique est donc seulement fondée à présenter à la succession sa créance de dernier rang, égale aux sommes effectivement versées par l’aide sociale ;
    Considérant qu’en l’espèce Mme X..., dont le domicile de secours était dans le département de l’Allier, a été prise en charge au titre de l’aide sociale par cette collectivité pour couvrir ses frais d’hébergement au centre de long séjour de l’hôpital H..., du 13 mars 2002 au 21 janvier 2006 ; qu’il n’est pas contesté qu’elle avait conservé l’usufruit de la maison familiale, durant cette période ; qu’elle n’a pas donné à bail son droit de jouissance des locaux, en réalité occupés à titre gratuit par deux de ses descendants ; que M. Y..., son fils, n’a d’ailleurs pas vécu dans cet immeuble ;
    Considérant que la commission d’admission à l’aide sociale de Montluçon, dans sa séance du 13 décembre 2006, avait fixé l’actif net successoral récupérable à 4 398,03 euros en ajoutant au solde du compte courant de Mme X... les sommes prétendument acquittées par elle au titre des dépenses imputables aux consommations d’électricité constatées dans la maison familiale de Montluçon ; que le calcul de la commission était erroné en sorte que le président du conseil général de l’Allier, au vu des factures établies par le fournisseur d’électricité, a ramené cet actif net à 1 735,98 euros, par un arrêté du 20 avril 2007 ; que le président du conseil général évoque à nouveau dans son mémoire en défense devant la commission centrale d’aide sociale pour justifier le refus de déduction des frais funéraires l’acquit par Mme X... des frais d’électricité ramenés à un montant de 1 583,68 euros par sa lettre du 12 mars 2007 ; que ce montant n’est pas contesté par le requérant et a été pris en compte pour déterminer l’actif de la succession sur l’actif net de laquelle le président du conseil général entend pourvoir à la récupération litigieuse ; qu’ainsi les développements relatifs aux frais d’électricité énoncés dans le mémoire en défense sont inopérants et sans incidence sur la déductibilité des frais d’obsèques seuls en litige ;
    Considérant à cet égard que M. Y... a réglé les frais funéraires engagés au décès de sa mère, Mme X..., soit 2 614,42 euros ; que cette charge n’a pas été prise en compte pour déterminer l’actif net successoral ; que le président du conseil général de l’Allier, confirmé par les premiers juges, soutient qu’il n’avait pas à le faire dès lors que les occupants de l’immeuble n’avaient acquitté aucun loyer ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale de l’Allier a commis une erreur de droit en confirmant que l’administration était fondée à réintégrer fictivement des loyers, dont elle n’a d’ailleurs pas fixé précisément le montant, dans l’assiette du calcul de l’actif net successoral ; qu’au surplus les frais funéraires constituent une dette venant en déduction des créances entrant dans la succession de la personne décédée ; que la circonstance que M. Y... les a payés sur ses propres deniers conduit à constater que la succession de Mme X... comprenait à son égard une dette de 2 614,42 euros ; qu’ainsi le solde de cette succession était en réalité constitué d’une dette résiduelle à la charge des héritiers et non d’un solde positif susceptible d’être appréhendé par le département de l’Allier ;
    Considérant par ces motifs qu’il y lieu d’annuler, ensemble, l’arrêté du 20 avril 2007 du président du conseil général et la décision de la commission départementale d’aide sociale du 6 novembre 2008 ; que la succession de Mme X... n’offre aucune possibilité de recours au département de l’Allier ;
    Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions de M. Y... tendant au remboursement des frais irrépétibles,

Décide

    Art. 1er.  -  L’arrêté du président du conseil général de l’Allier du 20 avril 2007 et la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier du 6 novembre 2008 sont annulés.
    Art. 2.  -  Le département de l’Allier ne peut exercer un recours sur la succession de Mme X... à défaut d’actif net successoral récupérable.
    Art. 3.  -  Le département de l’Allier versera à M. Y... la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 10 juin 2010 où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, et M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 30 juin 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer