Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - recours en récupération - Preuve
 

Dossier no 091685

Mme X...
Séance du 25 juin 2010

Décision lue en séance publique le 27 août 2010     Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 23 octobre 2009, la requête présentée pour M. X..., par Me S..., avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale réformer la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne du 12 février 2009 rejetant sa demande dirigée contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de D... du 30 septembre 2004 décidant à son encontre d’une récupération contre le donataire de 15 034,19 euros à raison des prestations d’allocation compensatrice pour tierce personne versées à Mme X... du 1er septembre 1983 au 31 août 1988, annuler la décision de la commission d’admission par les moyens que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale a considéré la demande tardive ; que la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de D... n’était pas jointe à la lettre du président du conseil général du 20 octobre 2004 ; que M. X... n’a pas pu recevoir la lettre où ladite décision aurait été notifiée en date du 3 novembre 2004 le même jour puisque demeurant dans la Lozère ; que le conseil général ne produit ni l’accusé de réception ni le registre du courrier établissant la date précise de l’envoi ; qu’un arrêt du conseil d’Etat dont se prévalait le département n’a été communiqué que postérieurement à l’audience de plaidoirie du 12 février 2009 alors que l’article L. 1 du code de justice administrative ne fait pas mention de l’application aux seules juridictions administratives de droit commun des dispositions relatives à la notification de la décision ; que l’article 528 du code de procédure civile permet la notification soit par voie postale ordinaire ou par émargement, soit par lettre RAR, soit par acte d’huissier de justice et qu’il appartient à celui qui avance la notification en la forme ordinaire par voie postale d’établir qu’elle est parvenue à son destinataire à une date précise ; qu’aucun texte n’établit que les décisions de l’aide sociale doivent être notifiées par voie postale ordinaire ; que M. X... n’a dans aucun mémoire présenté devant la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne ni dans aucun courrier reconnu avoir réceptionné la notification de la décision le 12 novembre 2004 ; que la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne du 6 juillet 2005 avait constaté que le conseil général était dans l’impossibilité de fournir en séance l’avis de réception de la décision du 13 octobre 2004 et a ajourné le dossier pour complément d’enquête ; que Me S... a alors appris avec étonnement que le dossier de son client avait été égaré ; que de simples affirmations du conseil général ne pouvaient permettre à la commission départementale d’opposer la forclusion alors qu’il appartient en toute hypothèse au conseil général d’établir la date exacte de réception de la décision comportant les voies de recours « d’une façon extrêmement claire » ; qu’il n’est pas établi que la décision d’aide sociale datée du 13 octobre 2004 a été notifiée en l’absence de production de la notification ; que sur le fond Mme X... n’a jamais été informée de l’existence d’un recours en récupération notamment contre le donataire et n’a pas pu en informer son fils lequel l’ignorait également ; que malgré ses demandes le conseil général de la Dordogne n’a pu justifier du versement effectif des sommes réclamées à Mme X..., l’échéancier des versements fourni démarrant 6 mois avant la notification de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ; que cet échéancier est sans valeur probante ; qu’il y a lieu de s’étonner que Mme X...ait pu bénéficier de l’aide compte tenu de ses revenus et alors que l’actif net successoral s’élevait à 75 148,51 euros composé à 95 % de liquidités, le bien fondé de l’attribution de l’aide n’étant pas justifié ; que le recours en récupération a été tardivement présenté avec une légèreté blâmable ; que le département pouvait solliciter le remboursement de l’aide dès son interruption du vivant de Mme X...pour retour à meilleure fortune et qu’il a attendu près de 10 ans pour exercer son recours contre le fils de la bénéficiaire ; qu’à supposer que les sommes aient bien été versées elles sont rentrées dans l’actif successoral sur lequel il s’est acquitté des droits de succession ; que le conseil général n’établit pas que la demande d’aide sociale ait été signée par Mme X... qui n’est pas l’auteur de la signature du document de demande ; que la loi du 11 février 2005 modifiant l’article L. 245-7 dispose que les allocations compensatrices pour tierce personne ne sont plus récupérables et que l’article 95 de ladite loi prévoit qu’il n’est exercé aucun recours en récupération à l’encontre de la succession, du légataire ou du donataire et que ces dispositions s’appliquent aux actions en récupération en cours à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 8 décembre 2009, le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne tendant au rejet de la requête par les motifs que comme l’a jugé le conseil d’Etat l’envoi avec RAR n’est pas obligatoire pour la notification des décisions des juridictions de l’aide sociale ; que les parties n’ont pas l’obligation de transmettre les arrêts du conseil d’Etat qu’elles invoquent ; qu’à la suite du premier envoi du 13 octobre 2004 la copie de la décision a été envoyée le 3 novembre 2004 et M. X... a accusé réception par l’envoi d’un courrier recommandé le 12 novembre 2004 ; qu’ainsi la date de réception à prendre en compte est celle relative au second envoi soit le 3 novembre 2004 ; que Me S... dans son mémoire du 25 janvier 2005 relève elle-même que M. X... a reçu la décision de la commission cantonale par courrier simple le 3 novembre 2004 contestant alors l’envoi par courrier simple ; que dans le courrier du 12 novembre 2004 M. X... écrit « j’accuse réception de votre envoi du 3 novembre 2004 me faisant copie de la notification de la décision prise par la commission (...) » ; que sur le fond le département n’alloue pas d’aide à des personnes qui n’en feraient pas la demande et que c’est bien Mme X... qui a perçu le montant litigieux d’allocation compensatrice pour tierce personne et qui a fourni les pièces nécessaires à la constitution du dossier ; que tous les courriers envoyés par le département n’ont jamais été retournés ; qu’aucune obligation d’information sur les recours en récupération n’est imposée à l’administration ; que le bilan de frais conforme aux états fournis correspond bien aux montants versés conformément à la décision d’attribution ; que le décompte constitue un document comptable attestant des paiements ; que l’allocation est attribuée en fonction du taux d’invalidité déterminé par la COTOREP et du plafond de ressources apprécié au vu du relevé d’imposition ; que Mme X... est décédée le 23 août 2003 et que la décision de recours est intervenue le 30 septembre 2004 ; qu’aucun délai n’est imparti au département par aucun texte législatif pour exercer un recours ; que l’article 95 tel qu’invoqué de la loi du 11 février 2005 ne concerne que les recours contre la succession ;
    Vu, enregistré le 23 février 2010, le mémoire en réplique présenté pour M. X... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que la lettre du 12 novembre 2004 ne démontre pas que la décision de la commission d’admission lui a été notifiée avec l’indication précise des voies et délais de recours ; qu’il est en droit de se demander à quoi sert le recours à un médiateur si le conseil général a le droit de répondre oralement le 14 février 2005 à des questions posées le 29 novembre 2004 par le médiateur, le conseil général évoquant par la suite la date limite du recours au 3 janvier 2005 ; qu’aucune attestation de la banque sur les versements effectués n’a été fournie par le conseil général de la Dordogne ; qu’il y a lieu d’écarter l’ensemble des documents que celui-ci entend produire à défaut du respect « du grand principe du contradictoire découlant des articles 15 et 16 du code de procédure civile » ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 25 juin 2010, Mlle ERDMANN, rapporteure, Me S..., pour M. X..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aucune disposition ni aucun principe n’imposaient au président du conseil général de la Dordogne de fournir au requérant copie de la décision du conseil d’Etat dont il se prévalait dans ses écritures de première instance ; qu’ainsi celui-ci n’est pas fondé à se plaindre qu’il ne l’ait fait qu’après l’audience à laquelle sa demande a été appelée ;
    Considérant qu’en l’absence de toute précision par les dispositions législatives et réglementaires applicables aux juridictions d’aide sociale de ce que les dispositions du code de justice administrative s’appliquent à la procédure devant lesdites juridictions, l’administration est en droit de prouver par tous moyens la notification de la décision attaquée devant les premiers juges ;
    Considérant que par lettre du 12 novembre 2004 M. X... a « accusé réception (du) courrier du 3 novembre 2004 me faisant copie de la notification de la décision prise par la commission d’admission dans sa séance du 30 septembre 2004 » et s’est borné à critiquer cette décision au fond en indiquant qu’il saisissait « en parallèle » le délégué du « Médiateur de la République de la Dordogne pour éclaircir cette affaire » ; que s’il résulte de l’instruction que compte tenu de la pratique du département de la Dordogne, comme d’ailleurs de la plupart des autres départements, le dossier conservé en archives ne conserve que la première page des deux volets notifiés dont se compose la décision, dont le second se borne pour l’essentiel à indiquer les voies et délais de recours, il n’est pas sérieusement soutenu à supposer même que dans l’argumentation « foisonnante » du requérant cet argument puisse être regardé comme soulevé, que la notification reçue au plus tard le 12 novembre 2004 ne comportât pas les deux volets dont il s’agit ; qu’en tout état de cause en présence à tout le moins d’une présomption de ce que lesdits deux volets aient été alors adressés à M. X..., celui-ci n’apporte aucun élément de quelque nature que ce soit permettant de présumer sérieusement que le second volet indiquant les voies et délais de recours n’ait pas alors été fourni ; que dans ces conditions et en admettant même que la réclamation au médiateur annoncée au président du conseil général par la lettre de M. X..., du 12 novembre 2004 ne puisse être regardée au même titre qu’une décision de recours gracieux comme susceptible de manifester une connaissance juridiquement « acquise » de la décision il est suffisamment justifié de ce que celle-ci qui, comme il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, n’avait pas nécessairement à intervenir par voie de lettre RAR a été notifiée au plus tard par lettre simple du 3 novembre 2004 reçue le 12 novembre 2004 et qu’à cette dernière lettre étaient joints non seulement le texte de la décision comme l’indique M. X..., mais encore le second volet indiquant les voies et délais de recours ; qu’ainsi à la date du 27 janvier 2005, où a été reçue la demande du 25 janvier 2005 par la commission départementale d’aide sociale, la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de D... est regardée comme ayant bien été notifiée à M. X..., sans qu’il soit besoin de déterminer si celui-ci avait eu, hors ladite notification, connaissance « acquise » de la décision, au plus tard le 12 novembre 2004, soit une date telle que le délai de deux mois prévu à l’article R. 131-10 du code de l’action sociale et des familles pour déférer les décisions administratives d’aide sociale aux commissions départementales d’aide sociale était bien expiré ;
    Considérant qu’au demeurant et pour faire reste de droit, dans la mesure où le seul élément sur lequel, selon la présente juridiction, l’hésitation est permise, soit la preuve de la notification de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de D... comportant les deux volets et non seulement le premier serait de nature à emporter une conviction inverse de celle de la présente juridiction, aucun des moyens de la demande de M. X... à la commission départementale d’aide sociale n’était fondé ;
    Considérant en effet, en premier lieu, que l’absence d’information du bénéficiaire de l’aide sociale ou de ses héritiers sur l’existence des recours en récupération n’est pas de nature à entacher la légalité et le bien fondé de la récupération subséquente en l’espèce contre le donataire ;
    Considérant, en deuxième lieu, qu’à supposer même que la demande d’aide sociale n’ait pas été personnellement signée par Mme X..., l’assistée, il a bien été fourni à l’administration l’ensemble des éléments nécessaires à l’instruction de cette demande et les états de paiements produits par le président du conseil général correspondant à l’acquit de l’allocation durant l’ensemble de la période litigieuse aux taux et montants prévus par les dispositions successivement applicables établissent suffisamment que Mme X... a effectivement perçu les arrérages litigieux et que ceux-ci sont ainsi récupérables ; qu’en ce qui concerne la prétendue contradiction entre la date d’effet des allocations et la date postérieure de la décision celle-ci a comme elle pouvait le faire rétroagi à la date de la demande ; que la circonstance que le département ne soit pas en mesure de fournir les relevés bancaires établissant le versement sur le compte de Mme X... des arrérages litigieux demeure sans incidence, en toute hypothèse, sur l’apport de la preuve qui lui incombe, compte tenu des éléments probants et contrairement à ce qu’il soutient opposables à M. X... précédemment relevés ; que d’ailleurs M. X... renverse les obligations des parties dans l’administration de la preuve dont la charge incombe au département en soutenant que c’est à celui-ci qu’il appartient de fournir les relevés bancaires dont il s’agit alors que Mme X... ne les avait elle-même pas conservés et que par les éléments ci-dessus relevés le département à tout le moins apporte des éléments sérieux de la preuve dont la charge lui incombe et qui ne sont en rien infirmés par M. X... notamment par la production des relevés dont il impute le défaut au département, étant constant que l’établissement bancaire n’était pas tenu de conserver plus de dix ans les relevés dont il s’agit ; qu’ainsi le département de la Dordogne apporte bien la preuve dont il a la charge de ce que les arrérages dont la récupération est litigieuse ont bien été mandatés et versés à Mme X... ; que d’ailleurs après la suspension des paiements pour dépassement du plafond de ressources, Mme X... a elle-même, à nouveau, ainsi qu’il n’est pas contesté, sollicité ultérieurement la reprise de paiement de l’allocation ;
    Considérant que les allocations d’aide sociale sont accordées en fonction des ressources en revenus et non en capital ; qu’ainsi M. X... qui ne fournit, en toute hypothèse, aucun élément de nature à présumer que durant la période de versement Mme X... n’avait pas droit à l’allocation, ne saurait se prévaloir du montant des capitaux mobiliers de Mme X... à son décès ; que d’ailleurs eussent-ils été versés en méconnaissance des conditions réglementaires relatives aux ressources des demandeurs d’allocations compensatrices les arrérages l’auraient été illégalement et auraient été susceptibles d’être récupérés à tout le moins sur la succession du bénéficiaire alors même qu’une telle récupération n’est pas possible sur cette succession lorsque les prestations ont été légalement versées ;
    Considérant que la donation litigieuse ayant été effectuée après l’admission à l’aide sociale de Mme X..., les arrérages litigieux étaient bien récupérables ; que, par ailleurs, si M. X... reproche à l’administration de lui avoir « porté préjudice » en exerçant son recours tardivement et en n’ayant pas préalablement exercé de recours pour retour à meilleure fortune, d’une part, la prescription dont il s’agit n’était alors enfermée que dans le délai trentenaire prévu à l’article 2262 du code civil ; d’autre part, alors d’ailleurs que le dossier ne permet pas de déterminer quel recours pour retour à meilleure fortune aurait été susceptible d’être effectué du vivant de l’assistée..., la circonstance en tout état de cause qu’un tel recours n’aurait pas été effectué alors qu’il aurait, ainsi que le soutient le requérant, pu l’être demeure sans incidence sur la légalité et le bien fondé du recours en récupération contre le donataire dès lors que les conditions légales d’ouverture de celui-ci sont bien réunies ;
    Considérant que la circonstance que M. X... se soit acquittés des droits successoraux après le décès de sa mère est sans incidence sur la légalité et le bien-fondé du recours contre le donataire prévu au b) de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant enfin que M. X... n’est fondé à se prévaloir ni des dispositions de la loi du 11 février 2005 supprimant pour l’avenir les récupérations notamment contre le donataire dès lors que le fait générateur de la récupération litigieuse est antérieur à l’entrée en vigueur de cette loi, ni des dispositions du même article prévoyant que les dispositions ainsi applicables pour l’avenir s’appliquent également aux instances en cours concernant des décisions de récupération contre la succession, une telle extension n’ayant pas été prévue par le législateur en ce qui concerne le recours contre le donataire,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de M. X... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 juin 2010 où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 août 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer