Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Prestation spécifique dépendance (PSD) - Récupération sur donation
 


Dossier no 060386

M. X...
Séance du 23 septembre 2010

Décision lue en séance publique le 29 septembre 2010

    Vu le recours formé le 18 septembre 2005 par M. le président du conseil général du Rhône tendant à l’annulation d’une décision, en date du 8 février 2005, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Rhône a annulé une décision, en date du 23 juin 2004, de la commission d’admission à l’aide sociale de C... de récupérer sur la donataire la somme de 881,68 euros au titre des sommes avancées par le département à M. X... bénéficiaire de la prestation spécifique dépendance en établissement du 15 février 2000 au 31 janvier 2002 et de la prise en charge par l’aide sociale de ses frais d’hébergement du 15 octobre 1999 au 2 janvier 2004 ;
    Le requérant demande l’annulation de cette décision et le rétablissement de la récupération de la créance départementale à l’encontre de la donataire, sa situation financière étant sans incidence.
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire du président du conseil général du Rhône-et-Loire en date du 11 janvier 2006 proposant l’annulation de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale en date du 27 mars 2006 informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique Mlle SAULI, rapporteur, en son rapport, et en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part qu’aux termes des dispositions du b) de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961 : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X... a bénéficié de la prise en charge de ses frais d’hébergement à la R... du 15 octobre 1999 au 2 janvier 2004 et de la prestation spécifique dépendance du 15 février 2000 au 31 janvier 2002 ; que les sommes qui lui ont été avancées à ce double titre par le département se sont élevées à 20 921,33 euros ; que, le 25 septembre 1991, M. X... a souscrit un contrat assurance longue vie garantissant à partir du 25 septembre 1993 à sa conjointe survivante le versement d’un capital forfaitaire de 15 200 francs (2 317,22 euros) en cas de décès par suite de maladie ;
    Considérant qu’en se fondant sur l’âge de M. X... à la date de souscription du contrat (72 ans), rapproché de sa durée, ainsi que sur le montant du capital garanti en cas de décès et la bénéficiaire désignée, la commission d’admission à l’aide sociale de C... a estimé, au vu de l’ensemble de ces éléments, qu’il y avait eu manifestation d’une intention libérale et que, légalement, elle pouvait en déduire que la bénéficiaire désignée, Mme X..., devait être regardée comme bénéficiaire d’une donation et prononcer à son encontre la récupération de la somme de 881,68 euros ; que cependant cette dernière ayant saisi le 9 juillet 2004, la commission départementale du Rhône d’un recours en annulation de cette décision sur le moyen que ses ressources ne lui permettaient pas de rembourser cette somme, celle-ci a, par décision, en date du 8 février 2005, confirmé le principe de la requalification du contrat mais exonéré la requérante de la récupération de 881,68 euros, compte tenu de sa situation financière ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier que, le 1er octobre 1991, M. X... avait souscrit un contrat « assurance longue vie », prenant effet au 25 septembre 1991 et accordant en cas de décès des garanties à sa conjointe, et à défaut ses enfants, consistant pour un décès par suite de maladie à partir du 25 septembre 1993 en un versement d’un capital forfaitaire de 15 200 francs (2 317,22 euros) ; que, par ailleurs, le contrat ne mentionne qu’une cotisation mensuelle de 179 francs (27,29 euros) par mois et précise qu’en cas de décès par suite de maladie pendant les première et deuxième années d’assurance, les cotisations versées majorées de 50 % feraient l’objet d’un remboursement ; que, par ailleurs, il n’est aucunement fait mention dans ledit document de versement de primes permettant d’attester d’une intention libérale de M. X... qui justifierait le droit du département à une requalification en donation du contrat souscrit et la récupération à l’encontre de la donataire de sa créance dans la limite du montant des primes versées ; que le montant de 2 317,22 euros retenu par le département, avant déduction des frais d’obsèques (1 747 euros) et intégration de l’actif net successoral (361,69 euros), correspond au capital forfaitaire garanti en cas de décès par suite de maladie à partir de la troisième année d’assurance et qu’en tout état de cause, le montant du capital libéré par le décès est exclu des éléments d’appréciation pour la requalification du contrat ; qu’il y a lieu de constater, à partir de ces informations, que le contrat souscrit par M. X... n’est pas un contrat d’assurance vie mais une assurance décès qui n’a pas donné lieu à versement de primes ; que, dans ces conditions, la requalification dudit contrat en donation et la récupération à l’encontre de la donataire ne sont pas fondées ; qu’il y a donc lieu d’annuler la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de C..., en date 23 juin 2004, de récupération de la somme de 881,68 euros à l’encontre de la donataire ainsi que la décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône, en date du 8 février 2005, qui après avoir confirmé la récupération sur le principe, en exonère Mme X... au vu de sa situation financière ; que, dès lors, le recours susvisé ne saurait être accueilli,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Rhône, en date du 8 février 2005, ensemble la décision, en date du 23 juin 2004, de la commission d’admission à l’aide sociale de C... sont annulées.
    Art. 2.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 septembre 2009, où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. BROSSAT, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 29 septembre 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer