Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Legs
 

Dossier no 090821

Mme X...
Séance du 10 juin 2010

Décision lue en séance publique le 27 août 2010

    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 9 avril 2009, le recours par lequel Mme Y..., assistée de Me R..., avocat à la cour, demande au juge d’appel de l’aide sociale d’annuler la décision en date du 26 janvier 2009 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Tarn a confirmé la décision du président du conseil général du Tarn du 12 juillet 2008 tendant, à la suite du décès de Mme X..., à récupérer la somme de 12 942,08 euros, représentant les frais engagés en sa faveur au titre des services ménagers à domicile du 1er septembre 1995 au 31 janvier 2003, sur le capital de 34 728,30 euros, versé par moitié au titre du contrat d’assurance-vie souscrit par l’assistée, le 13 mars 1995, au profit de ses enfants, Mme Y... épouse B... et M. A..., et ce au motif que les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que l’action engagée par le département du Tarn serait assimilable à un recours sur le légataire au sens de l’article L. 132-8 (3o) du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, le mémoire en défense en date du 30 juin 2009 par lequel le président du conseil général du Tarn soutient que le contrat d’assurance vie souscrit par Mme X... s’analyse comme « un legs particulier » dont le produit est récupérable au premier euro par la collectivité débitrice de l’aide sociale, dans la limite des prestations servies, et demande en conséquence au juge d’appel de rejeter les conclusions du recours susvisé ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 10 juin 2010, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleur fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. » ;
    Considérant que le recours contre la succession d’un bénéficiaire de l’aide sociale à domicile s’exerce sur la partie de l’actif net successoral supérieure à 46 000 euros depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 avril 1997 et à 38 113 euros pour la période antérieure à cette date ; que les sommes versées aux personnes désignées comme bénéficiaires de second rang par le souscripteur d’un contrat d’assurance en cas de décès de celui-ci n’entrent pas dans sa succession ; qu’elles peuvent, en revanche, être regardées comme le produit d’une donation indirecte si l’intention libérale du contractant est établie, compte tenu notamment de son âge, de l’importance des primes versées à l’assureur et du caractère irrévocable de sa décision ; qu’enfin, en application des articles 895 et 1002 du code civil, le legs résulte de dispositions testamentaires ; que la désignation comme bénéficiaire de second rang dans les stipulations d’un contrat d’assurance vie décès, désignation d’ailleurs irrévocable en cas d’acceptation, ne relève pas de ces dernières dispositions, mais de celles de l’article 893 du code civil ; que la commission centrale d’aide sociale ne considère donc pas à la différence du département et des premiers juges qui ont repris son argumentation qu’ « il est incontestable que le contrat d’assurance-vie est considéré comme un legs particulier (...) quelle que soit sa date de souscription puisqu’il est réglé au moment du décès de la personne qui l’a souscrit » ; que s’agissant d’une donation même indirecte le fait générateur est l’événement le plus récent constitué soit par la donation, soit par la demande d’aide sociale et non le décès du stipulant et qu’au surplus d’ailleurs le montant de la donation est constitué non par le capital versé au bénéficiaire mais par les primes acquittées par le stipulant ;
    Considérant qu’en l’espèce Mme X..., décédée le 9 mars 2007, a bénéficié de l’aide sociale à domicile du 1er septembre 1995 au 31 janvier 2003, pour un montant total de 12 942,08 euros ; que cette somme ne pouvait donner lieu à récupération sur sa succession dès lors que l’actif net successoral s’élevait au total à 4 373,16 euros seulement, compte tenu des règles particulières applicables à cette forme d’aide ci-dessus rappelées ; que l’assistée avait néanmoins souscrit, le 13 mars 1995, soit moins de cinq ans et a fortiori de dix ans avant son admission à l’aide sociale à domicile, un contrat d’assurance en cas de décès dont les bénéficiaires étaient sa fille, Mme Y... épouse B..., et son fils, M. A..., moyennant le versement d’une prime initiale de 60 000 francs (9 120 euros) ; qu’elle a modifié le contrat à deux reprises, les 24 juillet 1995 et 27 juillet 2004, de manière à percevoir une rente trimestrielle de 2 290,93 francs (349 euros) puis mensuelle de 1 000 euros ; qu’à son décès les intéressés ont perçu chacun 17 364,15 euros sur lesquels le département du Tarn a entendu prélever 6 471,04 euros pour récupérer par moitié sur chacun d’eux la somme de 12 942,08 euros supportée par l’aide sociale en faveur de Mme X... de 1995 à 2003 ; qu’en dernier lieu le département du Tarn a émis un titre de recettes à recouvrer sur les héritiers de M. A..., lui-même décédé le 25 octobre 2007 ;
    Considérant qu’aucune disposition testamentaire ne vient attester de l’intention de Mme X... de désigner ses enfants comme ses légataires ; que d’ailleurs les intéressés venaient par parts égales à sa succession ; que le président du conseil général de même que les premiers juges ont commis une erreur de droit en qualifiant, par assimilation, Mme Y..., épouse B... et M. A..., bénéficiaires d’un « legs particulier » de leur mère ; qu’il y a donc lieu d’annuler la décision du président du conseil général du Tarn du 12 juillet 2008 et la décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn en date du 26 janvier 2009 ;
    Considérant qu’à supposer même qu’il eût appartenu au juge d’appel, saisi de l’affaire au fond, de vérifier que le contrat d’assurance vie décès souscrit par Mme X..., le 13 mars 1995, ne présentait pas le caractère d’une donation indirecte en faveur de ses enfants alors que le département, expressément ne revendique pas cette base légale, tel aurait bien été la cas en l’espèce ;
    Considérant en effet que Mme X... a conclu le contrat litigieux à l’âge de soixante-quatorze ans ; que son espérance de vie s’élevait encore à plusieurs années à la date de sa signature ; que le montant de la prime initiale n’était pas considérable, même au regard de la situation financière modeste de l’intéressée ; qu’au demeurant elle a révoqué les stipulations initiales du contrat à deux reprises, les 24 juillet 1995 et 27 juillet 2004, pour subvenir à ses besoins durant et après la période pendant laquelle elle a bénéficié de l’aide sociale à domicile ; qu’ainsi l’intention libérale de la souscriptrice n’est pas établie en sorte que le département du Tarn n’aurait pas été fondé à récupérer les sommes versées au profit de Mme X... au titre de l’aide sociale à domicile, du 1er septembre 1995 au 31 janvier 2003, soit 12 942,08 euros au titre du b) de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant ainsi qu’il y a lieu de faire droit au recours dans la limite toutefois non de 12 942,08 euros comme sollicité, mais de 6 471,04 euros somme correspondant au montant recherché à l’encontre de Mme Y... épouse B..., qui n’est pas fondée à solliciter décharge de la somme correspondant aux droits des héritiers de M. A...,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du président du conseil général du Tarn du 12 juillet 2008 et la décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn en date du 26 janvier 2009 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il est fait décharge à Mme Y... épouse B... de la somme de 6 471,04 euros.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 10 juin 2010, où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, et M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 30 juin 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer