Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : ASPA - Prestation spécifique dépendance (PSD) - Recours en récupération - Récupération sur donation
 

Dossier no 081406

Mme X...
Séance du 24 février 2010

Décision lue en séance publique le 9 août 2010

    Vu le recours formé le 1er juillet 2008 par M. Y... en son nom, et celui de Mlle Z..., sa sœur, dont il est le tuteur désigné, tendant à l’annulation d’une décision, en date du 21 mai 2008, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme a confirmé la décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme, en date du 20 décembre 2007, de récupérer, à concurrence de la somme de 25 241,60 euros, à l’encontre du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, souscrit par Mme X..., les sommes qui lui ont été avancées par le département, pour un montant total de 36 684,02 euros, au titre de la prestation spécifique dépendance dont elle avait bénéficié pour la période du 1er juillet 1998 au 31 décembre 2001, qu’elle a cependant ramenée à 16 241 euros, compte tenu de la situation invoquée par le fils et requérant de celle-ci ;
    Le requérant conteste la décision, soutenant par l’intermédiaire de la société d’avocats C..., de R..., V... et A..., dans son courrier en date du 23 décembre 2008, que Mme X... atteinte de la maladie d’Alzheimer et peu instruite, a suivi les conseils de son banquier pour souscrire, sans aucune intention libérale les contrats d’assurance-vie et qu’il ne dispose plus du capital libéré par son décès. Il demande que la somme récupérable déjà réduite de 9 000 euros soit annulée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du Puy-de-Dôme en date du 25 août 2008 proposant le maintien de la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu les lettres en date du 4 décembre 2008 du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique du 24 février 2010, Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part qu’aux termes des dispositions du (b) de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961 devenu l’article R. 132-11 dudit code : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire » ;
    Considérant d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a bénéficié d’une prestation spécifique dépendance à domicile du 1er juillet 1998 au 31 décembre 2001, et que les sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le département se sont élevées au total à 36 684,02 euros ; que les 16 décembre 1994 et 16 septembre 1999, Mme X... - née le 15 mars 1922 - avait souscrit deux contrats assurance-vie par le versement de deux primes respectivement de 14 486,93 euros et 10 754,67 euros, soit un total de 25 241,60 euros, au profit exclusif de son fils ; que, par décision en date du 27 décembre 2007, le président du conseil général du Puy-de-Dôme, en se fondant sur l’âge (72 et 77 ans) de Mme X..., aux dates de souscription des contrats d’assurance vie, rapprochés de leur durée, ainsi que sur l’importance des primes versées eu égard au montant de ses ressources, a estimé que celle-ci avait bien fait preuve d’une intention libérale à son égard et que légalement elle pouvait en déduire que ce dernier devait être regardé comme le bénéficiaire d’une donation et a, en conséquence, prononcé la récupération à l’encontre du donataire de la créance départementale au titre de la prestation spécifique dépendance pour la période du 1er juillet 1998 au 31 décembre 2001 à hauteur de 25 241,60 euros, correspondant aux primes versées constituant le montant de la donation ; que cette décision a été confirmée par la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme, par la décision attaquée, en date du 21 mai 2008 ;
    Considérant que la société de conseils soutient que Mme X... avait souscrit ces contrats au profit de son fils, sans intention libérale, et que « faiblement instruite » avait fait confiance en son banquier l’assurant de la sécurité supplémentaire de transmettre un capital à ses héritiers ; que Mme X... étant atteinte de la malade d’Alzheimer, son fils a dû cesser son activité professionnelle pour s’occuper d’elle et de sa sœur handicapée ; que le capital « peu important » libéré par le décès de leur mère d’un montant de 25 241,60 euros ne serait plus disponible, M. Y... ayant dû régler la somme de 9 000 euros pour les obsèques de sa mère et les 16 241 euros restant, ayant été donnés pour moitié à sa sœur qui ne disposerait que du montant de l’allocation aux adultes handicapés (652,60 euros) et l’autre moitie utilisée pour les dépenses de la vie quotidienne, lui-même ne disposant que de 2,46 euros par jour versés par les Assedic ;
    Considérant que sur ces points précis, il ressort des pièces figurant au dossier et des éléments complémentaires demandés au requérant et au département, afin de pouvoir statuer sur l’affaire, que Mme X... a été admise au bénéfice d’une prestation spécifique dépendance à domicile à compter du 1er juillet 1998 au titre de son classement dans le groupe iso ressources 3 pour un montant mensuel de 862,56 euros (5 658 F), rémunérant un plan d’aide de 115 heures réalisées par M. Y... déclaré salarié de sa mère, à partir du 1er septembre 1998 ; qu’à compter du 1er septembre 2004, Mme X... a été admise au bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile et a déclaré comme salariée pour la réalisation de son plan d’aide, Mme Nathalie W... ; que s’agissant de l’activité antérieure exercée par M. Y... et des conditions de sa cessation d’activité invoquées par la société de conseils pour demander l’annulation de la récupération (qui se borne à indiquer qu’au 1er juin 2007, celui-ci sans activité percevait le RMI), le compte rendu de la visite de l’équipe médico-sociale effectuée le 3 novembre 1997 précise que M. Y... - résidant dans le même immeuble que sa mère et sa sœur handicapée travaillant dans un centre d’aide par le travail - se trouvait sans activité par suite de la vente de son bar et qu’en attendant de reprendre un commerce il s’occupait de sa mère ; que Mlle Z..., sa sœur, perçoit une allocation aux adultes handicapés d’un montant de 681,63 euros complétée par 179,31 euros au titre de son complément de ressources, de 221,48 euros au titre de l’allocation logement et 46 euros de revenus de capitaux mobiliers, soit au total 1 128,42 euros ; que Mme X... étant décédée le 16 février 2007, le département, par courrier en date du 29 mars suivant, invitait M. Y... à lui préciser si celle-ci possédait notamment un contrat d’assurance-vie ; que par courrier en date du 6 avril suivant, celui-ci ayant prétendu que le département avait déjà les justificatifs et qu’après paiement des obsèques de leur mère, il restait aux deux enfants 20 000 euros, soit une somme en deçà du seuil de récupération en matière de prestation spécifique dépendance dont il lui rappelait les règles, le département a dû solliciter, par courrier en date du 5 juillet 2007, les services fiscaux - comme l’y autorise l’article L. 133-3 du code de l’action sociale et des familles - pour obtenir les justificatifs non produits par M. Y... ; qu’à réception de la déclaration partielle de succession en date du 21 mars 2007, le département l’avisait de la possible mise en œuvre d’une récupération à l’encontre du donataire ;
    Considérant que l’ensemble des éléments susexposés, ne confirme pas la situation financière, familiale et psychologique de M. Y... et de sa sœur, telle qu’invoquée par la société de conseils pour justifier la demande d’une remise totale de la somme récupérable à l’encontre du donataire, déjà réduite de 9 000 euros, pour tenir compte des frais funéraires ; que par ailleurs, dans ses observations, en date du 23 décembre 2008, la société d’avocats indique que le montant du capital placé sur les deux contrats d’assurance-vie, qui a été libéré au décès de Mme X... le 16 février 2007, s’élève à 25 241 euros, soit le montant des primes versées par celle-ci lors de leur souscription les 16 décembre 1994 et 16 septembre 1999 ; que ladite société, par courrier en date du 21 décembre 2009, prétend que son requérant « ne peut pas répondre » - alors même qu’il est exposé par celui-ci que Mme X... était atteinte de la maladie d’Alzheimer et qu’il avait cessé son activité pour s’occuper d’elle et de sa sœur - à la question concernant précisément le montant du capital qu’il a perçu et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles le montant des primes versées en 1994 et 1999 est identique au montant du capital libéré en 2007 alors même qu’il n’a été en aucun cas mentionné que Mme X... avait effectué des retraits depuis la souscription des contrats ; qu’il y a donc lieu de constater qu’en l’absence de production des justificatifs demandés sur le montant du capital réellement perçu par M. Y... au décès de sa mère, aucun élément n’est de nature à justifier qu’il soit accédé à sa demande de remise totale - qui en tout état de cause, ne relève pas de la compétence des juridictions d’aide sociale - de la somme dont il est décidé la récupération à son encontre ;
    Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article 146 susmentionné ; que l’action en récupération constitue non une faculté, mais un droit du département prévu par les textes qu’il lui appartient d’exercer, dès lors que les conditions de seuil requises sont remplies ; qu’en l’occurrence, aucun seuil n’est opposable à la récupération à l’encontre du donataire de la somme de 16 241 euros au titre de la créance départementale d’un montant total de 36 684,02 euros constituée par les sommes avancées à Mme X..., au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile pour la période du 1er juillet 1998 au 31 décembre 2001 ; que dans ces conditions, la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme, réduisant à 16 241 euros le montant de la créance départementale récupérable à l’encontre du donataire de Mme X... est confirmée ; que, dès lors, le recours susvisé ne saurait être accueilli,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 février 2010 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. VIEU, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 9 août 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer