Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession
 

Dossier no 100502

Mlle X...
Séance du 3 décembre 2010

Décision lue en séance publique le 24 janvier 2011

    Vu enregistré à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Seine-et-Marne le 1er mars 2010, l’appel par lequel les époux Z... et leur fille majeure Mme Y..., assistés par maître Frédéric GUERREAU, avocat inscrit au barreau de Melun, demandent à la commission centrale d’aide sociale de réformer la décision en date du 17 décembre 2009 de la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne rejetant le recours introduit par les appelants contre la décision du président du conseil général de Seine-et-Marne du 12 février 2008 d’exercer un recours sur la part revenant à Mme Y... de la succession de sa sœur, Mlle X..., décédée le 26 mai 2007, dont les frais d’hébergement et d’entretien dans divers établissements pour personnes handicapées ont été pris en charge par l’aide sociale du 23 novembre 1998 au 30 juin 2006, pour un montant total de 174 437,02 euros, et ce par les moyens que :
    1o Le calcul de l’actif successoral tient compte à tort d’un forfait pour biens mobiliers égal à 5 % des avoirs de Mlle X... à son décès ;
    2o Le passif successoral ne tient pas totalement compte des frais funéraires ;
    3o Mme Y... a « (...) à certains égards assumé le bien être matériel et psychologique de sa sœur, notamment dans les dernières années, et ce d’autant que les parents de Mlle X... souffraient eux-mêmes d’affections importantes (...) » et qu’elle peut donc être regardée comme ayant supporté la charge effective de la défunte, au sens de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;
    4o En tout état de cause, à supposer que le département de Seine-et-Marne soit fondé à exercer un recours sur la part de la succession de sa sœur Séverine revenant à Mlle Y..., sa situation doit être prise en compte en vue d’une exemption totale du paiement du montant récupérable par la collectivité publique, l’intéressée étant étudiante et sans grands moyens ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 31 mars 2010, le mémoire en défense du président du conseil général de Seine-et-Marne tendant au rejet de l’appel susvisé par les motifs que :
    1o Mme Y... n’a pas assumé la charge effective et constante de sa sœur Séverine, cette dernière ayant été le plus souvent accueillie en établissement pour handicapés adultes, en sorte que l’appelante ne peut bénéficier de l’exonération de récupération sur succession prévue par l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;
    2o Si aucune disposition législative et réglementaire n’autorise le département à limiter à un montant forfaitaire les frais d’obsèques, en revanche, ces derniers doivent être justifiés et ne présenter aucun caractère excessif ;
    Vu enregistré le 1er décembre 2010, le mémoire présenté par maître Fréderic GUERREAU, pour M. et Mme Z... et Mme Y..., persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’à titre liminaire et pour répondre à l’observation formulée par le conseil général dans son mémoire, il convient de préciser que le trop perçu de l’allocation compensatrice pour tierce personne de 1 805 euros a été remboursé par maître CADET, notaire en charge de la succession de Mlle X... ; qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts Z... et Y... les frais irrépétibles d’instance et d’action, ce qui justifiera de condamner le président du conseil général de Seine-et-Marne au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 Décembre 2010, M. GOUSSOT, rapporteur, Mme Rita BULLENS, pour le département de Seine-et-Marne, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que la décision attaquée a été prise par la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne sans que ne soit réuni le quorum de plus de la moitié de ses membres présents à l’audience et au délibéré qui était requis en l’absence du texte applicable fixant un quorum différent pour la régularité de ses délibérations ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que la requête n’est pas recevable en ce qui concerne les époux Z... à l’encontre desquels aucune récupération n’est recherchée par la décision de révision attaquée du président du conseil général de Seine-et-Marne ;
    Sur le recours exercé à l’encontre de Mme Y... ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire, (...) » ; que toutefois, conformément à l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles, ne peut s’exercer à l’encontre de « son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui [en] a assumé, de façon effective et constante, la charge (...) » le recours sur la succession d’une personne handicapée accueillie de son vivant dans un établissement relevant des 5o et 7o du 1 de l’article L. 312-1 dudit code et dont les frais d’hébergement et d’entretien ont été pris en charge par l’aide sociale ;
    Considérant qu’en l’espèce Mme Y... n’a pas la qualité de conjoint, d’ascendant ou de descendant de Mlle X..., sa sœur ; qu’elle allègue mais, à défaut d’en fournir la moindre justification, ne démontre pas en quoi elle aurait assumé la charge effective et constante de l’assistée ; qu’ainsi le président du conseil général est fondé à exercer un recours sur la part de l’actif net successoral de Mlle X... revenant à sa sœur Mme Y... ;
    Sur le forfait mobilier ;
    Considérant qu’à défaut de mention dans des actes de ventes ou d’estimation par inventaire, la valeur des biens meubles entrant dans l’actif successoral est fixée forfaitairement à 5 % des autres composantes de celui-ci, en application du 3o du I de l’article 764 du code général des impôts ;
    Considérant que l’actif de la succession de Mlle X... porté sur la déclaration produite par le notaire aux services fiscaux comprend les créances détenues sur une mutuelle (935,32 euros), les disponibilités déposées sur deux comptes ouverts à la Banque Postale (17 864,79 euros) et un montant forfaitaire représentatif des biens meubles qu’auraient détenus Mlle X..., égal à 5 % des sommes précitées (940,01 euros) ; que cet actif successoral de 19 740,12 euros a été déterminé dans les conditions prévues par la loi ; que par suite Mme Y... n’est pas fondée à demander au président du conseil général de Seine-et-Marne, à supposer qu’elle entende le faire et faute, en toute hypothèse, de justifications de ce que ce forfait serait supérieur aux biens mobiliers effectivement possédés par Mlle X..., d’écarter le forfait litigieux de l’actif de la succession ;
    Sur les frais funéraires ;
    Considérant qu’il appartient au juge de l’aide sociale d’inclure dans le passif de la succession d’un bénéficiaire de l’aide sociale décédé les dépenses réelles imputables à ses obsèques ;
    Considérant qu’en l’espèce les frais funéraires ont été portés au passif de la succession de Mlle X... pour un montant forfaitaire de 1 500 euros ; que toutefois figure au dossier une facture de 4 235 euros établie par une entreprise de pompes funèbres de Pantin ; que cette dernière somme doit être intégralement couverte par l’actif de la succession dont le montant net est ainsi fixé, avant récupération des dépenses d’aide sociale exposées en faveur de Mlle X..., à 15 505,12 euros, la moitié de cette somme revenant à Mme Y... ; que les frais funéraires dont la déduction est sollicitée pour un montant supérieur ne sont pas justifiés au-delà du montant ayant donné lieu à la facture précitée ;
    Sur la modération ;
    Considérant que le juge de l’aide sociale peut souverainement réduire la somme récupérable par la collectivité débitrice de l’aide sociale sur la succession d’un assisté ; qu’il lui appartient d’apprécier la situation sociale de l’héritier en cause ;
    Considérant qu’en l’espèce l’appelante indique qu’elle est étudiante ; que selon son conseil, dont l’administration n’a pas démenti les affirmations, elle ne dispose pas d’autres ressources que celles provenant de l’aide que lui apportent ses parents ; que son père, ancien employé d’une caisse de sécurité sociale, est atteint d’une incapacité permanente partielle de 80 % ; qu’il y a lieu, dans ces conditions, de modérer dans une proportion de 50 % le montant de la somme récupérable par le département de Seine-et-Marne ;
    Considérant qu’il suit de tout ce qui précède que la part de l’actif net de la succession de Mlle X... revenant à sa sœur Mme Y..., arrêtée conformément aux motifs de la présente décision, s’élève à 7 752,56 euros au lieu de 9 870 euros ; que la somme à récupérer par le département de Seine-et-Marne est ramenée à 3 876,28 euros ; qu’ensemble les décisions du président du conseil général de Seine-et-Marne et de la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne, respectivement des 12 février 2008 et 17 décembre 2009, sont réformées en conséquence ;
    Sur les frais exposés non compris dans les dépens ;
    Considérant que Mlle Y... est fondée à solliciter sur le fondement de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 - et non de l’article L. 761-1 du code de justice administrative - le remboursement des frais exposés non compris dans les dépens dont il sera fait en ce qui la concerne une juste appréciation en fixant le montant à lui payer par le département de Seine-et-Marne à 750 euros,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête susvisée est rejetée en tant qu’elle émane des époux Z...
    Art. 2.  -  La récupération à l’encontre de Mme Y... à raison des prestations avancées par l’aide sociale à Mlle X... est ramenée à 3 876,28 euros.
    Art. 3.  -  Les décisions des 12 février 2008 et 17 décembre 2009 du président du conseil général de Seine-et-Marne et de la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne sont réformées en ce qu’elles ont de contraire à l’article 2 ci-dessus.
    Art. 4.  -  Le département de Seine-et-Marne paiera à Mme Y.. la somme de 750 euros sur le fondement de l’article L. 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
    Art. 5.  -  Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y.. est rejeté.
    Art. 6.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 décembre 2010 où siégeaient M. ROSIER, président, Mme AOUAR, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 24 janvier 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer