Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : ASPA - Aide ménagère - Recours en récupération
 

Dossier no 080437

Mme X...
Séance du 24 février 2010

Décision lue en séance publique le 9 août 2010

    Vu le recours formé le 11 janvier 2008 par M. Y..., tendant à l’annulation d’une décision, en date du 13 novembre 2007, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Jura a maintenu la décision du président du conseil général du Jura, en date du 15 mai 2007, de récupération sur le donataire bénéficiaire du contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X..., de la somme de 7 622 euros, au titre des sommes avancées à cette dernière par le département, du 1er juin 1995 au 30 septembre 2003, pour un montant total de 9 974,66 euros, au titre des services ménagers à domicile ;
    Le requérant conteste cette décision, soutenant qu’il est victime d’une grande injustice et rappelle que tout ce qu’il a fait pour sa mère justifie qu’il ait touché 7 622 euros. ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, en date 20 février 2008, du président du conseil général du Jura proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 21 mars 2008 du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique du 24 février 2010 Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 146 b) du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 applicable à la date des faits, devenu l’article R. 132-11 du code de l’action sociale et des familles : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a bénéficié des services ménagers à domicile du 1er juin 1995 au 30 septembre 2003 et que les sommes avancées à ce titre par le département se sont élevées au total à 9 974,66 euros ; que Mme X..., née le 22 octobre 1908, avait souscrit le 2 décembre 1997 un contrat d’assurance-vie pour un montant de prime versée de 7 622 euros ; que le président du conseil général du Jura, en se fondant sur l’âge de celle-ci à la date de souscription du contrat d’assurance-vie (89 ans), rapproché de sa durée, ainsi que sur l’importance de la prime versée et le bénéficiaire désigné, son fils et requérant, a estimé, par décision, en date du 15 mai 2007, que Mme X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à son égard et que légalement, elle pouvait en déduire que ce dernier devait être regardé comme le bénéficiaire d’une donation et prononcé, en conséquence, la récupération de la somme de 7 622 euros à l’encontre du donataire ; que la commission départementale d’aide sociale du Jura a, par décision en date du 13 novembre 2007, confirmé cette décision ;
    Considérant que Mme X... était âgée de 89 ans à la date de souscription du contrat d’assurance-vie et que ses ressources, d’un montant mensuel de 300 euros comme le précise le requérant, la rendaient éligible aux services ménagers à domicile dont elle bénéficiait depuis le 1er juin 1995 et a continué à bénéficier jusqu’au 30 septembre 2003 ; que les sommes qui lui ont été versées à ce titre par le département pour un montant de 9 974,66 euros ne constituaient que des avances permettant son maintien à domicile et récupérables par celui-ci à son décès sur sa succession ou, le cas échéant, à l’encontre d’un donataire de Mme X... ; que, dans ces conditions, l’investissement de la somme de 7 622 euros, dans un contrat assurance-vie, par Mme X... au profit exclusif de l’un de ses fils, alors même qu’elle déclarait des ressources inférieures au plafond requis pour les services ménagers à domicile, peut à juste titre être considéré comme procédant d’une intention libérale à son égard et requalifié en donation autorisant ainsi le département à exercer son droit à récupération de sa créance sur le donataire ; que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article 146 susmentionné et que le seuil de récupération sur les successions de 46 000 euros n’est pas opposable en ce qui concerne le recours à l’encontre des donataires ; que, par ailleurs, l’actif net successoral de Mme X... décédée le 28 août 2006, qui avait, par acte en date du 29 octobre 1987, fait avec son époux donation à leurs deux fils de leurs biens immobiliers d’une valeur de 310 000 F (47 259,20 euros), constitué par deux comptes épargne, s’est élevé à 26 578,74 euros, dont 13.280,98 euros revenant au requérant ; que dans ces conditions, par décision en date du 13 novembre 2007, la commission départementale d’aide sociale du Jura a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la décision du président du conseil général du Jura, en date du 15 mai 2007, de récupérer les sommes avancées par le département, à concurrence de la somme de 7 622 euros, correspondant au montant de la prime versée par Mme X..., seule constitutive de l’intention libérale, mentionnée dans la déclaration partielle de succession remplie le 2 octobre 2006 par le requérant et obtenue par le département des services fiscaux, à défaut d’élément fourni par celui-ci ; que toutefois cette récupération à l’encontre de la donataire, ne pouvant s’effectuer qu’à concurrence du montant des primes versées par Mme X..., lors de la souscription du contrat d’assurance-vie, soit 7 622 euros, montant qu’il appartient à la donataire, le cas échéant, de confirmer audit département pour qu’il puisse fixer dans le propre intérêt de celui-ci le montant définitif de la créance récupérable ; que, dès lors, le recours susvisé doit être rejeté ; qu’il appartient éventuellement au requérant qui bénéficie déjà de délais de paiement de solliciter auprès des services du Trésor public un réaménagement de son échéancier,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 février 2010 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. VIEU, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 9 août 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer