Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie
 

Dossier no 090865

Mme X...
Séance du 8 septembre 2010

Décision lue en séance publique le 15 octobre 2010

    Vu le recours formé le 14 janvier 2009 par M. X..., tendant à l’annulation d’une décision, en date du 16 décembre 2008, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne a confirmé la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de V..., en date du 24 avril 2008, de récupérer à l’encontre du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X..., la somme de 5 335,75 euros avancée à celle-ci par le département au titre de son admission à l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à l’EHPAD « E... », pour la période du 1er août 2005 au 25 novembre 2007, date de son décès ;
    Le requérant conteste cette décision, soutenant qu’il n’était pas avisé de la souscription de ce contrat par « un employé de banque désireux de faire un placement pour sa carrière » et qui a profité de la situation d’une femme âgée, seule et amoindrie ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général, en date du 15 mai 2009 proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 22 juin 2009, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 8 septembre 2010, Mlle SAULI, rapporteur, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132-8, 2o du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration... contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’au terme de l’article 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961 : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant d’autre part, qu’au terme de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... - placée à l’EHPAD « E... » - a été admise par décision en date du 28 septembre 2005, de la commission d’admission à l’aide sociale de V..., au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées du 1er août 2005 au 25 novembre 2007, date de son décès, pour la prise en charge des ses frais d’hébergement avec une participation mensuelle de son obligé alimentaire évaluée à 150 euros ; que les sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le département se sont élevées au total à 11 155,08 euros ; que Mme X... - née le 18 novembre 1915 - avait souscrit un contrat d’ assurance vie en 1997 par le versement d’une prime de 5 335,75 euros au profit de son fils et requérant ; que le département, en se fondant sur l’âge de Mme X... à la date de souscription du contrat (82 ans), rapproché de sa durée, ainsi que sur l’importance de la prime versée et le bénéficiaires désigné - a estimé que Mme X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à son égard et que légalement, elle pouvait en déduire que ce dernier devait être regardé comme le bénéficiaire d’une donation ; que par décision, en date du 24 avril 2008, le président du conseil général a prononcé la récupération à l’encontre du donataire de la créance départementale au titre de l’aide sociale aux personnes âgées du 1er septembre 2005 au 10 janvier 2007 dans la limite de la somme de 5 335,75 euros, correspondant au montant de la prime souscrite ; que cette décision a été confirmée par la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne, par décision, en date du 16 décembre 2008 ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier que Mme X... avait investi la somme de 5 335,75 euros dans la souscription d’un contrat assurance vie en 1997 ; qu’outre les sommes qu’il a avancées pour un montant de 11 155,08 euros pour aider à son maintien à l’EHPAD « E... » du 1er août 2005 au 16 mars 2007, le département a également pris en charge du 1er août 2005 à son décès les cotisations dont Mme X... était redevable auprès de sa mutuelle ; qu’il ressort du dossier qu’à son décès, elle ne disposait que d’une somme de 60,43 euros sur un compte chèque et de 275,60 euros à la Trésorerie mais que la somme libérée au profit du donataire par son décès survenu à l’âge de 92 ans, s’est élevée à 7 870,04 euros ; que précisément par suite d’une non mobilisation des intérêts produits par la somme investie sur le contrat d’assurance vie et d’une participation de 150 euros de son seul obligé alimentaire, le département a dû avancer un montant total de 11 155,08 euros pour suppléer l’insuffisance de ses propres ressources même augmentées de celles de son obligé alimentaire bénéficiaire à son décès de l’intégralité du capital augmenté des intérêts produits représentant la totalité de son patrimoine ; que dans ces conditions, c’est à juste titre que le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X... peut être requalifié en donation et son bénéficiaire donataire ;
    Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article L. 132-8 susmentionné, que la somme qui fait l’objet de la récupération au titre de l’aide sociale aux personnes âgées pour la période du 1er août 2005 au 16 mars 2007 a bien été avancée par le département à Mme X... et qu’aucun seuil n’est opposable en ce qui concerne le recours à l’encontre des donataires ; que par ailleurs, le département ne peut récupérer qu’un montant de 5 335,75 euros, ce qui laisse à sa charge une créance non recouvrable de 4 548,71 euros et un reliquat de 2 534,29 euros au profit de son donataire ; que dans ces conditions, la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en maintenant la décision du président du conseil général, en date du 24 avril 2008, de requalifier le contrat d’ assurance vie souscrit par Mme X... en donation et de prononcer la récupération de la somme 5 335,75 euros à l’encontre du donataire ; que dès lors, le recours susvisé doit être rejeté,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique à qui il revient chacun en ce qui le concerne d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 8 septembre 2010 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. VIEU, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 15 octobre 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer