Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : ASPA - Prestation spécifique dépendance (PSD) - Recours en récupération - Récupération sur donation
 

Dossier no 091130

Mme X...
Séance du 27 janvier 2010

Décision lue en séance publique le 4 février 2010

    Vu le recours formé le 19 août 2009 par Mme Y..., tendant à l’annulation d’une décision en date du 19 mai 2009, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne a maintenu la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de C..., en date du 10 octobre 2006, de récupération sur les donataires bénéficiaires des contrats assurance vie souscrits par Mme X..., de la somme de 9 590 euros au titre des sommes avancées à cette dernière par le département du 1er octobre 1999 au 24 décembre 2001 pour un montant total de 10 151,69 euros au titre de la prestation spécifique dépendance ;
    La requérante conteste cette décision. Elle soutient que son époux est handicapé et retraité et que - elle-même ayant toujours été bénévole - le couple ne dispose que d’une retraite qui ne permet pas de rembourser la somme demandée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, en date 5 novembre 2009, du président du conseil général proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 8 septembre 2009 du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique Mlle SAULI, rapporteur, en son rapport, et en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961 applicable à la date des faits, devenu l’article R. 132-11 du code de l’action sociale et des familles : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. » ;
    Considérant par ailleurs, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a bénéficié d’une prestation spécifique dépendance du 1er octobre 1999 au 24 décembre 2001, date de son décès, et que les sommes avancées à ce titre par le département se sont élevées au total à 10 151,69 euros ; que Mme X... - née en 1904 - avait souscrit le 19 mars 1999 un contrat d’assurance vie pour un montant de prime versée de 8 842,04 euros ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne en se fondant sur l’âge de celle-ci à la date de souscription du contrat d’assurance vie (95 ans), rapproché de sa durée, ainsi que sur l’importance de la prime versée - alors même que le 18 mars 1999, elle avait déposé une demande d’admission au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement - et les bénéficiaires désignées - ses deux petites-filles, dont la requérante - a confirmé la décision de la commission d’admission de C..., en date du 19 mai 2006, qui a estimé que Mme X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à leur égard et que légalement, elle pouvait en déduire que ces dernières devaient être regardées comme les bénéficiaires d’une donation ;    Considérant que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne a confirmé la décision de la commission d’admission de C..., en date du 19 mai 2006, de récupérer à l’encontre des donataires la somme de 9 590 euros au titre des sommes avancées par le département à Mme X... ; que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article 146 susmentionné et que le seuil de récupération sur les successions de 46 000 euros n’est pas opposable en ce qui concerne le recours à l’encontre des donataires ; qu’il convient de souligner que les avances dont a bénéficié Mme X... de la part du département se sont élevées à 10 151,69 euros ; que, par acte en date du 26 mars 1988, celle-ci avait fait donation à ses petites-filles - la requérante et sa sœur - de biens - dont une moitié de maison - d’une valeur de 14 025,31 euros (92 000 francs) ; qu’en mars 1999 - comme susexposé - Mme X..., la veille d’investir la somme de 8 842,04 euros dans un contrat d’assurance vie, avait déposé une demande d’aide sociale pour la prise en charge d’un montant mensuel de 339,50 euros (2 227 F) de frais d’hébergement non couverts par ses ressources ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la décision de requalification en donation du contrat assurance vie souscrit par Mme X... ; que, cependant la récupération de la créance départementale ayant été décidée sur la somme de 9 590 euros qui correspond au montant du capital libéré par le décès de Mme X..., la somme récupérée dépasse le montant de la donation à prendre en compte qui doit être celui de la prime versée, seule constitutive de l’intention libérale, soit la somme de 8 842,04 euros ; que dans ces conditions, la commission départementale de l’Aisne ayant commis une erreur de droit dans la fixation du montant de la donation, sa décision, ensemble la décision susmentionnée de la commission d’admission à l’aide sociale de C..., doit être annulée et le montant de la récupération doit donc être fixée à 8 842 euros ; que dès lors, le recours susvisé ne saurait être accueilli ; qu’il appartient à la requérante, de solliciter éventuellement l’octroi de délais auprès des services du Trésor public pour s’acquitter de la part lui incombant de cette somme,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne, en date du 19 mai 2009, ensemble la décision de la commission à l’aide sociale de C..., en date du 10 octobre 2006, est annulée en tant qu’elle fixe le montant de la récupération à l’encontre des donataires de Mme X... à 9 590 euros.
    Art. 2.  -  La récupération à l’encontre des donataires de Mme X... est décidée sur la somme de 8 842,04 euros.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 janvier 2010 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 février 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer