Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Répétition de l’indu - Recours gracieux - Fraude
 

Dossier no 080957

Mme X...
Séance du 25 septembre 2009

Décision lue en séance publique le 20 novembre 2009

    Vu le recours en date du 29 mai 2008 présenté par Maître A..., pour Mme X... tendant à l’annulation de la décision en date du 14 février 2008 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Savoie a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision du 22 septembre 2007 du président du conseil général de la Haute-Savoie qui a refusé toute remise gracieuse sur un indu de 66 474,11 euros, résultant d’un trop perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion pour la période de novembre 1997 février 2007 ;
    Maître A... conteste la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Savoie et demande à ce que soit appliquée la prescription biennale pour la récupération de l’indu ainsi qu’une remise pour situation de précarité en faisant valoir :
            -  la bonne foi des époux X... :
    que Mme X... a toujours déclaré sa pension d’invalidité au titre de ses revenus imposables et a informé son assistante sociale dans le cadre de ses contrats d’insertion ; que M. X... pensait être dans son bon droit en n’ayant pas déclaré la donation dont il a bénéficié ; que celle-ci étant une libéralité elle ne peut être considérée comme une ressource ;
            -  l’absence de fraude :
    que l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme et 9-1 du code civil énoncent « chacun a droit au respect de la présomption d’innocence » ; que le conseil général a saisi le procureur de la République ; que M. et Mme X... n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation irrévocable, il ne peut leur être reproché la fraude dans le cadre de l’action en répétition de l’indu ;
    Maître A... demande l’application de la prescription biennale énoncée par l’article L. 262-40 du code de l’action sociale et des familles puisque Mme X... n’a pas fait l’objet d’une condamnation pour fraude que ledit article n’indiquant pas les causes d’interruption de la prescription, il convient d’appliquer les dispositions des articles 2242 à 2244 du code civil ; que la saisine par Mme X..., le 23 novembre 2007, de la commission départementale d’aide sociale sur le bien fondé de l’indu a interrompu la prescription ; que dès lors, la répétition de l’indu devrait se limiter à la période courant de novembre 2005 novembre 2007 ; que subsidiairement, il y a lieu d’appliquer l’article 2277 du code civil qui énonce la prescription quinquennale de « tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts », et le revenu minimum d’insertion est payable mensuellement ;
    La remise de dette pour précarité :
    La juridiction pénale saisie n’ayant pas statué définitivement sur la plainte visant Mme X..., celle-ci peut faire l’objet d’une remise de dette pour précarité, les ressources de son ménage étant de 986 euros mensuels ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Savoie en date du 2 décembre 2008 qui indique que les conclusions de la requérante sont dépourvues de fondement et conclut à la régularité de sa décision ;
    Vu le mémoire en réplique de Maître A... en date du 20 janvier 2009 persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
    Vu le mémoire en réponse du président du conseil général de la Haute-Savoie en date du 12 mars 2009 qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 et les décrets subséquents modifiés ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 25 septembre 2009, M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. ». Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. « La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-40 du même code : « L’action du bénéficiaire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées. » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer » ; qu’aux termes de l’article R. 262-22-1 du même code : « L’évaluation forfaitaire du train de vie prévue à l’article L. 262-41 prend en compte les éléments et barèmes suivants : (...) 10o Capitaux : 2, 5 % du montant à la fin de la période de référence » ;
    Considérant que Mme W... a été admise au revenu minimum d’insertion au titre du couple qu’elle formait avec M. Z...en mai 1997 ; que le couple s’est séparé en février 1999 ; que Mme W... a épousé en seconde noce M. X...le 29 janvier 2000 ; que cette nouvelle situation a été signalée le 15 juin 2000 à la faveur de la signature d’un nouveau contrat d’insertion ; que suite à un signalement du maire de résidence le président du conseil général, par décision en date du 1er mars 2007, a suspendu le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion à Mme W... dans l’attente d’un contrôle de situation ;
    Considérant qu’après avoir constaté que la CRAM versait une pension d’invalidité depuis le mois de novembre1997 à Mme X... et depuis le 1er mai 2001 une allocation supplémentaire du Fonds Spécial d’Invalidité, l’organisme payeur a mis à la charge de l’intéressée la somme de 13 564,60 euros qui se décompose par un premier indu de 5 709,24 euros notifié le 6 avril 2007 et un second de 7 855,36 euros le 4 mai 2007 pour la période courant du 1er avril 2005 au 28 février 2007 ;
    Considérant qu’à la suite d’un contrôle de l’organisme payeur en date du 10 mai 2007, il a été confirmé la perception par Mme X... des pensions susvisées et il a été constaté la vente d’une maison reçue par M. X... en donation partage ; que, par décision en date 23 mai 2007, le président du conseil général a rejeté la demande de remise gracieuse sollicitée par Mme X... ;
    Considérant qu’après une nouvelle régularisation de dossier, le président du conseil général de la Haute-Savoie, par décision en date du 26 septembre 2007, a assigné à Mme X... un trop perçu de 66 474,11 euros, résultant d’un trop perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion pour la période de novembre 1997 février 2007 ; que par décision en date du 26 septembre 2007, le président du conseil général de la Haute-Savoie a refusé toute remise gracieuse et a déposé le 25 septembre 2007 une plainte pour fraude auprès du procureur de la République ;
    Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 262-39 et L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles qu’il appartient aux juridictions de l’aide sociale de se prononcer sur la légalité des décisions mettant un indu à la charge d’un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion à la lumière des éléments qui leur sont soumis, le cas échéant après avoir ordonné toutes mesures d’instruction qu’elles jugent utiles ; que cette compétence n’est pas limitée, par la circonstance que l’administration, au motif que les faits fondant sa décision seraient susceptibles de recevoir la qualification d’infraction pénale par le juge compétent, pour se prononcer sur cette qualification ; qu’ainsi le moyen développé sur la seule compétence du juge pénal et l’absence d’une condamnation irrévocable est inopérant ;
    Considérant que l’indu tire son origine du défaut de déclaration par Mme X... de sa pension d’invalidité et d’une allocation supplémentaire du Fonds Spécial d’Invalidité, ainsi que des revenus tirés d’une activité salariée exercée depuis la date de leur perception ; qu’il n’est pas contesté que Mme X... n’a pas mentionné sur les déclarations trimestrielles de ressources les différents revenus qu’elle a perçus pendant près de 10 ans ; que les déclarations trimestrielles de ressources mentionnent explicitement l’obligation d’indiquer les revenus ; que de surcroit, l’intéressée a omis de déclarer la vente de la maison reçue en donation partage par son époux ; qu’ainsi Mme X... n’a pu se méprendre sur les conditions de cumul des différentes ressources avec l’allocation de revenu minimum d’insertion ;
    Considérant que les conclusions sur l’application des dispositions des articles 2242 à 2244 du code civil qui énoncent l’interruption de la prescription et l’article 2277 du même code qui énonce la prescription quinquennale sont à écarter, dans la mesure où elles sont de portée générale, alors que s’agissant du revenu minimum d’insertion le législateur a expressément établi par le biais de l’article L. 262-40 la prescription à deux ans, mesure plus favorable au débiteur et les conditions de sa levée, la fausse déclaration ou la manœuvre frauduleuse ;
    Considérant que les conclusions sur la donation-partage qui est une libéralité et non une ressource sont inopérantes dans la mesure où la libéralité indique que le donateur ne reçoit aucune contrepartie et qu’aucune disposition du code de l’action sociale et des familles ne les exclut des ressources à prendre en compte dans le calcul du montant du revenu minimum d’insertion afin que, le cas échéant, la règle de 2,5 % visée à l’article R. 262-22-1 susvisé puisse être appliquée ; que par ailleurs, le produit de la vente constitue une ressource pour le ménage de Mme X... et aurait dû être signalé à l’organisme payeur ; qu’en tout état de cause le calcul de l’indu par l’organisme payeur s’est fondé uniquement sur la perception des pensions d’invalidité et l’allocation du Fonds Spécial d’Invalidité ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la démarche de Mme X... procède d’une omission volontaire durant toute la période litigieuse ; qu’ainsi l’indu est fondé en droit et la levée de la prescription biennale motivée ; que conformément aux dispositions précitées de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles, la créance ne peut pas être remise ou réduite en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration, quelle que soit la précarité de la situation du débiteur ; que par suite, Mme X... n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du président du conseil général de la Haute-Savoie refusant de lui accorder une remise gracieuse de l’indu ;
    Considérant que le moyen tiré de ce que l’application de la disposition de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles a été introduite en 2006 alors que la période de l’indu est antérieure ne peut être retenu ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme X... n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 14 février 2008 de la commission départementale d’aide sociale de Haute Savoie,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours présenté, pour Mme X..., par Maître A... est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 septembre 2009 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, et M. BENHALLA, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 20 novembre 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer