Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur donation
 

Dossier no 081358

Mme X...
Séance du 5 mai 2010

Décision lue en séance publique le 10 août 2010

    Vu le recours formé le 12 juin 2008 par Mme Y..., tendant à l’annulation d’une décision, en date du 4 mars 2008, par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a maintenu la décision du président du conseil général des Alpes-Maritimes, en date du 17 juillet 2007, de récupérer à l’encontre de la donataire de Mme X..., la somme de 7 520,04 euros qui lui a été avancée par le département au titre de la prise en charge des frais de foyer restaurant du 25 janvier au 30 septembre 2005, et de l’assurance personnelle au titre du revenu minimum d’insertion (RMI), du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1999 ;
    La requérante conteste cette décision de récupération, soutenant qu’elle ne savait pas, que le pécule par sa mère au décès de son père existait encore, et qu’elle a partagé cet argent avec ses neveux et nièces ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général des Alpes-Maritimes en date du 6 décembre 2008 proposant le maintien de la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu les lettres, en date du 17 novembre 2008, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique du 5 mai 2010 Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, à l’audience du 5 mai 2010, et en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article 146  b) du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8 (2) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 devenu l’article R. 132-11 dudit code : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée, après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a bénéficié du 25 janvier au 30 septembre 2005, de la prise en charge par l’aide sociale départementale des frais de foyer restaurant pour un montant de 1 147,41 euros, et de l’assurance personnelle au titre du RMI pour un montant de 15 889,47 euros du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1999 ; que, par ailleurs, elle a bénéficié d’une allocation personnalisée d’autonomie à domicile, du 1er octobre 2003 au 31 octobre 2005 pour un montant de 7 611,82 euros et de la prise en charge d’une téléalarme du 1er juillet 2004 au 31 janvier 2006, pour un montant de 380 euros ; que les sommes avancées par le département pour l’ensemble de ces prestations se sont élevées à 23 313,38 euros ; que le 26 mars 2003, Mme X..., âgée de 73 ans, a souscrit un contrat assurance vie par le versement d’une prime de 7 520,04 euros, au profit de sa fille et requérante ; que Mme X... est décédée le 31 janvier 2006 et que son actif net successoral s’est élevé à 2 735,39 euros ; que seules les sommes avancées au titre des frais de foyer restaurant et de l’assurance personnelle au titre du revenu minimum d’insertion pour un montant total de 17 416,88 euros peuvent faire l’objet d’une action en récupération par le département dans le cadre de l’article L. 132-8 susvisé ; qu’en se fondant sur l’âge de Mme X..., à la date de la souscription du contrat d’assurance vie rapprochée de sa durée, ainsi que sur l’importance de la prime versée eu égard aux prestations d’aide sociale, dont elle bénéficiait en raison de l’insuffisance de ses ressources, et la bénéficiaire désignée, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a estimé, au vu de l’ensemble de ces éléments, qu’il y avait eu manifestation d’une intention libérale de la part de celle-ci, et que, légalement, il pouvait en déduire que la bénéficiaire désignée devait être regardée comme bénéficiaire d’une donation, à l’encontre de laquelle un recours en récupération de la créance départementale pouvait être exercé, et a, en conséquence, prononcé, par décision, en date du 17 juillet 2007, la récupération de la créance départementale de 17 416,88 euros sur la donataire dans la limite du montant de la prime de 7 520,04 euros versée par Mme X... ; que cette décision a été confirmée par décision, en date du 4 mars 2008, de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes ;
    Considérant que la donation a bien été faite dans le délai mentionné à l’article L. 132-8 susvisé, qu’aucun seuil n’est opposable dans les actions en récupération à, l’encontre des donataires ; que la récupération décidée ne dépasse pas le montant de la donation ; qu’au décès de Mme X..., sa fille et requérante a perçu, outre le montant de l’actif net successoral, le capital issu du contrat assurance vie pour un montant de 7 603,94 euros, soit au total la somme de 10 339,33 euros ; que les sommes qui ont été avancées par le département à sa mère, pour lui garantir l’accès aux prestations de sécurité sociale, et donc à une couverture maladie, à sa subsistance et à la prise en charge de sa dépendance à domicile se sont élevées à un total de 25 028,71 euros, dont 17 416,88 euros susceptibles de faire l’objet d’une récupération par le département ; que compte tenu des fonds disponibles au décès de Mme X..., cette récupération ne peut s’exercer qu’à concurrence du montant de la prime souscrite dans le contrat assurance vie, soit 7 520,04 euros ; que le moyen soulevé par la requérante et donataire selon lequel elle ne savait pas que sa mère avait souscrit un contrat d’assurance vie et « a donné l’argent » à ses neveux et nièces est inopérant ; que la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la récupération de la créance départementale à l’encontre de la donataire de Mme X..., dans la limite du montant de la prime versée sur le contrat assurance vie souscrit ;
    Considérant cependant qu’il ressort du document fourni par la Caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes, en date du 18 mars 2010, que Mme X... a relevé de l’assurance personnelle, et donc de la prise en charge de ses cotisations par l’aide sociale départementale, pour la période du 1er août 1989 au 28 février 1993 ; qu’en revanche, la période prise en compte par le département, à laquelle il rapporte la somme de 15 889,47 euros qui fait l’objet de la décision de rérupération attaquée est celle du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1999 ; que cette divergence, quant à la période de prise en charge - tendant à conclure que pour la période du 1er mars 1993 au 31 décembre 1999, les cotisations ont été indûment prises en charge par l’aide sociale départementale et que la créance départementale notifiée par la caisse primaire serait de l’ordre de 13 071,90 euros - ne permettant pas de statuer sur le montant de la récupération de la créance départementale faisant l’objet du présent recours, il y a lieu d’annuler la décision de la commission départementale des Alpes-Maritimes, en date du 4 mars 2008 et de renvoyer au président du conseil général des Alpes-Maritimes, la fixation définitive de la période d’affiliation de Mme X... à l’assurance personnelle, du montant des sommes qui ont été effectivement prises en charge par le département à ce titre, et de la créance départementale globale,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes, en date du 4 mars 2008, est annulée.
    Art. 2.  -  L’examen du recours susvisé est renvoyé devant le président du conseil général des Alpes-Maritimes aux fins de fixation définitive de la période d’affiliation de Mme X... à l’assurance personnelle, du montant des sommes effectivement prises en charge par le département à ce titre et de la créance départementale globale.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 5 mai 2010, où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 10 août 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer