Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur donation - Assurance vie - Qualification
 


Dossier no 090324

M. X...
Séance du 8 septembre 2010

Décision lue en séance publique le 18 octobre 2010

    Vu le recours formé le 22 janvier 2009 par M. Y..., tendant à l’annulation d’une décision, en date du 7 octobre 2008, par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 2 mai 2008, de récupérer, à l’encontre des bénéficiaires des contrats d’assurance vie souscrits par M. X..., la somme de 8 340,80 euros avancée à celui-ci par le département au titre de son admission à l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en maison de retraite pour la période du 9 décembre 2003 au 19 décembre 2006, date de son décès ;
    Le requérant conteste cette décision, soutenant sans produire de justificatifs, que sa propre trésorerie, indépendante de celle de sa compagne, est très précaire et ne lui permet pas de rembourser la somme demandée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général, en date du 5 août 2008, proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres, en date du 23 mars 2009, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 8 septembre 2010 Mlle SAULI, rapporteur, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132-8-2 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration... contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que ses ressources étant insuffisantes pour couvrir ses frais d’hébergement à la maison de retraite Les Feuillantines de L’Escarène, M. X... avait déposé, le 19 novembre 2002, une demande d’admission au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées ; que, par décision en date du 11 juin 2003, la commission d’admission à l’aide sociale de Nice 3 a admis M. X... la prise en charge des frais non couverts pour la période du 11 juin 2003 au 10 juin 2006, sous réserve du reversement de 90 % de ses ressources et du reversement des revenus des capitaux mobiliers ; que, par décision ultérieure en date du 7 novembre 2005 de ladite commission, cette admission a été confirmée dans les mêmes conditions pour la période du 11 juin 2005 au 10 juin 2007, sous réserve, à partir du 1er décembre 2005, d’une participation de la seule fille de M. X..., et mère du requérant, évaluée à 45 euros ; que le total des sommes qui ont été avancées à M. X... au titre de la prise en charge des ses frais d’hébergement pour la période du 9 décembre 2003 au 19 décembre 2006 s’est élevé à 34 668,48 euros ; qu’au décès de M. X... le 19 décembre 2006, son actif net successoral s’est élevé à 6 235 euros ; que, le 12 mai 2004, M. X... - né le 22 janvier 1916 - avait souscrit un contrat d’assurance vie par le versement d’une prime de 8 340,80 euros au profit exclusif de ses deux petits-enfants dont le requérant ; que le département, en se fondant sur l’âge de celui-ci à la date de souscription du contrat (88 ans), rapproché de sa durée, ainsi que sur l’importance de la prime versée et les bénéficiaires désignés - a estimé que M. X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à leur égard et que, légalement, elle pouvait en déduire que ces derniers devaient être regardés comme les bénéficiaires d’une donation ; que par décision, en date du 2 mai 2008, le président du conseil général a prononcé la récupération à l’encontre des donataires de la somme de 8 340,80 euros, soit 4 170,40 euros pour le requérant - avancée à M. X... au titre de l’aide sociale aux personnes âgées du 9 décembre 2003 au 19 décembre 2006 ; que cette décision a été confirmée par la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes par décision, en date du 7 octobre 2008 ; que le recours en récupération de la somme de 6 235 euros sur la succession de M. X... a été reporté au décès de son conjoint survivant ;
    Considérant que les ressources de M. X... n’étaient pas suffisantes pour régler la totalité de ses frais d’hébergement à compter du 9 décembre 2003 à la maison de retraite de L’Escarène et qu’il n’a bénéficié de l’aide d’une des trois personnes tenues à son égard à une obligation alimentaire qu’à partir du 1er décembre 2005 pour un montant mensuel de 45 euros ; qu’ainsi, pour garantir à M. X... son maintien en maison de retraite, le département a dû pallier la carence de ses obligés alimentaires - en l’occurrence sa fille et ses deux petits-enfants - du 9 décembre 2003 au 30 novembre 2005 en totalité et, à titre différentiel, du 1er décembre 2005 au 19 décembre 2006 en avançant à celui-ci une somme totale de 34 668,48 euros pour l’ensemble de la période ; qu’il y a lieu de constater qu’alors qu’il était ainsi pris en charge par l’aide sociale aux personnes âgées, M. X... a cependant investi au profit de ses petits-enfants - dont le requérant - en lieu et place desquels le département participait à ses frais d’hébergement, la somme de 8 340,80 euros ; que c’est donc à juste titre que le département a estimé que M. X... avait preuve d’une intention libérale à l’égard de ses petits-enfants - dont la non-participation aux frais d’hébergement a accru d’autant le montant de frais à couvrir par le département - et requalifié en donation le contrat d’assurance vie que celui-ci avait souscrit ;
    Considérant que la donation a été faite dans la période mentionnée à l’article L. 132-8 (2o) susvisé qu’aucun seuil de récupération n’est opposable en matière de récupération à l’encontre des donataires et que le montant de la récupération ne dépasse pas le montant de la donation ; que M. X... avait pris connaissance des conséquences sur sa succession ou à l’encontre des donataires de son admission au bénéfice de l’aide sociale exposées par un document qu’il a signé le 18 décembre 2002 ; que la circonstance selon laquelle le requérant n’était pas informé de la possibilité d’une récupération est inopérant ; que celui-ci est d’autant moins fondé à contester la décision de récupérer à son encontre de la somme de 4 170,40 euros qu’il a perçue au titre du capital libéré par le décès de son grand-père la somme de 4 857,55 euros ; qu’en revanche, le département - après récupération de 6 335 euros sur la succession de M. X... - n’aura récupéré que la somme de 14 675,80 euros sur une créance totale d’un montant de 34 668,48 euros justifié en partie par les avances supplémentaires qu’il a dû consentir à la place du requérant et de sa sœur, une créance de 19 992,68 euros restant définitivement à sa charge ; que, dans ces conditions, la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en maintenant la décision du président du conseil général, en date du 2 mai 2008, prononçant la requalification du contrat d’assurance vie en donation et, en conséquence, la récupération de la somme de 8 340,80 euros à l’encontre des donataires ; que, dès lors, le recours susvisé doit être rejeté ; que, si le requérant estime que ses ressources appréciées indépendamment de celles de sa compagne ne lui permettent pas d’acquitter la somme de 4 170,40 euros lui incombant, il lui appartient de solliciter auprès des services du Trésor public, l’octroi de délais de paiement,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient chacun en ce qui le concerne d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 8 septembre 2010, où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. VIEU, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 18 octobre 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer